Lait : la filière bio s’interroge
Agriculture. Pour cet élevage laitier bio de l’Aube, seules les ventes de produits transformés à la ferme compensent la chute des cours du lait bio, désormais souvent mélangé au lait conventionnel.
La filière bio traverse une zone de turbulences. Consommation en baisse, chute des cours, surproduction et hausse des charges suscitent des interrogations parmi ceux qui ont franchi le pas, passant du conventionnel au bio.
C’est le cas de Damien et Clément Bécard, deux frères à la tête d’une importante exploitation agricole basée dans l’Aube, à Mesnil-Saint-Loup. La ferme familiale s’est diversifiée avec leur installation, celle de Damien en 2010, puis de Clément en 2015.
Ce dernier étant fromager, en 2016, un atelier de fromagerie est lancé avec deux salariés. Autre étape importante, la conversion de l’exploitation en agriculture biologique en 2018 - 2019, avec l’accompagnement de la Chambre d’agriculture de l’Aube. En 2023, un investissement important est réalisé avec celui d’un robot de traite pour les vaches laitières. « Pour répondre à la problématique de recrutement et aussi par rapport à la qualité de vie », explique Damien, à la tête d’un troupeau d’une soixantaine de vaches laitières.
« La conversion à l’agriculture biologique correspondait alors à un raisonnement économique et aussi à nos convictions personnelles, et l’on était conscient que passer en bio, c’est quasiment l’apprentissage d’un nouveau métier », ajoute-t-il. Pour la ferme laitière de Mesnil-Saint-Loup, cela signifie une autonomie totale pour l’alimentation des animaux. Par exemple, 120 hectares sont consacrés au pâturage des vaches et à la production de foin. Les céréales cultivées sont destinées à Soufflet et Vivescia. Les autres cultures de l’exploitation, comme le chanvre et la luzerne le sont dans le cadre de contrats avec la Chanvrière de l’Aube.
La fromagerie à la ferme
Les vaches laitières produisent 420 000 litres de lait bio par an, dont 200 000 sont transformés à la ferme sous forme de fromages et produits laitiers. Le reste est vendu à un groupement qui collecte et distribue du lait bio. L’atelier de fromagerie transforme sur place le lait en yaourts, faisselles, crème, beurre et tomme vendus à la boutique « Au comptoir du fromager », de la ferme. Ces produits sont aussi distribués dans le département. Une activité qui permet de faire vivre l’exploitation, alors que celle du lait non transformé subit de plein fouet la chute des cours. « Nous n’avons pas trop envie de repartir en conventionnel mais dans le contexte actuel on doit se poser la question en termes de viabilité économique », déplore Damien. D’autant que le constat sur les céréales bio est le même, « trop d’offre par rapport à la demande et le cours qui s’effondre ».
« Il faut absolument trouver une solution, passer du conventionnel au bio demande du temps et il ne faudrait pas gâcher tout le travail qui a été fait jusqu’ici », met en garde Alain Boulard, le président de la chambre d’Agriculture de l’Aube.