Entreprises

Le Medef Marne plaide pour la stabilité et le courage collectif

Patronat. Sur des questions d’actualité, le Medef Marne a abordé récemment les problèmes inhérents aux rapports entre l’Etat et les entreprises. Au cahier de ses doléances : moins de charges liées à la production, plus d’attention portée à la formation professionnelle, une puissance publique appuyée sur le développement de l’économie

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Photo de Damien Sionneau
Damien Sionneau, Président du Medef Marne : « Mettre la puissance publique en appui de l’économie ». (Crédits : GD)

Huit responsables autour du Président, Damien Sionneau, la récente conférence de presse du Medef Marne s’est tenue à plusieurs voix, chaque intervenant dans son domaine mais tous illustrant la force du collectif chère au Mouvement des Entreprises de France. Dans le bâtiment, premier secteur évoqué dans cette conjoncture de mi-2025, Philippe Gayet note le redressement des autorisations de programmes et celui des mises en chantier, sur fond cependant, de déficit : 1 400 logements en projection annuelle dans la Marne, là où il en faudrait le double, pour éviter une pénurie à terme. L’emploi du secteur est légèrement en baisse, l’intérim recule de 2% mais résiste mieux dans le département que dans la région Grand Est (-4%). Les matériaux coûtent toujours plus cher. L’avenir s’annonce tendu avec des carnets de commandes restreints.

Une activité en baisse pour la majorité des entreprises métallurgiques

Cédric Kamerer, pour la métallurgie, s’appuie sur la dernière enquête de juin 2025 : 67% des entreprises de la Marne ont une activité étale ou en baisse, une projection en baisse pour les deux tiers des entreprises questionnées et des donneurs d’ordres prudents dans un contexte d’instabilité économique. Un tiers des entrepreneurs en situation de dégradation de leur trésorerie, conséquence des retards de paiement et d’une rentabilité en baisse. Le Président Marne de l’UIMM note des ajustements d’effectifs, 18% des entreprises dans ce cas, et de plus en plus de demandes d’activité partielle. Il conclut sur les 40% des entreprises envisageant des baisses de leurs investissements, ces derniers étant déjà retombés à un niveau ramenant vingt ans en arrière. En bref, l’instabilité politique engendre l’attentisme général.

Le PDG de Louis de Sacy et Président de Effevent, organisateur du Viteff, entame son propos avec l’atonie récurrente du marché du Champagne et note a propos des surtaxes américaines : « Au moins, nous savons à quoi nous en tenir ». Alain Sacy attend des accords du Mercosur en général et des pays comme l’Inde ou le Brésil, des débouchés d’avenir. À propos de l’inflation des prix du champagne, il assimile le phénomène à un rattrapage : « Le prix du champagne a-t-il été le bon prix durant les 30 dernières années ? Il fallait aller vers une réelle valorisation d’un produit de qualité ».

L’Etat ne prend pas en compte la valeur travail

Pascal Nowak, pour les entreprises de propreté et services associés, parle d’un secteur à fort recrutement et qui exige des demandes récurrentes de maintien de certaines exonérations de charges de la part de l’Etat. Le Président Grand Est de la branche évoque les marges restreintes des entreprises concernées, entre 2 et 2,8%, et la position salariale des embauches, en moyenne à 8% au-dessus du Smic. Pour lui, l’impression est que les pouvoirs publics sont assis sur la valeur travail, quand sur le terrain, les clients exigent de plus en plus des réductions dans les coûts de la sous-traitance. Il termine son intervention en évoquant ce gros problème que sont la formation et l’insertion professionnelle avec des organismes en grande difficulté. Il souligne cette autre difficulté : les clients ne perçoivent pas la technicité et le professionnalisme du secteur propreté et services associés, pour eux l’hygiène ne doit pas coûter cher.

