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Le quartier des Châtillons entame sa réhabilitation

Urbanisme. Avec la Tour des Argonautes, érigée en 1972 et qui culmine à presque 70 mètres, le quartier des Châtillons, est, dans la ville des Sacres, le symbole de l’habitat collectif des années 70. Quasi propriété intégrale du bailleur social Plurial Novilia, le quartier entre dans une ère de rénovation et de réhabilitation. Johnny Huat, Directeur Général nous en explique les contours en livrant la philosophie de Plurial en matière de logement social.

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Photo de la Tour des Argonautes
Inaugurée en 1972, la Tour des Argonautes s’élève à plus de 50 mètres au-dessus du sol – et même presque 70 mètres si l’on compte la sculpture monumentale de 19 mètres d’envergure et de 25 tonnes située sur sa toiture terrasse, le fameux « bateau parmi les étoiles ». (Crédit : PLURIAL NOVILIA)

Petites Affiches Matot Braine  : Le quartier des Châtillons s’apprête à fêter ses 60 ans. Sur 3 179 logements, plus de 2 600 sont portés par Plurial Novilia. Comment gère-t-on un quartier dans son ensemble à une telle échelle, aussi bien au niveau des travaux à effectuer que des aménagements à réaliser ou encore dans le suivi des dossiers des habitants ?

Johnny Huat : Le quartier des Châtillons a toujours été une ville dans la ville : c’est une spécificité historique de sa conception que nous avons intégré très tôt dans notre gestion du quotidien à tous les niveaux, et encore plus dans tout le travail de rénovation urbaine que nous y menons depuis 2016. En termes de gestion locative, l’approche y est la même que pour l’ensemble de notre patrimoine, à savoir une gestion de proximité déclinée sur plusieurs axes.

Chacun de nos 37 000 clients dispose d’un service et d’un suivi sur-mesure grâce à son chargé de clientèle nominatif.

« Nous avons des agences de proximité sur notre parc, auxquelles vient s’ajouter le siège social : tout cela forme un maillage de proximité solide et cohérent, où chaque antenne gère son parc et chaque chargé de clientèle son portefeuille client. »

L’agence des Châtillons est située en plein coeur du quartier. Elle est ouverte de manière fixe 5 jours sur 7 et assure des permanences deux samedi par mois. L’équipe de proximité s’occupe de la gestion quotidienne du parc. En amont, le Centre de Relation Client, point d’entrée quotidien, permet de mieux identifier la demande et de la traiter avec efficacité et professionnalisme.

Concernant les travaux et aménagements, une programmation est actée de manière pluriannuelle et plusieurs critères sont pris en considération pour faire nos arbitrages, comme l’accessibilité, la sécurité, mais aussi les bénéfices pour les locataires au quotidien, notamment l’amélioration du cadre de vie, la résidentialisation des espaces, les aspects énergétiques et thermiques des bâtiments ayant un impact direct sur les charges des clients.

Nous menons ce cadencement avec les acteurs, parties prenantes, les collectivités, les entreprises et les commerçants afin de limiter au maximum les nuisances.

Comment va être pensée la transformation urbaine du quartier ? Aujourd’hui, on parle beaucoup de l’importance de dédensifier les espaces, d’amener de la verdure...

Le quartier des Châtillons fait partie intégrante de l’histoire de Reims puisque c’est sur une ancienne exploitation agricole située au sud de la ville que le quartier a vu le jour en 1962, à l’initiative de Jean Taittinger.

Des urbanistes, des architectes et des paysagistes de renom comme Maurice Rotival, Michel Marot, Daniel Tremblot, Robert Clauzier ou Jacques Simon ont imaginé cet aménagement atypique, dans l’esprit d’un village, qui explique notamment l’attachement, l’affection même, des habitants pour leur quartier.

C’est en partie pour cela que l’ANRU a choisi d’intégrer le quartier à son Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU) en 2016. Il s’agit au fond de repenser en profondeur l’aménagement et les usages du quartier, afin d’améliorer le quotidien des habitants mais en conservant cet état d’esprit d’origine – en le réinventant et en le modernisant pour qu’il corresponde aux exigences actuelles, notamment environnementales.

Photo de logements avec balcons
Dédensifier les espaces extérieurs et ouvrir les espaces intérieurs, avec notamment l’ajout de balcons, sont deux axes qui ont guidé les équipes de Plurial Novilia dans le cadre de l’ANRU. (Crédit : VILLE DE REIMS)

C’est un travail qui demande une vision d’ensemble, portée collectivement avec le Grand Reims et la Ville de Reims suite à la signature d’une convention avec l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU) fin 2019.

