Le cirque, nouvelle « identité » de Châlons-en-Champagne
Culture. Il promet d’être spectaculaire. Un nouveau bâtiment « iconique » va voir le jour à Châlons-en-Champagne dédié au cirque, ancrant la ville comme capitale de cet art vivant. Une identité portée par son maire, Benoist Apparu qui a dévoilé les détails du projet lors d’un Dîner-Débat organisé par Châlons Agglo, en partenariat avec les Petites Affiches Matot Braine.
Aujourd’hui, de nombreuses villes moyennes sont confrontées à la même problématique. Désertification de leur centre-ville, difficulté à créer de l’attractivité, complexité à positionner la collectivité auprès des habitants et des visiteurs de passage. Une obligation : trouver une « identité » claire, marquée, reconnue à travers le pays voire au-delà. « En 1951, le dictionnaire définissait la ville de Châlons-en-Champagne comme une ville militaire, administrative et épiscopale », explique Benoist Apparu, Maire de la ville depuis 2014. « Cela correspondait à la réalité de l’époque ».
Une réalité qui, avec le départ du 1er Régiment d’Artillerie de Marine et de l’état-major de la 1ère Brigade Mécanisée en 2015, s’est considérablement modifiée notamment avec la perte de plus d’un millier de militaires (ils étaient plus de 5 000 en 1950) et de certains services administratifs. Et si un vaste plan d’action économique a été engagé, notamment grâce au CRSD (Contrat de Redynamisation du Site de Défense, signé entre l’agglomération de Châlons-en-Champagne et l’État, destiné à favoriser l’implantation d’entreprises et la création d’emplois avec 70 millions d’euros d’aides publiques attribuées par l’Etat et les collectivités), il n’en reste pas moins, que l’identification de Châlons-en-Champagne, reste floue. Une problématique que l’élu a décidé de prendre à bras le corps, en prenant exemple sur d’autres villes moyennes de l’Hexagone. « À Angoulême, vous avez la bande-dessinée, à Arles la photo, au Puy-du-Fou, l’immense parc d’attraction historique, à Poitiers, le Futuroscope...
Il a donc fallu que l’on se pose la question : qu’est-ce que l’on a chez nous qui n’existe pas ailleurs ? » La réponse a rapidement fait consensus : le CNAC(Centre National des Arts du Cirque). « Le CNAC est une des deux grandes écoles au monde pour fabriquer les artistes de cirque contemporain. Il y a Montréal et Châlons. » Un constat qui deviendra la ligne directrice pour l’équipe municipale et de l’agglomération, mais aussi, pour les organismes gravitant autour de l’attractivité châlonnaise comme l’Office de tourisme.
ouvrir le cirque à tous
Problème, le CNAC trainait depuis des années une image élitiste, d’école fermée sur elle-même... jusqu’à il y a encore peu. (voir PAMB 8108). « Pendant très longtemps, cette institution ne se vivait pas comme partie prenante du territoire de Châlons, mais comme une institution nationale à rayonnement international qui n’avait pas à s’insérer dans son tissu territorial immédiat », constate Benoist Apparu. Un état de fait qui a eu pour conséquence de déconnecter les Châlonnais de cette pépite du territoire. « Depuis quelques années maintenant, nous essayons de développer un projet autour du cirque, qui a commencé avec l’ouverture, petit à petit, de son école. » Une ouverture dans la programmation, dans les animations, mais également urbaine, avec une traversée accessible au public et de futurs aménagements.
