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Le cri d’alarme de six branches professionnelles ardennaises

Conjoncture. La période de forte incertitude a poussé les branches professionnelles, adhérentes du Medef ardennais, à se réunir pour se pencher sur une conjoncture économique qui alimente les inquiétudes. Toutes ont tiré la sonnette d’alarme.

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Photo des acteurs économiques ardennais
Dans un climat économique et social fragile, exacerbé par un déficit public très préoccupant, les acteurs économiques ardennais ont fait part de leurs inquiétudes. (Crédit : DR)

D’entrée de jeu, Thierry Ducoffe, président de la branche ardennaise du Medef, donne le ton en parlant d’une situation « très critique, floue et tendue dans un environnement économique et social fragile ». Il dénonce « un déficit public abyssal qui réduit sérieusement les marges de manœuvre pour la relance de l’économie ». Cette situation budgétaire fait craindre des retombées négatives chez les dirigeants d’entreprises et pèse sur les perspectives d’investissements.

Thierry Ducoffe adresse une fin de non-recevoir à un impôt supplémentaire. Il préconise en revanche, une baisse drastique des dépenses publiques, à travers « une lutte contre la fraude sociale, une rationalisation des 438 opérateurs de l’État, une réforme du régime social des travailleurs frontaliers, la transformation digitale des administrations publiques et le contrôle de l’absentéisme dans la fonction publique quatre fois supérieur au privé ». La conjugaison des principaux indicateurs économiques laisse ainsi présager des mois compliqués d’autant que la hausse des matières premières reste préoccupante. « La dégradation du climat des affaires se traduit par une inflexion des investissements productifs, l’interruption des créations d’emplois et une utilisation en baisse de l’intérim », détaille-t-il. Plus inquiétant, une augmentation de 28 % des défaillances d’entreprises a été constaté en l’espace d’un an.

Une crise silencieuse

Nicolas Grosdidier, président de l’UIMM Champagne-Ardenne parle, lui, d’une « crise silencieuse qui s’est installée dans l’industrie et dont on parle peu à cause de deux derniers exercices surréalistes en termes d’activités. Nous avons cru qu’on était encore sur cette lancée, car nos donneurs d’ordre nous incitaient à augmenter nos capacités et à embaucher. Mais, depuis août, on s’aperçoit que la bulle a éclaté. Il faut redescendre sur terre. L’activité devient anormalement basse parce que la crise est mondiale. »

Les industriels doivent également faire face à l’intégration de la RSE, « sur le fond, nécessaire » mais nécessitant des efforts complémentaires. « On entre dans une crise profonde qui, cumulée à un bouleversement sociétal, social et environnemental, va laisser des traces. Notre territoire est résilient mais jusqu’où ? » s’est demandé le dirigeant de La Fonte Ardennaise qui craint des suppressions de postes et des licenciements.

Même constat de Samuel Deglaire président du BTP des Ardennes : « On subit une crise majeure en raison de l’effondrement du logement neuf, en particulier pour les primo accédants. Les permis de construire ont chuté de 21,6%, les mises en chantier reculé de 19,8 %, ce qui aboutit à une côte d’alarme avec 200 logements en moins sur un an. C’est catastrophique. Par ailleurs, la mise en place de la réforme de MaPrimeRenov’ a eu des effets déstabilisants dans la rénovation », alerte-t-il. En termes d’investissements publics (146 millions d’euros en 2023), les Ardennes font partie des sept territoires les plus mal lotis.

« Soit 719 euros d’investissements dépensés en moyenne par habitant en France, ici nous stagnons à 547 ». Le BTP est passé de 5 029 emplois en 2008 à 3 292 aujourd’hui et le nombre d’intérimaires a baissé lui, de 17% dans ce secteur d’activité.

L’hôtellerie est aussi impactée. Aurore Iwanciw, responsable de l’UMIH 08 et à la tête de l’hôtel du château de Sedan déplore une concurrence déloyale d’Airbnb qui n’a pas les mêmes obligations sur le plan de la fiscalité, de la conformité et la sécurité. Elle a aussi écorné les anciens employés de l’hôtellerie qui deviennent prestataires de services « en nous concurrençant et en précarisant la profession ». À l’échelle locale, l’activité hôtelière qui souffre d’un manque de lits n’a pas été très bonne dans les Ardennes. « Les réservations ont été tardives en raison des conditions météo. À Sedan, si l’activité billetterie du château a été intense, le panier moyen a baissé. Les gens n’ont pas les moyens de manger sur place ». Intervenant pour la restauration et les cafés, François Béguin a mis en avant le gros turnover qui caractérise ces métiers avec 40 changements de noms à la tête d’établissements. Là encore, « il y a des difficultés pour trouver du bon personnel malgré l’effort réalisé au niveau des salaires ».

Transport : les trésoreries fragilisées

La profession du transport (1 921 salariés dans 150 PME et 2 334 poids lourds) est aussi sous pression, selon Patrick Labory, président de la FNTR des Ardennes. « Le nombre de prestations de transports routiers est en net recul à cause d’une demande en baisse de l’industrie et de la grande distribution. Les trésoreries sont donc fragilisées au moment où les prix stagnent. Le volume d’affaires a également été touché par la baisse des bennes céréalières, résultat d’une mauvaise moisson. On a également des soucis liés au financement de la mobilité décarbonée de nos flottes et à l’acquisition et au ravitaillement de véhicules électriques et hydrogènes. De quels financements allons-nous bénéficier alors que ce surcoût limite notre capacité à investir ? » Autres sujets abordés : les éco-contributions qui doivent être mises en place sur les autoroutes A 30 et 31 et les nationales 4 et 44 ainsi que la hausse de 25 % du versement mobilité pour les PME de l’agglomération Ardenne Métropole qui fait grincer des dents alors que les défaillances ont progressé de 28, 7 % en un an.

Enfin, Loïc Gobé, responsable de la fédération des entreprises de services aux particuliers, ajoute une autre ombre à ce tableau. « Le contexte démographique encore plus prégnant dans les Ardennes est très préoccupant. Le nombre de personnes de plus de 65 ans est de 2,5 millions en France. 90% d’entre-elles veulent rester à domicile. Il y a donc un vrai sujet d’accompagnement, d’autant qu’on a comptabilisé 25% de défaillances d’entreprises en juin 2024, dont le plus gros opérateur ardennais de l’aide à domicile. Nous sommes dans l’impossibilité de répondre à la demande, ce qui pose des questions sur le coût que cela va générer pour les collectivités et l’État alors que plusieurs centaines d’emplois pourraient être créées ici dans cette branche ».