La filière industrie verte châlonnaise se structure avec Polyprep
Industrie. La société Polyprep va voir le jour sur le territoire de Châlons Agglo, à Recy, pour venir renforcer l’ambition du territoire en matière d’industrie verte.
Le futur de l’industrie verte passera par Châlons. C’est en tout cas l’ambition du territoire et de ses acteurs, Châlons Agglo en tête, la Semcha et la Société champenoise d’énergie. « L’objectif est bien de développer une filière de décarbonation de l’industrie. Sur le territoire, une des plus belles réalisations est le réseau de chaleur urbain, CLOE, raccordé à l’usine d’incinération de la Veuve », indique Jérôme Mât, vice-président de Châlons Agglo en charge du développement économique et durable. De valorisation des déchets, il en est encore question avec la future implantation de la société Polyprep, constituée au printemps 2023, et ayant comme actionnaires Machaon, Polymer Loop S.L et Hintes Oil Iberica S.L.
Créer une nouvelle filière de valorisation des plastiques
Polyprep a ainsi été retenue lauréate, début 2023, d’un Appel d’offres de CITEO (un des éco-organismes nationaux opérant sur le recyclage des emballages ménagers, notamment plastiques) visant à développer le recyclage de résines plastiques, jusqu’ici dépourvues de filières de revalorisation. Ce projet industriel sera implanté sur 4,5 hectares au sein du parc industriel et logistique de Recy / Saint-Martin-sur-le-Pré. D’ailleurs, pour proposer ce terrain à la vente à Polyprep, l’agglomération a dû faire un jeu de chaise musicale, ce dernier étant, à la base, proposé dans le cadre d’un appel à manifestation d’intérêt, toujours dans le secteur de l’approvisionnement durable des déchets.
« Dans le cadre de l’AMI, nous souhaitions l’implantation d’une société exogène, qui, au final n’avait pas besoin d’un aussi grand terrain. Or dans le même temps, le projet Polyprep était en train de voir le jour, avec comme actionnaire Machaon, une entreprise dont nous avons soutenu l’implantation en 2017 », précise Jérôme Mât.
Machaon, de son côté, était allé prospecter ailleurs que sur le territoire châlonnais, dans l’Aisne et les Ardennes notamment. Mais l’écosystème de la ville préfecture ainsi que ses acteurs ont su se rendre persuasifs, car malgré des prix de terrains bien moins élevés dans les départements limitrophes, Machaon et ses associés ont finalement choisi de s’implanter... à 3 km de l’usine déjà existante.
Car les deux sites, celui de Machaon et de Polyprep SAS, vont inévitablement travailler ensemble, la seconde prenant en quelque sorte le relai de la première. Précisons : Machaon est une société spécialisée dans le recyclage mécanique des emballages ménagers. « Nous récupérons 3 000 tonnes de déchets de films plastiques par mois en provenance de toute la France. On récupère, on fait un tri, on stocke et on extrude », fait savoir Paul Leborgne, Responsable développement au sein de Machaon.
« Depuis 2023, Machaon reçoit au moins 50% des tonnages CITEO de la filière film post-consommation, soit environ 22 à 27 000 tonnes annuelles dans le cadre d’un contrat sur 9 ans. »
Ainsi, sur les 3 000 tonnes reçues par mois, après un processus mécanique, 1 500 tonnes deviennent des granulés de polyéthylène de basse densité (LDPE) (voir photo ci-contre) recyclés et renvoyés dans le circuit industriel pour en faire de nouveaux produits. « Le reste, ce que l’on n’arrive pas à recycler, est envoyé pour être incinéré mais l’énergie produite est injectée dans le réseau de chaleur, ce qui au final, rend la filière vertueuse. »
Du recyclage mécanique au recyclage chimique
Le nouveau projet Polyprep, vient renforcer la filière de revalorisation des plastiques insuffisamment recyclés à ce jour (polystyrène, polytéréphtalate d’éthylène dit PET coloré, opaque et barquettes) et les films à base de polyéthylène (PE) et polypropylène (PP) via le recyclage chimique cette fois-ci.
« Cette revalorisation devrait ajouter une part de 10 à 15% de plus dans l’activité que nous avons déjà avec Machaon pour arriver à un recyclage de plus de 70% des films plastiques entrants dans le circuit », précise Paul Leborgne.
« Avec deux usines à 3 km d’intervalles, cela va faciliter la création d’un écosystème global dans la valorisation de cette filière », insiste Jérôme Mât. Afin de monter cette nouvelle unité, Polyprep va bénéficier du savoir-faire de Polymer Loop qui a construit une usine pilote en Espagne pour la préparation ainsi que de Hintes qui elle, opère une usine de pyrolyse depuis 4 ans. « Nous avons de nombreuses expérimentations avec Polymer et le choix a été fait d’envoyer le plastique à recycler chimiquement sous forme de petits morceaux, un process qui s’effectuera chez Machaon. »
Une rotation de véhicules transportera donc la matière première vers le site de Polyprep. « Le recyclage s’y effectuera par pyrolyse, pour en donner non pas des petits granulés mais de l’huile. Le plastique reviendra donc à son état de base, qui est le pétrole », détaille le directeur de développement. Cette huile est logiquement destinée à être acheminée vers l’industrie pétrochimique (Total, Exxon, etc.)
16 M€ d’investissement
Sur les 4,5 hectares de terrain, 8 500 m2 seront consacrés à des bâtiments qui vont entièrement sortir de terre. Avec l’outil de production, l’investissement est de 16 millions d’euros pour un démarrage de l’activité début 2025. « Dans un premier temps, une trentaine d’emplois seront créés mais l’usine est destinée à monter en puissance avec une forte augmentation des plastiques à recycler. À terme, ce sont 70 emplois qui seront créés. »
La construction de l’unité de valorisation se fera en plusieurs temps. En 2024 tout d’abord, un bâtiment de préparation et stockage, le bâtiment pour le recyclage chimique seront construits ainsi qu’une partie du bâtiment ATEX contenant le produit issu de la pyrolyse qui sera stocké en cuves, selon la réglementation applicable. À partir de 2025 ensuite, deux autres bâtiments pour stockage et préparation plastiques (7 000 m2) seront alors érigés.
« Tout l’opérationnel est là pour accueillir les entreprises qui veulent se tourner vers l’industrie de demain et le développement durable. Nous nous efforçons de mettre en place tous les leviers et dispositifs pour co-construire cette filière d’industrie verte, tournée vers le bâtiment, la valorisation des déchets, le recyclage et l’énergie », souligne Jérôme Mât, qui veut inscrire le territoire chalonnais dans cette dynamique enclenchée tant au niveau départemental (avec la bioéconomie sur les sites de Pomacle et Bazancourt notamment) qu’au niveau régional et le Plan Industrie du futur.