« Il faut qu’on ouvre les murs dans tous les sens du terme, aussi bien sur le plan de ce qui s’y passe que sur le plan physique », appuie l’édile. Outre le CNAC, la ville de Châlons possède également, depuis une trentaine d’années, le festival Furies. « La programmation était jusqu’à l’année dernière à peu près de 75% de théâtre de rue et de 25% de cirque. Nous allons essayer d’inverser progressivement cette proportion afin d’en faire une vitrine du cirque. » L’objectif affiché, est bien de transformer ce festival, qui était à destination d’un public plutôt averti et de professionnels en un événement plus familial et tout public pour conquérir un nombre croissant de spectateurs.
incarner une vision
Outre l’école et le festival de cirque, Châlons-en-Champagne a aussi sur son territoire, le PALC, c’est à dire le Pôle national des Arts du Cirque. « Le pôle cirque c’est une labellisation de l’État – il y en a 14 en France – qui labellise une compagnie, une équipe, un projet qui va créer et produire du cirque. » Trois éléments, qui, assemblés, représentent une réelle force de frappe. Il ne manquait plus qu’un symbole visuel fort et reconnaissable de tous pour incarner cette vision et cette identité. C’est pourquoi, un grand projet de musée du cirque avec un bâtiment « iconique », rassemblant aussi bien des oeuvres et collections qu’un espace de création et de diffusion devrait voir le jour en 2029.
« Les collections du musée seront composées de plusieurs typologies d’objets : peintures, sculptures, costumes, instruments de musique, photographies etc. Un inventaire rendu possible notamment grâce à la donation Jacob-William forte de 5 000 objets et de la collection Fratellini d’environ 600 objets », confie Benoist Apparu. De plus, le musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Châlons mène une politique d’acquisition active depuis 2020. « Le parcours du musée sera pensé pour faire le lien entre le cirque historique et le cirque contemporain. Les collections exposées seront labellisées Musée de France ». Le design du futur bâtiment a été confié au cabinet d’architectes parisien Moatti-Rivière. Le choix de l’agence s’est porté sur un projet qui brise les codes. Loin d’utiliser le bâti militaire de la caserne Chanzy, Moatti-Rivière a imaginé un édifice qui rappelle le chapiteau du cirque. Mais un chapiteau moderne, repensé, ancré dans le présent et le futur. « L’idée est de croiser un musée et un espace de vie.
On veut en faire un objet vivant, imaginer que le visiteur va regarder un tableau mais aussi assister à une répétition ou à une petite représentation. » Croiser l’aspect patrimonial avec celui créatif de l’art vivant. « Mélanger ces deux formes artistiques en se disant que ces nouvelles hybridations de produits culturels vont nous permettre d’attraper plus de public », escompte Benoist Apparu. Car faire du cirque un élément identitaire de la vie châlonnaise implique de faire venir dans ses différents lieux les familles, les enfants, les scolaires locaux ou lointains...
un projet à 32 millions d’euros
Un projet conséquent donc, on l’imagine sans peine, en termes d’investissement : « Pour le bâtiment, nous sommes à 32 millions d’euros », une somme partagée entre trois acteurs principaux : la Région (11 millions d’euros), la Ville (10 millions d’euros – soit 3,5 millions sur trois exercices budgétaires) et l’État (11 millions d’euros). Cet édifice devra ainsi trouver son public mais également faire venir, dans des salles de séminaires, entreprises et institutionnels. La fourchette de fréquentation estimée est de 50 et 80 000 visiteurs sur l’année, avec comme objectif, de réelles retombées sur le territoire en termes économique et touristique. « Nous voulons jouer dans la cour des grands », appuie le maire de la ville. Une cour des grands avec une marelle qui cocherait les trois « C » : Châlons, Cirque mais aussi Champagne. « Regardons ce qu’a réussi à accomplir la maison Joseph Perrier. Il faut fédérer tout le monde et penser collectif », souligne celui qui réfléchit d’ailleurs à créer un grand événement fédérateur, type spectacle d’été pour faire vivre la collectivité pendant cette période touristique au rythme du cirque. « L’identité, c’est d’abord la façon dont les gens vivent leur territoire, pas la façon dont les élus le rêvent », insiste Benoist Apparu qui précise ainsi « qu’entre aujourd’hui et 2029, date de l’ouverture du musée, il faut que tout un écosystème soit prêt pour associer le cirque à la ville de Châlons. »