La Macérienne s’ancre dans un futur durable
Aménagement. C’est LE projet de territoire des Ardennes de ces prochaines années. La friche de la Macérienne, jadis usine de cycles, va renaître de ses cendres grâce à Ardenne Métropole et à l’association Trapèze, émanation de Flap, qui porte le Cabaret Vert. D’ici 2028, les 10 000 m2 de bâtiments accueilleront une quinzaine de nouvelles activités dans des locaux réhabilités. Tour d’horizon.

À quelques jours du coup d’envoi de la 19e édition du Cabaret vert (qui se déroule cette année du 14 au 17 août), la Macérienne qui accueille le village des bénévoles, est en ébullition. Cette friche industrielle, composée de 10 000 m² de bâtiments et de 15 hectares d’espaces extérieurs, était autrefois une usine spécialisée dans la fabrication de pièces pour les cycles Clément-Gladiator, puis pour les automobiles Clément-Bayard – nom inspiré de la statue du chevalier Bayard située face au site de Mézières. Fondée en 1894, ses édifices sont idéalement placés, en bord de la Meuse et à proximité des anciens remparts. Un étang et un canal y sont aménagés afin de fournir l’énergie nécessaire pour la production. « L’usine qui a évolué vers la fabrication de pièces automobiles et changé d’activité pendant les deux guerres mondiales, a retrouvé une activité de production de vélos dans les années 70. Elle a fermé dans les années 80, avec en dernière activité la production de pièces de vélo. C’est une friche depuis 1991, date à laquelle elle a été vendue à la ville de Charleville », explique Alexis Robin, chef de projet de la Macérienne.
Développement durable, ancrage territorial, fédération d’acteurs
À partir de là, plusieurs projets sont évoqués mais aucun n’aboutit. Les bâtiments vieillissent, font la joie des adeptes d’urbex (exploration urbaine) mais ne trouvent pas preneurs. En 2005, une sortie de tunnel se profile avec la première édition du Cabaret Vert, porté par l’association Flap qui organise son festival tout autour. « En 2015, le festival fait une superbe édition. Vient alors la question : que peut-on faire de plus ? Une consultation en interne est menée auprès des adhérents.
Sur les 300 propositions, une revient souvent : faire un lieu permanent. L’idée, ce n’est pas de faire un festival toute l’année, mais de dupliquer les valeurs du festival : développement durable, ancrage territorial, fédération d’acteurs. » La machine est enclenchée et l’association contacte alors Ardenne Métropole qui a racheté le lieu pour lui présenter un projet qui implique de nombreux acteurs du territoire, dans des secteurs très variés. « En parallèle, Boris Ravignon, président d’Ardenne Métropole, se déplace à Darwin, à Bordeaux – une ancienne friche industrielle devenue un tiers-lieu, une référence en France. Il se dit que ce modèle pourrait être intéressant pour le territoire. Il en discute avec Julien Sauvage, directeur de Flap/Cabaret Vert, et ils imaginent ensemble un projet commun : faire de la Macérienne un lieu hybride. »
Une étude de faisabilité est lancée. Sur la trentaine d’activités proposées, le projet en retient une quinzaine. En octobre 2024, le maître d’oeuvre est retenu. Il s’agit du Lillois Atelier 9.81, cabinet d’architectes urbanistes spécialisé dans ce genre de grands projets et travaillant avec une dizaine de bureaux d’études spécialisés : patrimoine, environnement, acoustique… « Tous les métiers nécessaires pour réhabiliter une friche industrielle de cette ampleur », précise Alexis Robin. Ardenne Métropole portera l’investissement de 25 millions d’euros et l’association Trapèze sera gestionnaire de la Macérienne. « Le lien entre Trapèze et Ardenne Métropole, c’est un bail emphytéotique administratif, vecteur juridique pour que Trapèze soit gestionnaire de la Macérienne pendant 40 ans. »
Une quinzaine d’acteurs locaux
Ainsi, sept bâtiments vont être réhabilités, dont un qui a déjà fait l’objet de travaux et d’une refonte complète depuis 2019 : la halle Eiffel. Cette dernière héberge, dans un hangar de 3 600 m2 tout ce qui concerne les métiers du bois (voir encadré). Sur ce dernier, sont déjà implantés 200 m2 de panneaux solaires avant d’en accueillir 2 000 m2 supplémentaires. « Le festival a toujours donné beaucoup d’importance au développement durable – au sens large : alimentation locale, environnement, énergie. Cela fait partie de son identité. Dans une logique de décarbonation, une étude d’impact menée en 2022 a permis d’identifier les leviers principaux : immobilier, restauration, énergie. Le festival a décidé d’agir d’abord sur l’énergie, en supprimant progressivement les groupes électrogènes et en misant sur l’énergie verte. Cela passe par plusieurs actions : installation de lignes haute et basse tension sur site, et de panneaux photovoltaïques. Ce projet va se développer jusqu’en 2030 », détaille le chef de projet.
D’autres sites dans un rayon de 2 à 3 km autour de la Macérienne, devraient eux-aussi être équipés dans le cadre d’un projet de boucle d’autoconsommation d’énergie collective. Concernant le business plan du projet de la Macérienne, il repose sur les loyers que paieront les opérateurs locaux qui viendront s’installer. On y retrouvera ainsi des secteurs très variés dont une ressourcerie avec Bell’Occas, un salon de thé avec Pol Bouchex, un atelier participatif de réparation et de location de vélos ainsi que la vente d’accessoires avec Ma Ville à vélo, une salle dédiée à des ateliers autour du cinéma avec La Pellicule ensorcelée, l’école de musique AME qui comprend plus de 450 élèves, un restaurant bistronomique, un bar géré par le Cabaret Vert, mais aussi une Picobrasserie. « C’est-à-dire qu’un particulier ou une entreprise qui souhaite produire un brassin sur une demi-journée ou une journée pour un événement peut venir réaliser son brassin en fonction de ses goûts et de ses envies, et récupérer la production deux, trois semaines après. » Une salle de diffusion, des espaces de conférences ainsi que des bureaux partagés viendront compléter cette offre extrêmement fournie.
La Meuse comme fil conducteur
Dernier axe du projet, le développement « d’un hub » de la Meuse à vélo. « Aujourd’hui, les Ardennes, et plus particulièrement Charleville-Mézières, sont traversées par l’EuroVélo 19, un itinéraire cyclable européen qui va de Langres à Rotterdam. » L’objectif de la collectivité et de l’association est que la Macérienne soit un pôle bien identifié dans cet itinéraire, pour attirer les touristes et proposer des services en lien avec le cyclotourisme.
Ainsi, outre la réparation de vélos et la restauration, un « hostel », soit un mix entre un hôtel et une auberge de jeunesse, va être construit sur une parcelle qui jouxte la Macérienne. Le projet, porté par un acteur privé devrait accueillir 70 chambres pour environ 180 lits. « Aujourd’hui, un touriste reste une à deux nuitées, en fonction des pôles d’attractivité : la place Ducale, le château de Sedan, le lac des Vieilles Forges, la vallée de la Meuse… L’idée, c’est que la Macérienne contribue à allonger la durée de séjour, en proposant un lieu avec des activités diverses, adaptées à toutes les tranches d’âge », confie Alexis Robin.
L’ensemble des propositions – les 10 000 m² de bâtiments, les 15 hectares d’extérieurs, le raccordement à l’EuroVélo 19, et l’hostel, pesant au total un investissement de 50 M€ – devraient être livrés pour 2028, apportant ainsi un nouvel élan au quartier de la Macérienne et une dynamique nouvelle pour la Ville toute entière.