Le Moulin à couleurs, des pigments naturels 100% made in Ardennes
Artisanat. L’entreprise créée en 1866 est la dernière fabrique de terres colorantes en France. Elle commercialise près de 80 couleurs de pigments dont 45 pigments naturels.

Entreprise de la famille Boizet jusqu’en 1992, c’est à cette date qu’est créée la SARL Le Moulin à Couleurs par Bernard Poix, le repreneur. Dix ans plus tard, en 2002, son fils Emmanuel Poix reprend les rênes, suite à son décès soudain. Comptable lors de sa première vie professionnelle, Emmanuel Poix en a gardé le sens des chiffres pour cette entreprise située au beau milieu des Ardennes, à Ecordal.
Imaginez, des bâtiments industriels centenaires, entre taule et métal, dans un décor aux lueurs sépia, dues à la couleur si caractéristique de la terre qui y est exploitée et travaillée. Sa teinte rougeâtre, elle la doit à sa forte concentration en oxyde de fer. « À sa création, l’entreprise fabriquait des terres colorantes essentiellement pour la coloration des vernis. La localisation a été choisie à Ecordal en raison de la force hydraulique de la Foivre à proximité, rivière qui faisait tourner la roue à eau. » Si l’entreprise s’est bien sûr modernisée au fil du temps, elle reste néanmoins très traditionnelle dans les machines qu’elle emploie.
Euros de chiffre d’affaires
« En 1945, il y avait douze moulins à couleurs en France. Aujourd’hui, nous sommes le dernier avec les Ocres du Roussillon », indique Emmanuel Poix. Quatre salariés travaillent quotidiennement au sein du Moulin à couleurs pour dégager un chiffre d’affaires de 600 000 euros par an. « Nous fabriquons 150 tonnes de pigments par an. Ceux-ci sont conditionnés dans des sacs de 25 tonnes pour les maçons. 70% sont vendus en France et 30% à l’export. » La destination de ces pigments est presque infinie, Emmanuel Poix expliquant : « On colore tout ce que l’on veut sauf de l’alimentaire. » Paradoxalement, alors que ces pigments sont 100% naturels, les normes sanitaires exigent le plus souvent des colorants artificiels. Les pigments sont donc essentiellement utilisés pour les secteurs du bâtiment, de la restauration du patrimoine et de la décoration d’intérieur.
Plus fins que de la farine

Les grandes marques de peinture les ont également adoptés pour fournir les professionnels. « Nos poudres sont plus fines que de la farine – 30 à 40 microns – ce qui leur confère une très grande facilité et homogénéité de mélange. Le pigment naturel ne bouge pas avec le temps. » Comme chantiers emblématiques on peut ainsi citer celui de la Place Ducale de Charleville-Mézières, le château de Sedan ou encore les colossaux travaux de Notre-Dame de Paris.
L’activité du Moulin à couleurs consiste à extraire des terres ou des ocres ardennaises, de les sécher ou les brûler puis de les broyer le plus finement possible pour obtenir un pigment 100% naturel. Avec une tonne de terre, extraite dans des carrières qui se trouvent dans un rayon de 150 kilomètres, le Moulin à couleurs produit 750 kg de produit fini. « Nous allons à la carrière deux fois par an. On ne creuse pas en dessous de 3 mètres de profondeur pour ne pas tomber sur les argiles et n’extraire que la terre de sienne naturelle, chargée en oxyde de fer (plus de 40%)… Pour les pigments noirs, en revanche, nous allons en Allemagne et pour le rouge, à Madras, en Inde. »
Avec huit terres de base, la société fabrique 45 teintes. En 2010, le Moulin à couleurs a été labellisé EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant) assurant qualité et traçabilité et lui amenant une notoriété auprès des professionnels notamment ceux du secteur des métiers d’art.