Entreprises

Le conflit oui, mais de manière maîtrisée

Séminaire. « Le Conflit c’est la vie ». Si cette affirmation peut paraître provocatrice, Charles Rojzman, psychosociologue et écrivain français, est venu démontrer durant une journée au cabinet Des Ressources et des Hommes en quoi affronter, voire provoquer le conflit, peut être salvateur…

Lecture 7 min
Photo de Jérôme Gille, Mélanie Faye et Charles Rojzman
Jérôme Gille, consultant et psychologue du travail au cabinet Des Ressources et des Hommes, co-gérant et Mélanie Faye, formatrice et coach, ont invité Charles Rojzman, psychosociologue et écrivain français. (Crédit : ND)

Ils étaient une vingtaine de chefs d’entreprise, consultants, formateurs, à être venus écouter Charles Rojzman et participer à des ateliers concernant la gestion du conflit, lors du séminaire organisé par le cabinet rémois spécialisé dans l’accompagnement des entreprises, Des Ressources et des Hommes. « Souvent, le conflit est associé à une situation problématique et on essaye de l’éviter à tout prix. Or, il y a des conflits nécessaires », dit le psychosociologue qui a écrit de nombreux ouvrages sur le sujet. Les ratés, les loupés, la méconnaissance amènent au conflit.

« C’est compliqué de gérer ses émotions dans ces cas-là », avance une consultante. « La volonté de dédramatiser, de prendre de la hauteur et du recul n’est pas non plus évidente », glisse un autre, en toute honnêteté. Avoir les clés pour ne plus avoir peur du conflit, être capable de dire quand cela ne va pas, savoir identifier les « signaux faibles » d’une situation potentiellement explosive et avoir la réaction appropriée, voilà notamment ce qu’étaient venus chercher les participants. La matinée était ainsi consacrée à poser les bases de la compréhension du déclenchement d’un conflit et quels ressorts et mécanismes il y a derrière une situation de crise, quand l’après-midi apportait les solutions grâce à des ateliers de mises en situation.

Méthode de la Thérapie sociale

Ainsi l’on apprend que le conflit devient violence quand on ne sait pas « apprivoiser » la peur et les doutes. « Quatre types de mécanismes se mettent alors en place », explique Charles Rojzman. « En premier la maltraitance, avec un comportement ouvertement agressif. En deuxième, la dévalorisation. On va faire en sorte de rabaisser l’autre et de lui faire comprendre que l’on sait mieux les choses que lui. En troisième, l’ignorance. On ne va pas s’intéresser à ce que l’autre vit, ressent. Enfin, le quatrième mécanisme est celui de la culpabilisation, de la diabolisation de l’autre », détaille celui qui est à l’origine de la Thérapie sociale, développée depuis plus de 10 ans et ayant pour objectif de « soigner la coopération entre les êtres humains afin de recréer de l’intelligence collective ».

La peur du jugement

Car la plupart du temps, les gens ne disent pas ce qu’ils pensent car ils ont peur d’être jugés, « ils mettent des masques ». La deuxième manière de se protéger va consister à « créer des clans, par affinités, par métiers, par générations… » Or dans ce cas-là, le collectif n’existe plus, ce qui, au sein de l’entreprise tout autant que la société est fortement dommageable. La rébellion ou la soumission à l’autorité est également une façon de régir à un conflit larvé. « Ces trois manières de se protéger, on les retrouve dans beaucoup de modèles de conflits », indique le psychosociologue. Le conflit devient alors violence quand on ne va pas considérer l’autre comme son égal.

Cette réflexion, Charles Rojzman l’a menée toute sa vie et puisée dès son enfance. Né en 1942 dans une famille juive polonaise, il a vu la majorité de sa famille décimée pendant la Seconde Guerre mondiale, dont ses frères et sœurs. De ce traumatisme, il en fait une recherche constante, en créant son propre Institut, visant « à prévenir et transformer les violences sous leurs formes les plus diverses, qui constituent les obstacles individuels et collectifs au bien-être, à la créativité et à la cohésion sociale dans les groupes, dans les organisations et dans la société ».

Intelligence collective

Parti à l’étranger pour observer toutes les formes de conflit, aussi bien dans des zones de guerre que dans des institutions, il a constaté que la violence existe « partout, dans tous les milieux, aussi bien les privilégiés que les plus précaires ». « Les différences de pouvoirs, d’histoires de vie, de culture, de genre, de générations… font qu’on ne peut pas être toujours en accord. Mais, le fait de ne pas être en accord peut devenir une source d’intelligence collective », souligne-t-il. Et pour arriver à mieux comprendre la complexité d’une situation, il va falloir arriver à parler « sans masque, sans fard ». La clé sera de « créer une coopération dans laquelle les informations circulent pour agir » L’objectif est bien d’entraîner les collaborateurs vers de plus en plus de confiance en créant un environnement suffisamment « sécure » pour que chacun s’exprime. « La confiance, c’est l’absence de peur. » Dire la vérité est impératif.

La posture du dirigeant ou du manager sera donc cruciale pour contrer le manque de motivation, de coopération et de responsabilité. « Ce sera à lui de créer un environnement sécurisant, en faisant attention à ne pas mépriser et surtout en acceptant l’imperfection... qui est aussi le reflet de la sienne », souligne Charles Rojzman. Créer du lien, ne pas rejeter les collaborateurs et être conscient de l’impact de son propre comportement. « Tout ceci, bien sûr, ne s’effectue pas du jour au lendemain. Il s’agit d’un long processus pour faire adhérer les collaborateurs et leur permettre d’exprimer leurs sentiments, en acceptant donc, d’entendre des choses négatives. » Pour les collaborateurs, il s’agira aussi de ne pas confondre « exigences et besoins ».

« L’entreprise peut et doit répondre à certains besoins, mais pas à des exigences. » Charles Rojzman dispense lui-même des formations sur ce sujet auprès d’entreprises mais aussi de cabinets de RH et de formateurs, dont Des Ressources et des Hommes.