Le ras-le-bol des présidents de chambres consulaires
Conjucture. Les trois chambres consulaires, unies dans un même combat face à la complexité administrative et aux incohérences législatives, invitent leurs ressortissants en difficulté à les consulter sans tarder.

Fermeture des boulangeries le 1er mai, interdiction de vendre du muguet pour les fleuristes le 1er mai, lourdeurs administratives, lois qui s’empilent les unes sur les autres et se contredisent…, « c’est quand même un comble pour le 1er mai ! », souligne Georges Bell, président de la CMA Aube. « C’est encore un non-sens sur des métiers en tension tant au niveau financier qu’en main d’oeuvre et le législateur n’a rien fait, il n’y a pas eu de dérogation nationale ».
Les trois présidents des chambres consulaires poussent donc un cri d’alarme d’une même voix pour défendre le territoire, réunis dans l’entreprise Garnica pour s’exprimer, un lieu volontairement neutre. « Nous sommes confrontés aux mêmes problématiques administratives, économiques, sociétales. Les gens ne savent plus comment gérer les dossiers », poursuit Alain Boulard, président de la Chambre d’agriculture de l’Aube.
« Les trois filières sont interdépendantes : lorsqu’il y a un problème sur l’agriculture, la conséquence d’une mauvaise récolte se répercute sur le coût de la matière première comme ici en industrie chez Garnica, sur le prix du bois pour fabriquer du contreplaqué pour la construction, ou en boulangerie, sur le coût de la farine ou du beurre. Nous n’avons jamais vu autant de boulangeries fermer dans notre région », ajoute Georges Bell.
Aujourd’hui, 33 % des entreprises rencontrent des difficultés pour être payées, contre 28 % le mois dernier. « C’est assez préoccupant », commente Sylvain Convers, président de la CCI de Troyes et Aube, s’appuyant sur la dernière enquête nationale d’avril de la CCI. « En un mois, la confiance des chefs d’entreprise a perdu 3 points sur les perspectives de leur entreprise et l’indice d’optimisme général des chefs d’entreprise baisse aussi de 5 points, il est 65 sur une base 100 alors qu’en 2022, il était à 108 ! Les gouvernements les uns derrière les autres nous demandent de faire des propositions de simplification, donc nous sommes tous très nombreux à faire des propositions, à dire ce qui nous conviendrait mieux. Mais, nous ne voyons pas de résultat ».
À l’exception du principe des tests PME qui est remis en vigueur. Le législateur envisage de consulter les organisations consulaires et patronales avant de divulguer une loi ou un décret pour évaluer sa mise en place et les difficultés qu’elle peut induire.
Simplification administrative
« 65 propositions ont été transmises lors de la dernière crise agricole, mais très peu de choses ont été faites. En agriculture, le niveau européen est celui qui a le plus bougé par rapport au national et au local où nous avons le plus de blocages », poursuit Alain Boulard irrité par le classement en zone humide du département de l’Aube pour l’agriculture. Quant au secteur du bâtiment, la loi ZAN (zéro artificialisation nette) ajoute à la crise.
« L’Aube est le seul département du Grand Est avec un solde migratoire positif et les chiffres sont à -36 % en construction neuve et à -24 % en rénovation, avec 2 000 emplois dans le bâtiment perdus depuis un an », poursuit Georges Bell. « Et à cela s’ajoute un taux de charge à 52 %. Cela devient confiscatoire ! Cela freine les ambitions et pose des questions ».
Esprit d’entreprendre et rebond
« Il faut restaurer l’esprit d’entreprendre », confirme Alain Boulard. « Nous devons dépasser le stade de la résilience », poursuit Sylvain Convers qui convient que les facteurs clés d’un pilotage d’entreprise serein sont loin d’être réunis. « Pour les vins, par exemple, nous parlons de nouveaux droits de douanes aux États-Unis. Cela signifie donc une augmentation des prix aux États-Unis, puis l’inflation et le chômage. Observons cette situation d’un oeil critique en disant que c’est ce qui se passe aux États-Unis et regardons le protectionnisme mondial qui s’installe. La société des alcools du Québec a retiré les vins californiens de ses magasins, il y a peut-être une place pour les vins français. Il faut travailler les niches, arrêter de regarder le verre à moitié vide, et essayer de le remplir ! »
Les présidents invitent donc les entrepreneurs à se rapprocher de leurs chambres consulaires pour ne pas rester isolés. Qu’il s’agisse de créations ou de reprises d’activité, les chambres consulaires peuvent accompagner les porteurs de projet tant sur les problématiques du moment que sur la formation ou la diversification des activités. Gestion des déchets, cybersécurité, intelligence artificielle, facturation électronique, mise en place de formation lors des périodes de chômage partiel, difficulté de trésorerie, « pour faire simple, le chef d’entreprise qui a une préoccupation peut venir frapper à la porte des chambres et nous trouverons une solution ».
Solidaires, chambre d’agriculture, chambre de métier et de l’artisanat et Chambre de commerce et d’industrie affichent leur incompréhension sur les décisions nationales tout en restant opérationnelles pour soutenir les entreprises. Tout cela, sans compter sur l’objectif affiché de réduction du coût des opérateurs d’État du ministère de l’Économie en 2026 qui pourraient affecter un peu plus encore leurs missions.