La scierie Tarteret entre IA et système D
Sylviculture. La filière bois auboise passe à l’intelligence artificielle pour optimiser le débit de bois en temps réel.

La Scierie Tarteret crée un algorithme d’optimisation de débit de bois en temps réel grâce à l’IA. Baptisée ChenAIe, la technique améliore le rendement financier sur chaque planche d’environ 15 % par des calculs de découpe générés par l’intelligence artificielle. L’IA permet d’optimiser l’utilisation du bois et d’en limiter les pertes. « Cela nous donne les moyens de nous positionner sur les achats de grumes, de poursuivre nos investissements, de nous diversifier et de préserver l’emploi local », précise Bertrand Tarteret, dirigeant de la scierie basée à Estissac (10). Après deux ans de développement et de multiples ressources, dont six nouvelles recrues, l’entreprise optimise sa découpe. « L’IA ne détruit pas l’emploi, nous n’avons jamais autant embauché ! » Les postes des opérateurs ont évolué d’empileurs à conducteurs de lignes. « Le personnel en place manipule ces lignes de production au quotidien, ils sont sources de proposition lorsqu’il y a des dysfonctionnements », précise David Vanhelle, directeur opérationnel de la scierie et en charge du projet IA.
Bon Sens Et High Tech
Inaugurés le 7 février dernier, les trois prototypes de machine sont implantés en production. Le système a demandé deux ans de Recherche et Développement avec le Commissariat à l’énergie atomique pour l’architecture de la solution et le Centre technique des industries pour les choix de machines et les plans d’installation. Un alternant chargé du projet a depuis intégré les effectifs de la menuiserie. La solution déployée est évolutive pour suivre les cours du marché. « Nous avons besoin de changer nos prix, nos stocks. Nous pourrons adapter l’IA à la vie de l’entreprise. Nous pouvons modifier les paramètres internes de l’algorithme ». Le logiciel est en lien avec les stocks pour donner les priorités de fabrication et permettre de valoriser convenablement chaque planche qui va être débitée.
Quand Tarteret décide de réduire la perte de matière première en 2023, la scierie constate qu’aucun système autonome n’existe. Elle décide alors de le créer et constitue une équipe de développement pour ce projet à 1,6 million d’euros. Le côté innovant du projet lui donne accès aux financements européens du FEADER, de la Région Grand Est, de la BPI et de l’Agence nationale pour la recherche et Business Sud Champagne l’accompagne pour le montage des dossiers.
L’entreprise n’en reste pas moins rationnelle et astucieuse, utilisant des ordinateurs de gaming, des GoPro pour les scanner et des luminaires à consommation linéaire. Ce projet est une première, mais le modèle est duplicable. « L’entreprise a développé un algorithme basé sur un système de vision traditionnelle grâce à des GoPro. Le procédé prend tout un tas de photos, qui vont permettre de reconstituer la planche pour être précis au pixel prêt. Les planches passent sous la caméra et sont reconstituées. Nous avons entrainé un réseau de neurones capable de détecter les singularités », explique David Vanhelle, directeur opérationnel de la scierie, en charge de ce projet. S’ensuivent les étapes de calcul avec le marquage des planches et l’indication des zones de découpes. Les 4 hectares de bâtiments de la menuiserie sont implantés sur un site de 17 hectares. 18 000 m³ de grumes passent dans la scierie chaque année, essentiellement du chêne sourcé localement dans un rayon de 120 km autour de la scierie.
« Scier plus signifie acheter plus de matière première, plus loin et plus cher. Ce n’est pas notre objectif. La marge est dans l’optimisation de ce qu’on fait, elle n’est pas dans la course à la production et la productivité », poursuit Bertrand Tarteret. La distribution se fait en négoce, aux usines de transformations, aux artisans et 50 % à l’international. La menuiserie emploie 42 personnes pour un chiffre d’affaires de 9,5 millions. « Nous faisons partie des plus gros scieurs du quart Nord Est. Nous avons plus de 1 000 références. Nous essayons de valoriser le bois au maximum de ce qu’il est capable de produire ».