« Nous étions plutôt optimistes au début de l’année, avec des défaillances d’entreprises modérées dans la Marne, comparativement aux départements environnants », note Guillaume Denis, Directeur Marne de la BPALC, avant que le contexte géopolitique de l’été vienne brouiller les investissements dans beaucoup de secteurs d’activité. Les trésoreries se tendent, la visibilité recule, les règlements à date reculent. Et pourtant, 95% des demandes de crédits sont encore accordées par les banques. Malheureusement, on doit s’attendre à une hausse des taux du crédit. Et puis cette remarque : « Les Français épargnant de plus en plus, il serait urgent d’avoir une réflexion autour de l’utilisation de cette épargne. Pourquoi ne pas l’investir dans le soutien des entreprises ? »

30% des CFA du Grand Est en situation de plan de sauvegarde

Christian Brethon alerte sur l’état de la formation. Le Président de l’UIMM Grand Est s’inquiète quant à l’avenir de l’apprentissage : « 30% des CFA du Grand Est en situation de plan de sauvegarde, diminution des aides de l’Etat et baisse de l’activité économique, des entreprises qui manquent de visibilité et qui n’embauchent plus d’apprentis et donc des jeunes qui restent en rade ». Christian Brethon donne un exemple de cette situation : « 100 jeunes en métallurgie à la recherche d’entreprises, ce sont 100 millions d’euros en moins pour le pôle de formation de Champagne-Ardenne. On est en train de favoriser les formations supérieures au détriment des formations aux métiers ».

Et enfin ce témoignage de Jérôme Sevean, Président de l’antenne Châlons-en-Champagne / Vitry-le-François / Sainte-Menehould « Nous assistons à une augmentation des risques psycho-sociaux venant de salariés qui demandent des visites à la médecine du travail (stress ou démoralisation face au manque de perspectives dans leur emploi). »

En conclusion de cette conférence de presse, Damien Sionneau affirme la position tendue du Medef au niveau national quant aux tractations entre partis politiques et syndicats qui aboutiraient à des taxations supplémentaires des entreprises. « L’Etat, poursuit le Président du Medef Marne, a déjà surtaxé les entreprises en 2024 (+13 milliards d’euros supplémentaires). Nous sommes au rang des pays européens dans lesquels les entreprises sont les plus taxées et donc les moins compétitives ». Il rappelle l’indispensable : « Avoir un budget et éviter une nouvelle dégradation internationale de la position monétaire française qui aboutirait à une situation économique catastrophique en 2026. Le monde politique actuel ne prouve pas son intelligence. Les budgets doivent s’appuyer sur des réformes plus que sur des suppressions ».

Le MEDEF à la recherche d’un interlocuteur pour prioriser l’économie

Le Medef se demande aujourd’hui à qui s’adresser. Un gouvernement fragile et un Président qui n’écoute rien. À la question : Faut-il un Premier Ministre entrepreneur ? Il répond « Tout le monde en rêve mais … ». Le problème est politique, il faut un politique pour le régler. S’entourer d’experts du monde de l’entreprise ? « Pourquoi pas ! »

Damien Sionneau cite les propositions du Front Economique, rassemblant des économistes, des chefs d’entreprises, des clubs de réflexion sur le thème ‘‘Que peut-on faire pour améliorer économiquement la France ?’’ Et répond quant à lui : « Réduire les impôts de production, mettre la puissance publique à l’appui de l’économie, renforcer l’éducation et le développement de la jeunesse ». Pour Damien Sionneau, l’Etat doit travailler sur le long terme, sans oublier que c’est l’entreprise qui fait tourner la France. Sur la situation économique de la Marne, moins mauvaise qu’ailleurs, l’ensemble des intervenants préviennent : attention à une économie bicéphale, Champagne et agro-industrie. En conclusion : qu’est-ce qui pourrait satisfaire le Medef ? La réponse de Damien Sionneau : « De la cohérence politique et du courage pour penser collectif ». Compromis, selon lui, ne signifiant pas forcément compromission.