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Latitude entre dans sa phase opérationnelle

Aérospatial. Après avoir réussi ses premiers essais sur son site de Vatry, la start-up intégrera sa nouvelle usine de production de lanceurs sur le territoire rémois d’ici à la fin de l’année avec pour objectif d’entrer en phase de production industrielle d’ici 2028.

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Photo du site de Vatry de Latitude
Latitude a validé ses premiers essais sur le site de Vatry début avril 2025. (Crédits : LATITUDE)

C’est un début d’année riche en enseignements que vient de vivre Latitude, la start-up dédiée à la conception à la fabrication et à l’exploitation de lanceurs spatiaux, ces fusées d’une vingtaine de mètres pouvant envoyer des satellites de 100 à 200 kg dans l’espace.

Quelques jours seulement après avoir annoncé la réussite du premier essai de « mise à feu sous pression de la chambre de combustion du moteur » de son lanceur Zephyr, la jeune entreprise rémoise annonçait le 14 avril avoir été retenue comme lauréate de l’appel à projets « Première usine » de Bpifrance. Une double bonne nouvelle, à la fois technologique et financière, deux conditions essentielles de la pérennité de cette start-up de la Deeptech.

« Jusqu’à présent nous étions une start-up mais nous sommes en train de devenir une scale-up (une entreprise en phase de changement d’échelle, NDLR), en vue de devenir une PME industrielle », souligne Vincent Baudoin, vice-président de Latitude, qui justifie le besoin important en matière de financement pour assurer cette transition vers la phase industrielle de l’entreprise.

Car pour cette dernière, il s’agit de soutenir la création de sa nouvelle usine sur le territoire rémois, où pourront être produits, d’ici 2030, une cinquantaine de lanceurs Zephyr par an. Un défi de taille à plusieurs dizaines de millions d’euros qui sera soutenu, en 2026, par une troisième levée de fonds conséquente, en Série C*. Mais auparavant, Latitude pourra compter sur le soutien de l’Etat et de son plan France 2030, le dispositif « Première Usine » - piloté par Bpifrance dans le cadre de la politique de réindustrialisation du pays - qui lui permettra de bénéficier d’une subvention de plusieurs millions d’euros pour créer cette unité indispensable à son développement industriel.

« Nous avons remporté cet appel d’offres sur la base d’un dossier que nous avons établi il y a un an, en avril 2024 et qui a été instruit positivement par les services de Bpifrance », précise Vincent Baudoin. « Nous sommes la seule entreprise du spatial à être lauréate de cet appel à projets, cela marque l’extrême confiance des pouvoirs publics et de tout l’écosystème envers Latitude ». Un soutien primordial à ce stade de son existence pour la start-up qui doit encore franchir plusieurs étapes avant d’atteindre la phase industrielle de son développement.

Un centre aérospatial de niveau européen

Parmi ces étapes, les équipes de Latitude ont réussi « quatre essais majeurs » pour le développement de leur moteur en mars et ont enregistré le succès du premier essai de « mise à feu sous pression de la chambre de combustion de son moteur, en configuration vol ». Un essai réalisé dans leur centre de R&D et d’essais Titan, basé à Vatry (Marne), où la start-up a débuté la construction d’un « spaceport » et d’une tour de lancement afin d’y réaliser des essais statiques, non-dynamiques. Le premier niveau de la tour est déjà finalisé, le niveau suivant devrait être édifié dans les prochaines semaines, et la construction de la tour devrait être terminée au plus tard à l’automne de cette année.

« L’idée est de réaliser un centre aérospatial de niveau européen, où nous pourrons accueillir des sous-traitants ou des acteurs du spatial pour des essais, par exemple », note Vincent Baudoin.

En parallèle, les dirigeants de Latitude étudient les différents sites existants susceptibles de pouvoir accueillir leur nouvelle usine dans les plus brefs délais. Des recherches qui s’effectuent en lien avec les services de l’Etat, de la Région et les élus rémois, pour disposer d’un site de plus de 25 000 m2, soit près de dix fois plus grand que l’usine actuelle de l’entreprise.

« Notre objectif est que le site soit opérationnel dès 2026, après quelques travaux d’aménagement ». Une décision devrait donc être prise avant l’été pour intégrer un site industriel déjà existant sur le territoire rémois.

« En 2026, il nous faudra investir dans de nouvelles machines, pour multiplier par quatre notre parc existant et monter en puissance, sachant que notre concept prévoit que toute l’ingénierie et le développement soient assurés en interne, avec des sous-traitants locaux et sourcés ». Une approche déterminante dans le modèle voulu par les dirigeants de Latitude et leurs partenaires. « Il nous importe de fabriquer et de sourcer toutes nos pièces pour assurer l’autonomie de notre projet et rester souverain sur notre action industrielle », assure le vice-président.

L’année 2026 devrait aussi être celle du premier tir institutionnel, prévu à Kourou (Guyane) pour le compte du CNES, l’agence spatiale française, premier client institutionnel de Latitude, qui a vu ces derniers mois, ses objectifs évoluer, avec la volonté de l’Etat, et notamment le ministère de la Défense, de pouvoir compter sur les entreprises de la Deeptech pour accompagner l’économie de guerre.

« Notre lanceur sera capable d’envoyer des satellites commerciaux civils mais aussi des satellites militaires en orbite basse et ce même dans des délais très courts si besoin », précise Vincent Baudoin. « C’est ce qu’on appelle le Responsive Launch, à savoir la capacité de lancer une fusée en 72 heures sur commande des Armées pour remplacer un satellite endommagé, par exemple. Nous serons un des seuls acteurs en Europe capable de répondre à cette demande ».

Entre son premier lancement et le développement de son usine, la start-up devrait donc franchir plusieurs étapes majeures en 2026, avec le quasi-doublement de ses effectifs, qui sont actuellement de 170 personnes, afin d’assurer la production en série de son lanceur Zephyr. Avec pour objectif d’en réaliser un exemplaire par semaine dès 2028, ce qui au-delà de la prouesse technique à atteindre représente aussi un enjeu en matière de ressources humaines et de formation. « Jusqu’à présent nous avions essentiellement besoin d’ingénieurs et de techniciens, demain nous aurons besoin de nombreux techniciens spécialisés et qualifiés », souligne le vice-président qui s’est déjà rapproché des organismes de formation tels que l’UIMM pour préparer l’arrivée de nouveaux collaborateurs qualifiés dans les délais impartis.

* En janvier 2024, Latitude avait annoncé une levée de fonds de 27 millions d’euros en Série B, portant alors le financement total de l’entreprise à près de 50 millions d’euros. Ce financement était alors porté par ses investisseurs historiques comme Crédit Mutuel Innovation, Expansion, le fonds Deep Tech 2030 (géré pour le compte de l’Etat par Bpifrance dans le cadre de France 2030) et UI Investissement. Blast.club, Kima Ventures et des investisseurs particuliers avaient eux aussi fait leur entrée au capital de la start-up.