La cobotique, avenir de l’industrie
Industrie. La cobotique, ou robotique collaborative, se développe de plus en plus dans les entreprises. Une transformation des modèles de production effectuée aussi bien dans une nécessité de rentabilité que dans la prévention des troubles musculo-squelettiques des salariés. L’entreprise franc-comtoise Sysaxes était ainsi présente chez Carbody pour présenter les robots de la marque Universal Robots aux acteurs de différents secteurs.
Stéphane Charre, PDG de Carbody, entreprise spécialisée dans les solutions d’étanchéité, des butées d’ouvrants et de pédaliers pour l’industrie automobile ne s’en cache pas, au début, l’acquisition de robots a été faite dans un objectif de rentabilité : « Notre premier objectif, en nous dotant de robots, était d’être plus compétitif face à une concurrence européenne et extra-européenne de plus en plus intense. Notre principal frein était le coût de la main d’œuvre, il a donc fallu réfléchir à réduire la part de ce qu’il représentait dans nos produits. La solution a été de confier à des robots des process qui, auparavant, étaient effectués manuellement. »
Une transition qui ne s’est pas faite du jour au lendemain et que nous avons dû expliquer aux salariés qui craignaient pour leur emploi. « Une machine ne remplacera jamais un salarié. En revanche, on peut lui proposer d’évoluer sur son poste, pour accompagner la machine et vice-versa. » Stéphane Charre prend en exemple celui du pédalier, un produit phare de l’entreprise Carbody pour lequel 1,3 million d’euros a été investi pour automatiser la ligne de production.
« À un moment donné, si on n’automatisait pas, on perdait le marché. La question n’a alors pas été : "Est-ce qu’on va vers la robotisation ?" Mais "Comment on y va ?" C’est-à-dire qu’une à deux fois par an, on arrête tous nos sites de production quelques heures et on organise une réunion avec le comité de direction pour présenter notre stratégie aux salariés et pour répondre à leurs questions. On regarde ce qui a été fait les 6 à 12 mois précédents et ce qu’on va prévoir ceux à venir. »
Facilité d’utilisation
Une stratégie qui s’avère payante puisque sur les pédaliers précisément, Carbody a multiplié par 2,5 son volume de production en gagnant, en plus, de nouveaux marchés : « Avant, on sortait un pédalier toutes les 60 secondes, là, on sort un pédalier toutes les 17 secondes et toujours avec deux opérateurs », détaille Yves Basso, Directeur projets industriels chez Carbody.
« Nous utilisons les cobots depuis 2012. Nous avons été une entreprise pionnière en la matière. Car la particularité du cobot est de pouvoir être dans le même espace de travail que le salarié, sans être dans une cage comme les machines industrielles classiques. » Le choix du cobot a lui aussi nécessité du temps. « Nous cherchions quel était le plus facile d’utilisation, pour que l’on puisse faire plusieurs programmations et qu’il soit accessible au plus grand nombre », explique Yves Basso.
Production de pédalier mais aussi contrôle visuel, chargement et déchargement ou encore soulèvement de palettes, Carbody détient aujourd’hui 45 robots sur tous ses sites et 19 en cobotique. Car si la première des nécessités était de soutenir la concurrence, rapidement, c’est la lutte contre la pénibilité au travail qui s’est imposée. Les troubles musculo-squelettiques (TMS) représentent en effet 79 % des maladies professionnelles reconnues dans le secteur de l’industrie.
Ces facteurs, pouvant provoquer une exclusion prématurée de l’emploi, viennent accentuer le besoin d’améliorer les conditions de travail dans les usines et ateliers. « Les cobots que nous avons permettent en outre d’éviter des tâches trop répétitives et surtout, provoquant des TMS », indique Yves Basso.
