Le peuplier peine encore à regagner du terrain
Bois. Alors que la demande industrielle locale est toujours plus importante, la ressource reste encore insuffisante malgré la mobilisation de la filière et les aides en place.
Tous les voyants sont au vert et pourtant la populiculture peine à s’étendre. Une demande industrielle locale forte et assurée dans le temps, des cours qui ont doublé en quelques années pour atteindre 60 euros du mètre cube pour du peuplier de qualité, et des aides publiques qui viennent soutenir la filière, voilà pour les éléments positifs.
La « journée populiculture » organisée à Fontaine-les-Grès par le Groupement Champenois et Maison auboise de la forêt privée et du bois a mis en évidence un contexte plus favorable que jamais mais aussi l’existence d’obstacles à franchir.
Le déficit de ressources par rapport aux besoins industriels risque aussi de peser prématurément sur les récoltes en creusant encore plus le déficit de volume. Les constats sont éloquents.
Actuellement les 5 400 hectares de peupleraies auboises produisent 63 600 m³ par an. C’est très loin de couvrir les besoins industriels locaux annuel. Dans l’Aube, comme ceux de Garnica (150 000 m³ dans un premier temps avant un doublement prévu ) et Bois Déroulés de Champagne à Marigny-le-Chatel (60 000 m³), dans la Marne avec Leroy Industries à Épernay (50 000 m³) et en Côte-d’Or avec Brugère à Châtillon-sur-Seine (40 000 m³).
À cela s’ajoute la forte demande du marché italien, qui malgré le coût du transport est très demandeur de peuplier français.
« Ce n’est pas logique en termes de CO2 puisque ces exportations représentent 30 camions par jour, il faut que la ressource locale soit valorisée sur place d’autant que les industriels sont demandeurs », fait remarquer Pierre Dhorne, le directeur de Garnica. Dans la Marne, l’autre grand producteur du peuplier du Grand Est (25 000 à 30 000 ha de peupliers au total), la populiculture couvre 9 200 hectares.
Il faut absolument que la populiculture regagne du terrain. Dans les vallées de la Seine, de l’Aube et de leurs affluents, 13 500 hectares sont aptes à la production de peuplier, alors que seulement 40 % de cette surface y est consacrée.
Un remembrement contre le morcellement
La mobilisation générale a sonné, avec un plan peuplier et des aides de la Région pour encourager la plantation de peupliers. Les industriels comme Garnica mettent aussi en place des dispositifs comme la location de terres pour faciliter la populiculture. Le Groupement Champenois a lancé une bourse foncière pour faciliter l’échange de terres, avec le soutien du conseil départemental de l’Aube.
Des initiatives qui se heurtent à la même problématique, celle du morcellement des terres dans les vallées, où chaque propriétaire possède en moyenne un demi-hectare de terrain auquel il s’intéresse plus ou moins. Un remembrement dans les vallées serait la solution pour diminuer le fractionnement et permettre de replanter des peupliers.
« C’est une opération complexe, qui prendra du temps et coûtera de l’argent au département, on est prêts à s’y engager mais il faut au préalable élaborer une stratégie », estime Philippe Pichery.
Le président du conseil départemental de l’Aube envisage de réunir les acteurs de la filière, des experts et les maires des communes concernées avant toute chose. La préfète de l’Aube, Cécile Dindar, préconise de « travailler sur un ou deux territoires laboratoires pour mettre en place une stratégie partenariale ».
« Il faut aussi que nous travaillions sur l’image de la populiculture pour faire comprendre, au-delà des enjeux économiques, que le peuplier joue un rôle très important dans la séquestration de carbone pour lutter contre les changements climatiques mais aussi dans la gestion des crues dans nos vallées », conclut Didier Marteau, président du Groupement Champenois.