Entreprises

La Cour d’appel de Reims fédère les acteurs de la lutte contre le narcobanditisme

Justice. Le récent séminaire organisé par la Cour d’Appel de Reims a réuni une soixantaine de participants, tous à des degrés différents, acteurs de la lutte contre le trafic de stupéfiants. Une occasion d’échanger et de renforcer la coopération face à un fléau qui n’épargne pas le Grand Est.

Lecture 7 min
Photo de Christophe Regnard et Dominique Laurens
Christophe Regnard, Premier Président et Dominique Laurens, Procureure Générale
de la Cour d’Appel de Reims. (Crédits : GD)

Un séminaire de deux jours, réunissant une soixantaine de participants, des magistrats de la Cour d’Appel de Reims et des trois départements du ressort, Marne, Ardennes et Aube, des acteurs de la lutte contre les stupéfiants, au niveau du Grand Est, de la France et de l’Union Européenne, parquet, police nationale, renseignement douanier et financier, vient de se tenir à Reims. Au programme de ces rencontres : le trafic dans le monde, les enjeux de la criminalité et de la délinquance organisées, le renseignement criminel, les outils de la coopération judiciaire, la lutte contre le blanchiment d’argent et la confiscation des avoirs criminels. Pour les organisateurs de ce séminaire, Christophe Regnard, Premier Président de la Cour d’Appel de Reims et Dominique Laurens, Procureure Générale de la Cour d’appel de Reims, il s’agissait d’atteindre un niveau de formation et d’information sur un sujet particulièrement sensible de l’actualité en partageant les connaissances de chacun et en abordant la manière de travailler tous ensemble pour mener au mieux les enquêtes.

Le grand est également touché par le narcobanditisme

C’est le sujet évoqué par Dominique Laurens lors de la conférence de presse de la Cour d’appel : « Les dernières affaires sur le secteur de la Marne et des Ardennes démontrent plus d’implications et de volumes de drogue et d’armes qui circulent, le développement de la violence dans certains quartiers, la pénétration grandissante de produits comme le Bouddha Blue, également nommé PTC, pour Pète Ton Crâne, produits notamment détecté à Troyes et Châlons-en-Champagne et qui touchent de plus en plus de jeunes. Certes à un niveau qui n’est pas celui de Marseille, et les nouvelles affaires prouvent que les petites villes et les zones rurale accueillent ce genre de trafic et de délinquance ». Déterminée, la Procureure Générale ajoute : « On ne peut pas dire que l’on a perdu la guerre. Nous sommes en pleine lutte, aux côtés des policiers, des gendarmes et des douaniers dans une bataille pied à pied. »

À la question sur les frictions « médiatiques » entre police et justice. Christophe Regnard répond : « Il faut garder raison sur ce ressenti. Nous sommes embarqués dans le même bateau. Les enquêtes sont diligentées par les services de police, sous la tutelle des magistrats avec une bonne entente qui seule permet un maximum d’efficience… Sauf certains cas montés médiatiquement par les uns ou les autres… Le temps politique ou médiatique n’est pas le même que celui de la justice. Les investigations sont parfois compliquées et donc un peu plus longues. »

Une justice bien rendue

Sur le laxisme de la justice, le Premier Président avance des chiffres : « Il s’agit d’un slogan. Tous les ans entre 600 000 et 700 000 affaires sont jugés devant les tribunaux correctionnels et 80 000 détenus sont à l’heure actuelle dans les prisons françaises. La justice dans ce pays est rendue et bien rendue. » Concernant l’évolution de la justice en matière de trafic de stupéfiants, Dominique Laurens répond : « L’évolution majeure qui se profile est la création soit d’un Parquet national spécialisé en matière de lutte contre les stupéfiants, soit de confier à la Junalco, Juridiction Nationale de Lutte contre la Criminalité Organisée, de nouvelles missions permettant d’agréger les renseignements et d’être le chef de file des stratégies à mettre en oeuvre ». Sur le versant de la consommation, la Procureure Générale questionne : « Peut-être faut-il encore plus sensibiliser et responsabiliser les usagers de stupéfiants. C’est aussi un enjeu de santé publique. La cocaïne a largement supplanté la résine de cannabis. Payer une amende ne règle pas ce problème. Nous ne sommes pas encore totalement armés quant à la traçabilité, par exemple en matière d’inscription sur le casier judiciaire. »

Une délinquance caméléon sans frontières

« Les produits financiers ont débridé les trafiquants. L’essentiel de notre mission est de lutter contre les importations par centaines, voir par milliers, de stupéfiants. C’est à ce niveau qu’il nous faut un maximum de moyens juridiques », précise le Premier Président avant d’évoquer la situation frontalière du Grand Est : « L’ouverture des autoroutes a facilité le trafic. C’est un grand classique pour le go fast. Les trafiquants savent s’adapter à toutes les opportunités. La région dispose sur ce sujet d’une connexion directe avec la Belgique et les Pays-Bas, à la fois, avec la France, pays de transit et de consommation. » Une conférence qui se termine avec ce bilan 2023 dans le Grand Est : des saisies de 2,9 tonnes de résine de cannabis, 700 kg d’herbe, 859 kg de cocaïne, 125 kg d’héroïne. Une perte pour les trafiquants de 40 à 50 M€ pour la seule cocaïne. On note une baisse des saisies de cannabis et une hausse de celles concernant la cocaïne. Les deux magistrat ont conclu par une alerte sur les implantations de laboratoires clandestins dans la région Grand Est, y compris dans les campagnes les moins repérables et donc les moins accessibles.