« Déchargés, au sens propre comme au sens figuré, d’opérations trop lourdes, nos salariés ont pu être placés sur des postes à forte valeur ajoutée. Certains process qui demandent une grande expérience, s’ils sont effectués en partie par les robots, sont en revanche toujours contrôlés par un opérateur qui va aussi configurer la machine », souligne Stéphane Charre. Une maîtrise des machines rendue possible par des formations continues, en collaboration à l’UIMM et In&Ma, qui dispensent ensuite ces formations et applications des machines avec d’autres entreprises utilisant des cobots. « Chaque année, nous accueillons deux apprentis en robotique et cette année, nous en avons embauché trois. »
Des robots de plus en plus polyvalents
Si les charges lourdes sont un des points noirs de l’industrie, l’entreprise danoise Universal Robots l’a bien compris, puisqu’elle a conçu des bras robotisés collaboratifs possédant une quinzaine d’applications différentes qui jusqu’à présent pouvaient soulever des charges jusqu’à 12 kg. Sa dernière invention, l’UR 20 peut en revanche soulever des charges jusqu’à 20 kg. Une machine qui intéresse ainsi de nombreuses entreprises à l’image de la SCARA, coopérative agricole céréalière de l’Aube.
« Nous avons un projet de mise en sacs de graines. On réfléchit à une manière de les mettre en palettes et de les transporter, tout en facilitant le travail des opérateurs », présente Olivier Perroquin, Responsable industriel du groupe. « C’est une réflexion qui entre en amont de la mise en œuvre du projet, pour bien en évaluer les coûts. Il faut que la mise en pratique soit aussi en accord avec nos attentes. » Une veille technique aussi effectuée par Philippe Lagny, PDG de l’entreprise Compas, spécialisée dans la fabrication de pièces métalliques dans le Grand Est et située à Ham-lès-Moines, dans les Ardennes.
« Nous réfléchissons à nos orientations futures et à l’acquisition d’un cobot en complément de fabrication », livre-t-il, pointant aussi les problèmes de recrutement dans le secteur de l’industrie. Une problématique aussi soulevée par Stéphane Charre, qui veut dépoussiérer l’image de l’industrie « à la Zola », pour, au contraire, montrer qu’elle se projette dans le futur.
Cette industrie 4.0, Erik Pourtau, co-gérant de Sysaxes, distributeur des bras robotisés collaboratifs d’Universal Robots en a pris le virage dès 2014, en pariant sur la technologie du cobot : « Nous venons de la robotique traditionnelle avec, à l’époque, notre plus gros client qui était PSA. Nous avons ensuite fait le choix de la cobotique pour vendre à des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs », fait-il savoir, comptant aujourd’hui conquérir le marché du champagne grâce à la dernière invention, le UR 20.
Mais si les Maisons de champagne regardent encore d’un œil un peu distant la cobotique, des brasseries belges étaient en revanche présentes lors de la présentation des cobots, comme celle de l’Abbaye du Val-Dieu, dans la province de Liège.
« Nous avons une ligne d’embouteillage qui produit 11 000 bouteilles à l’heure et nous sommes fortement intéressés par le cobot pour effectuer les tâches de palettisation », confie Alain Pinckers, dirigeant de la brasserie qui produit 30 000 hectolitres à l’année. « Un des points cruciaux est la place réduite que nous avons dans la brasserie, il nous faut donc une machine qui soit plutôt compacte. Surtout, nos opérateurs qui font partie d’un atelier protégé, soulèvent des charges toute la journée, en moyenne 15 tonnes par jour, avec des roulements. Le but est bien de venir les soulager et de les affecter à d’autres postes moins pénibles. »
Cette rencontre avec les concepteurs a été rendue possible par l’entreprise CMP (appartenant au groupe Aryes Vini), basée à Épernay et qui propose des solutions pour le stockage (conteneurs fil), le remuage (caisses de remuage et remueurs automatiques avec automate programmable) à destination du monde vinicole. 2024 semble être une année porteuse pour la cobotique car aussi bien les entreprises utilisatrices que les distributeurs comptent investir dans le domaine. Carbody compte acquérir 6 cobots l’année prochaine et en installer dans ses nouveaux sites pour conquérir des marchés à l’International (Chine, Turquie, Maroc) quand Sysaxes a déjà atteint son chiffre d’affaires de 2022, soit 8 millions d’euros, en constante augmentation, années après années.