Et c’est surtout un travail qui est mené depuis plus de 7 ans maintenant par Plurial Novilia, et qui s’est déjà traduit par la transformation de plusieurs îlots, la démolition de 4 immeubles, la réhabilitation de plus de 900 logements et de nombreux travaux de désenclavement, de résidentialisation, de création de nouveaux espaces publics et de nouveaux espaces verts…

À terme, ce ne sont pas moins de 21 immeubles qui seront démolis, 2 322 logements requalifiés, une nouvelle agence de proximité créée, mais aussi une nouvelle offre d’accession permettant d’accompagner le parcours résidentiel – sans parler de l’ensemble des aménagements urbains et du travail de résidentialisation qui va être mené.

Au total, Plurial Novilia investit plus de 111 millions d’euros dans le cadre du Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU). C’est sur la décennie à venir l’un des projets les plus colossaux pour un bailleur local.

2 322 logements vont être réhabilités. De quelle manière vont-ils l’être alors que la question énergétique est incontournable avec l’évolution des prix du gaz et de l’électricité mais aussi l’importance de réduire les émissions de CO2 ?

Un travail de phasage a été réalisé lors de l’étude de conception afin de mener de manière efficiente les réhabilitations. La première phase a débuté en 2019 jusque juillet 2022 pour 322 logements situés sur le coeur d’ilot René Descartes-Kerguélen et la dernière phase devrait s’achever à horizon 2028.

Le programme des travaux est sensiblement identique d’un secteur à l’autre car les enjeux majeurs de la réhabilitation sont de conforter l’habitat, notamment pour les populations vieillissantes, d’accroitre la performance énergétique du bâti, d’améliorer la sécurisation de nos résidences et d’embellir le cadre de vie en ajoutant des surfaces supplémentaires telles que la création de balcons.

  • Le quartier des Châtillons
    (Crédit : ARCHIVES PLURIAL NOVILIA)
  • Le quartier des Châtillons
    (Crédit : ARCHIVES PLURIAL NOVILIA)

Le choix a également été fait de raccorder les sites à la chaufferie urbaine « Générateur Bois B » du Grand Reims afin d’inscrire pleinement le quartier dans une énergie plus respectueuse de l’environnement tout en maitrisant davantage les consommations. En effet, en 2021, le réseau de chaleur du Grand Reims s’est lancé dans un projet ambitieux, celui d’intégrer du bois de récupération (Bois B) dans son mix énergétique, permettant ainsi de produire une chaleur à 90 % d’origine renouvelable (60% auparavant).

Le chauffage du quartier des Chatillons était assuré historiquement par deux chaufferies 100% gaz. Afin de verdir l’énergie alimentant le quartier, Plurial Novilia a acté le raccordement du territoire au réseau urbain du Grand Reims en juillet 2021. À la suite de ce raccordement le CO2 du quartier Châtillons a été divisé par 10.

Concernant les services, indispensables dans la vie et l’attractivité d’un quartier, une réflexion est-elle engagée avec la Ville de Reims pour en déployer de nouveaux ? Idem pour les commerces ?

La place des services au sein du quartier est centrale et ce, de manière historique. Nous travaillons, de manière concomitante avec la Ville de Reims, à apporter des services de qualité et adaptés à la population. La recomposition globale du quartier (avec la création d’ouvertures, de circulations, d’espaces et d’une offre nouvelle en logements, locaux d’activités et équipements), la réhabilitation et la résidentialisation de l’habitat, mais aussi l’arrivée et le confortement de services (la maison de quartier, le pôle santé, les rdc commerciaux, le chauffage urbain, le bus à haut niveau de service, l’espace eau…) sont des réponses concrètes pour améliorer la qualité de vie, le pouvoir d’achat des habitants, mais aussi relever les défis de la transition énergétique et écologique.

Le réaménagement de la Place des Argonautes permettra également d’accueillir un nouvel immeuble de locaux d’activités (en cours de conception), construit par Plurial Novilia en vis-à-vis de l’avenue Cook. Et en parallèle, une rénovation systématique des locaux commerciaux vacants est en cours afin de leur redonner de l’attractivité.

Tout cela doit permettre de stabiliser et de renforcer le tissu local, en replaçant les services publics des concitoyens et en donnant les moyens aux entreprises et aux commerces de s’implanter dans des bonnes conditions.

Le chantier de la Tour des Argonautes va débuter. Comment va-t-il s’organiser alors qu’elle comprend plus de 150 logements ? Quels types de travaux seront effectués ?

Nous avons voulu rendre hommage à ce bâtiment inauguré en 1972 et qui s’élève à plus de 50 mètres au-dessus du sol – et même presque 70 si l’on compte la sculpture monumentale de 19 mètres d’envergure et de 25 tonnes située sur sa toiture terrasse, le fameux « bateau parmi les étoiles ».

