La Fondation du Patrimoine soutient la biodiversité
Patrimoine. La Fondation du Patrimoine est animée en France par 21 délégations régionales et une centaine de délégations départementales. En Champagne-Ardenne, deux chargés de mission y œuvrent au quotidien, aidés par une trentaine de bénévoles, pour des projets de mise en valeur et de restauration de bâtiments du patrimoine et, depuis peu, de domaines naturels.
« Je suis mécène de la restauration du patrimoine de ma ville, et vous ? » Cette interpellation est inscrite en grand sur une bâche recouvrant l’emblématique Porte Mars à Reims. La Fondation du Patrimoine a, pour cet édifice, une porte gallo-romaine datant du IIème siècle, lancé une grande souscription en 2015, soutenue par la Ville. Les travaux actuels de la seconde tranche (restauration des parements et des décors) constituent la dernière étape de la restauration globale de la Porte soutenue par la Fondation du patrimoine. Premier édifice rémois classé Monument Historique en 1840, le montant total de ses travaux s’élève à 2,43 millions d’euros. Pour la dernière tranche, la Fondation a lancé un appel à mécénat à hauteur de 120 000 euros sur lesquels déjà plus de 100 000 ont été récoltés. « Le principe de la Fondation est d’établir un dossier avec un maître d’ouvrage qui vient nous voir pour lancer une souscription », explique Pierre Possémé, président de la Délégation régionale de la Fondation du Patrimoine Champagne-Ardenne (photo ci-contre). « Il faut un budget et une volonté des élus de faire appel au mécénat populaire. Cela permet aussi aux gens de s’approprier leur patrimoine », souligne-t-il.
Des églises, mais aussi du bâti industriel...
L’investissement populaire est d’ailleurs parfois surprenant. Ainsi, la petite commune de Le Frety, dans les Ardennes, qui ne compte qu’une soixantaine d’habitants, a vu son appel à dons concernant la restauration de son église, s’élever à plus de 550 dons et 39 600 euros sur les 50 000 euros fixés ! La commune a ainsi gagné le 1er Prix du Mécénat populaire. « Le Maire et ses habitants ont
véritablement pris ce dossier à bras le corps, en allant effectuer du porte à porte pour récolter de quoi restaurer le transept sud. » Les habitants d’une commune, d’un département, d’une région, peuvent ainsi, par leurs dons, démontrer leur attachement au territoire, tout comme les entreprises. « Quand une entreprise fait un don, ça la rend citoyenne », insiste Pierre Possémé, qui a passé plus de 30 ans à la tête du Bâtiment Associé et qui a toujours eu à cœur de l’ancrer dans le paysage territorial.
Celui qui a également été président du Medef Champagne Ardenne durant 5 années souligne que le territoire champardennais s’il pèse 2% dans l’économie nationale, ses dons représentent eux, plus de 5%. « Une fierté ». « En 2022, la fondation du Patrimoine, délégation Champagne-Ardenne a récolté plus d’un million d’euros de dons pour 80 projets. Et en 2023, à date, nous sommes déjà à +25% », se félicite-t-il.
Ainsi, dans la Marne, le projet porté par l’association « Les Amis de Saint-Nicaise du Chemin-Vert » pour restaurer les verrières Lalique de l’Église Saint-Nicaise à Reims, construite dans les années 20, a déjà récolté la jolie somme de 257 000 euros pour 152 donateurs. Dans les Ardennes, le puits de Rimogne a quant à lui été sélectionné par la Mission Bern, financée par le Loto et la FDJ lui permettant de bénéficier d’une aide de 120 000 euros sur un budget global de 446 500 euros. « Ce chevalement minier des Ardennes est le dernier à être debout », indique Bernard de Lauriston, Chargé de mission et Responsable régional. En effet, ce dernier est représentatif des puits d’extraction du temps de l’industrie minière et plus particulièrement celle des ardoises.
