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Le recyclage exemplaire des « déchets de déchets »

Aménagement. Depuis vingt ans, la communauté urbaine du Grand Reims et le GIE Yprema-Moroni s’engagent ensemble dans la réutilisation des graves de mâchefers, aussi bien sur les chantiers publics que privés.

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Photo de L'Ecograve
Les propriétés de "l’Ecograve" obtenue après le tri, maturation et criblage des mâchefers, sont reconnus comme équivalentes à celles des matériaux naturels extraites des carrières pour une utilisation en remblais ou en couche de fondation de voiries (Crédits : GIE YPREMA MORONI)

« Rien ne se perd, tout se transforme. » Cette célèbre formule attribuée à Antoine Lavoisier, chimiste, philosophe et économiste du XVIIIe siècle, illustre parfaitement le modèle développé par le Grand Reims en partenariat avec le GIE (Groupement d’intérêt économique) Yprema-Moroni. Ces deux entités conjuguent leurs expertises respectives : Yprema, forte de son savoir-faire en matière de valorisation des mâchefers et de recyclage des matériaux de déconstruction − notamment sur son site historique de Lagny-sur-Marne (77) − et Moroni, spécialisée dans l’extraction, le traitement et la commercialisation de granulats. Depuis 2005, la collectivité et le GIE ont mis en place un processus de valorisation des graves de mâchefers issus de l’usine d’incinération des ordures ménagères de Reims. Objectif : transformer ces résidus en matériaux pour les sous-couches routières.

Photo de Claude Prigent
Claude Prigent (Crédits : DR)

Mais qu’est-ce qu’un « mâchefer » ? « Il existe deux moyens d’éliminer les déchets ménagers : l’incinération ou l’enfouissement en décharge de classe 2. Les résidus issus de l’incinération, ce sont les mâchefers », explique Claude Prigent, président du GIE exploitant le site et président d’Yprema, société basée dans le Val-de-Marne. Alors qu’un individu produit à lui seul plus de 500 kg de déchets par an, la question de leur traitement devient cruciale, tant pour la santé publique que pour la préservation de l’environnement – d’autant que la plupart des incinérateurs sont situés en zone urbaine. On peut ainsi qualifier le mâchefer de « déchet du déchet ». Pourtant, lui aussi peut être valorisé, notamment en matériau de construction. « Pour réaliser une route, on utilise trois couches : une couche de fondation de 20 cm, une seconde de base, également de 20 cm, puis la couche de roulement, l’enrobé », détaille Claude Prigent. Le mâchefer entre dans la composition de la première couche, celle des fondations, réduisant ainsi le recours aux ressources naturelles.

Tonnes valorisées de mâchefer depuis

Le taux de valorisation des mâchefers sur le site de Reims (situé à Saint-Léonard) atteint aujourd’hui 96 %. Depuis 2005, plus de 250 000 tonnes ont ainsi été réutilisées par le GIE Yprema-Moroni. Le processus, particulièrement rigoureux, débute dès la sortie de l’usine d’incinération, lorsque le mâchefer n’est encore qu’un mélange de cendres et de résidus métalliques ferreux et non ferreux très humide car refroidi à l’eau. Il est d’abord mis à sécher à l’air libre pour faire baisser son taux d’humidité et « révéler ses premières propriétés chimiques ». Cette étape, appelée maturation, est déterminante. « On contrôle le mâchefer à ce stade, car pour obtenir un bon matériau, le brut ne doit pas contenir plus de 5 % d’imbrûlés. Cela garantit aussi la qualité de l’incinération », précise Claude Prigent. Le site a d’ailleurs obtenu, en 2014, la double certification ISO 9001 (qualité) et ISO 14001 (environnement). Le mâchefer est ensuite traité par plusieurs machines pour extraire les métaux ferreux et non ferreux, comme l’aluminium. Ces résidus sont eux aussi valorisés : « Ils se revendent même plus cher que le mâchefer lui-même ! » Le produit final est calibré avec une granulométrie très fine, qui facilite le compactage. Chaque lot est ensuite contrôlé en laboratoire avant sa commercialisation.

Tonnes produites par an

Photo de L'ensemble de la chaîne de traitement
L’ensemble de la chaîne de traitement (Crédits : DR)

« Nous produisons chaque année 15 000 tonnes de graves de mâchefer. Environ 30 % sont utilisées sur des chantiers du Grand Reims, comme récemment celui du Pont de Witry, et 70 % pour des chantiers privés. Souvent dans les Travaux publics, les collectivités montrent que les processus marchent, et le privé suit. » La collectivité s’est engagée à recourir à ce matériau, devenant ainsi un exemple à suivre. « Ce modèle exemplaire est parfaitement duplicable ailleurs. Les 250 000 tonnes de mâchefers ont été valorisées sous forme de graves recyclées, baptisées Ecograve. Cela représente l’équivalent de 7 hectares de gravières, et donc 7 hectares de terres agricoles préservées ! »