Photo de Johnny Huat
(Crédit : Johnny Huat)

Pour cela, nous avons souhaité travailler autant sur l’intérieur que sur l’extérieur du bâti, sur sa dimension technique et architecturale que sur les usages de ses occupants. La Tour des Argonautes est bien sûr un symbole externe pour la Ville et le Quartier, mais c’est avant tout un lieu de vie, avec ses 17 étages et ses 157 logements locatifs.

Le changement le plus visible pour les habitants sera la reprise complète de la façade, aujourd’hui composée d’un bardage en plaques ondulées particulièrement massif.

La Tour va en effet bénéficier d’une nouvelle façade, plus contemporaine, de nouveaux ascenseurs, d’espaces communs repensés, et de logements remis au goût du jour et aux normes – pour une meilleure performance énergétique globale. Parallèlement, l’aspect « étoile à trois branches » sera lui renforcé, et les coloris du bardage de la Tour feront un rappel aux coloris des carreaux de pâte de verre si typiques des constructions historiques du quartier.

La reprise des façades en bardage se couplera évidemment à un travail d’isolation thermique par l’extérieur, la reprise de l’étanchéité en toiture ou encore le remplacement des menuiseries extérieures en aluminium – avec pose de volets roulants motorisés.

Le projet labellisé BBC Effinergie Rénovation doit permettre de faire passer l’étiquette énergétique de la Tour de D à B, entrainant de fait une baisse des consommations. À l’intérieur de la Tour des Argonautes, si les trois ascenseurs ont déjà été remplacés, les espaces communs feront prochainement l’objet de travaux (changement des portes, rénovation des paliers…) et les 157 logements bénéficieront de possibles travaux d’adaptation, avec remplacement des sanitaires au-delà des équipements vétustes, mise en sécurité électriques, pose de robinets thermostatiques.

Il est également prévu de créer des salles de bain adaptées aux seniors dans certains logements. Les travaux démarreront courant septembre 2023 pour une durée de 18 mois, et un coût prévisionnel de l’opération de 6 millions d’euros.

Quelle philosophie porte Plurial Novilia dans la gestion d’un quartier entier tel que celui des Châtillons ? À quoi doit ressembler le quartier de demain ?

Il y a aujourd’hui un gros travail à effectuer pour repenser ces quartiers qui ont été bâtis dans les années 60 et 70, et qui ne correspondent plus forcément ni aux besoins, ni aux aspirations de la population, ni même à la manière dont notre société et nos villes fonctionnent.

  • Photo du quartier des Châtillons
    Dès les années 70, le quartier des Châtillons a été conçu dans une perspective d’installation des familles, avec des espaces de jeux pour les enfants. (Crédit : ARCHIVES PLURIAL NOVILIA)
  • Photo du quartier des Châtillons
    Dès les années 70, le quartier des Châtillons a été conçu dans une perspective d’installation des familles, avec des espaces de jeux pour les enfants. (Crédit : ARCHIVES PLURIAL NOVILIA)

Beaucoup a déjà été fait ces dernières années et même ces dernières décennies, les bailleurs comme Plurial Novilia ont beaucoup investi, beaucoup construit, beaucoup réhabilité, beaucoup résidentialisé, beaucoup travaillé sur la proximité. Mais c’est un travail de longue haleine et qui doit être porté collectivement.

Chaque fois que nous aménageons, que nous construisons, que nous réhabilitons, nous nous efforçons d’avoir une vision globale : un quartier, c’est un ensemble où tout est interdépendant. On pourra construire le plus bel immeuble, le plus innovant, le plus performant, si on ne pense pas ses usages, quel public il va accueillir, comment il va s’intégrer dans le quartier, comment on va y accéder, circuler autour, comment les gens vont pouvoir s’approprier les espaces, on passe à côté de notre sujet.

À bien des égards, l’esprit de village des Châtillons incarne assez bien la philosophie que nous essayons d’incarner au quotidien. Nous sommes innovants, capables de porter des projets particulièrement complexes, techniques et audacieux, en phase notamment avec les enjeux environnementaux et énergétiques actuels. Mais nous sommes aussi un bailleur de terrain, qui vit au coeur des quartiers, qui voit les besoins sans cesse évoluer et adapte son action en conséquence

De l’accompagnement du vieillissement de la population au renforcement de la mixité sociale, de la sécurisation du quotidien à la fluidification des parcours résidentiels, l’habitat est au carrefour de tous les enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux. Et les quartiers en sont l’extension collective la plus importante.