Le projet porté par la commune prévoit la réhabilitation complète du chevalement et plus particulièrement de la toiture et du bardage. « Cette restauration doit, dans un premier temps, permettre de sauvegarder ce patrimoine industriel. Puis, l’objectif, en fonction des normes de sécurité, serait de le rendre accessible au public en transformant la plateforme du premier niveau en point de vue sur le village ardoisier de Rimogne, ce qui viendrait compléter l’offre déjà existante du circuit des ardoisières et du Musée de l’Ardoise », précise-t-il. En ce qui concerne la Mission Bern, Pierre Possémé reconnaît : « Il nous a fait gagner dix ans de communication. Ce sont quand même 22 millions d’euros qui entrent chaque année au niveau national grâce au loto de la FDJ pour la Mission. »
« Souvent, on rase les bâtiments industriels ainsi que les anciennes briqueteries alors qu’il y a de grands édifices, de grandes constructions à sauver. »
Le Patrimoine industriel est d’ailleurs, aux yeux de Pierre Possémé, sous-représenté dans les projets de restauration. « Souvent, on rase les bâtiments industriels ainsi que les anciennes briqueteries alors qu’il y a de grands édifices, de grandes constructions à sauver. Le puits de Rimogne est symbolique de ce passé, car il y a quand même des hommes qui ont trimé de leurs mains, qui ont sué pour faire vivre toute cette industrie », veut rappeler celui qui a commencé comme Compagnon Maçon.
375 000 euros d’aménagement pour les sablières
Aujourd’hui, face aux enjeux climatiques, la Fondation du Patrimoine a à cœur de diversifier ses soutiens. Ainsi, elle compte se lancer dans un appel à dons concernant la restauration de marionnettes – « l’art vivant fait aussi partie du patrimoine » – mais sa dernière grande nouveauté est de s’impliquer dans le patrimoine naturel, à l’image des sablières du Massif de Saint-Thierry (Marne). « Jusqu’ici, nous étions beaucoup sur du bâti et là, on s’oriente vers le naturel, vers la sauvegarde de la biodiversité », fait savoir Pierre Possémé. « Pour l’expliquer, je cite beaucoup le littoral », livre ce natif de Nantes. « On y trouve beaucoup de plantes dans les dunes, qui après avoir pour certaines presque disparu, ont été sauvegardées, préservées, à l’aide de piquets de protection. Ceux-ci empêchent les visiteurs de les piétiner mais s’incorporent très bien dans le paysage. » C’est un petit peu le même principe qui va être appliqué aux sablières se trouvant sur les trois communes de Châlons-sur-Vesle, Merfy et Chenay. « Ce site est emblématique pour son patrimoine naturel, géologique et paysager. Il démontre bien qu’il y a 60 millions d’années, il y avait du sable et la mer sur notre territoire. » Aujourd’hui, son équilibre est menacé : « Le front de sable a largement régressé en quelques dizaines d’années, comme peuvent en attester les pins sylvestres à son sommet et dont les racines apparaissent largement. L’érosion vient aussi décrocher les blocs de grès ferrugineux et certains se sont déjà déchaussés », précise Bernard de Lauriston.
Les aménagements réalisés d’ici fin 2024, doivent permettre d’améliorer l’expérience des visiteurs et les guider dans leur découverte du site « tout en limitant leur impact sur la biodiversité et la géologie ». La Fondation du Patrimoine a d’ores et déjà versé un chèque de 80 000 euros au Conservatoire naturel de Champagne-Ardenne qui en est le gestionnaire et une souscription d’appel aux dons a été lancée. « C’est la première fois que nous signons une souscription d’appel aux dons aux entreprises et particuliers sur du Patrimoine naturel. C’est important de savoir et de préserver ce qu’il y a sous nos pieds. » La délégation Champagne-Ardenne espère ainsi faire une belle collecte pour cette grande première et amener « jusqu’à 10 000 euros de dons » sur un budget total de travaux de 375 000 euros.
Si l’impact patrimonial est considérable, l’impact économique d’une campagne de dons l’est tout autant. « Selon une étude nationale, un euro de don au patrimoine génère 21 euros de retombées économiques. Cela comprend les emplois soutenus directement et indirectement durant la période des travaux puis lors de l’exploitation des sites et cela soutient des filières au savoir-faire unique. En valorisant le patrimoine, la restauration a des répercussions directes sur le rayonnement et le développement touristique et cela agit aussi comme un vecteur de retombées économiques durables », insiste Pierre Possémé.