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L’Université, creuset des innovations de demain

Start-up. Pour sa troisième édition, le Deeptech tour, porté par Bpifrance, et en région en partenariat avec l’Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA) et France 2030, a fait étape à Reims. L’objectif ? Informer les universitaires et doctorants des possibilités et opportunités à la création d’entreprise dans le domaine de la Deeptech. Un chemin suivi par de plus en plus de chercheurs.

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Photo de Guillaume Gellé, Patricia Durin et Pascale Ribon
Guillaume Gellé, Président de l’Université Reims Champagne Ardenne, Patricia Durin, vice-présidente du Grand Reims à l’Enseignement supérieur et recherche et Pascale Ribon, Directrice Deeptech chez Bpifrance. (Crédit : DR)

Le constat est là. Aujourd’hui, les chercheurs et doctorants se tournent de plus en plus vers la création de start-up, souhaitant faire passer l’objet de leur recherche à une application réelle, voire à un processus industriel. « La technologie a toujours été un moteur de l’innovation et de progrès. Avec l’intelligence artificielle, ce processus s’accélère », indique Guillaume Gellé, président de l’URCA.

« L’Université, avec ses laboratoires de recherche, a son rôle à jouer dans ces grandes transformations », souligne-t-il, voulant positionner l’Université non plus seulement comme un apporteur d’apprentissage mais bien comme un acteur technologique facilitateur de solutions.

Positionner la France comme un acteur majeur de l’innovation

Guillaume Gellé prend ainsi en exemple celui d’Aurora, société de MedTech, spécialisée dans la stérilisation et fondée en 2019. « Elle puise ses origines dans un partenariat né en octobre 2018 entre Aurora d’une part, et l’Université de Reims-Champagne Ardenne (URCA) et le Centre Régional d’Innovation et Transfert de Technologie de Charleville-Mézières (CRITT), d’autre part », explique Jan Laarman, CEO et co-fondateur du projet de stérilisation reposant sur l’utilisation du plasma froid avec des gaz de l’air.

La start-up, forte de ces collaborations, a annoncé en février 2023, une levée de fonds d’un montant de 2 M€, afin de financer son nouveau projet de stérilisation industrielle. Favoriser la création d’un écosystème propice à la création en venant chercher des doctorants ayant un fort niveau d’expertise, est un des objectifs du Deeptech [1] tour organisé par Bpifrance.

Celui-ci, lancé en 2019 par l’État, vise à positionner la France en tant qu’acteur majeur de l’innovation de rupture à l’échelle mondiale avec la création annuelle de 500 start-up Deeptech et de 100 sites industriels innovants d’ici 2030. Car face à un pays comme les Etats-Unis qui attire nombre de chercheurs et que l’on associe bien souvent à « la fuite des cerveaux », l’Hexagone veut désormais prendre sa part sur l’échiquier mondial.

« L’impulsion est là, le nombre de start-up Deeptech créées chaque année a doublé entre 2018 et 2022, pour atteindre 320 start-up. Et sur la même période, l’écosystème du capital risque Deeptech a connu une croissance de + 240 % », fait savoir Pascale Ribon, Directrice Deeptech Bpifrance.

« Depuis 5 ans, nous avons financé 2 000 start-up Deeptech pour un peu plus de 2 Mds€. Ce sont des montants massifs. On vient sur les campus pour dire qu’on mobilise les moyens de l’État pour accompagner cette dynamique, sortir des projets des laboratoires de recherche, faire aussi venir des entrepreneurs, avec comme enjeu de construire la filière industrielle de demain. » Jean-Charles Perrette, Directeur régional de Bpifrance, détaille :

« Le but est de mettre autour de la table les acteurs de la recherche, les incubateurs, les Universités et Bpifrance pour faire émerger de nouveaux projets grâce à une mise à lumière des outils et des moyens financiers plus importants. »

Dans la région, la physionomie du paysage économique et des structures existantes donne une place presque naturelle aux projets dans les secteurs de la bioéconomie ou de l’industrie verte. Mais Bpifrance soutient et accompagne « des projets dans tous les secteurs pour peu qu’ils aient un business plan solide et cohérent et une technologie avec un potentiel de marché. »

Guillaume Gellé insiste ainsi sur l’importance des organismes de recherche et les innovations mises en place au sein même de l’Université, grâce au PUI, Pôle universitaire d’innovation. En 2022, l’URCA était d’ailleurs lauréate de l’appel à projet ExcellencES « Excellence sous toutes ses formes » dans le cadre du PIA4, avec son projet EXEBIO « Excellence en bioéconomie durable. » Cette réussite reconnait l’excellence en recherche, formation et innovation de l’université de Reims Champagne-Ardenne dans son domaine signature : la bioéconomie et l’environnement.

Quant au projet INNOREM, il a reçu un financement de 2,5 M€ dans le cadre de l’appel à projets PUI 2023. « Ce projet a vocation à animer les écosystèmes territoriaux autour de l’innovation au sens large », explique Laurent Lucas, vice-président de la commission recherche de l’URCA Pôles Santé et SNI (Sciences du numérique et de l’ingénieur).

« Ce projet regroupe huit fondateurs (AgroParisTech, CentralSupelec, CHU de Reims, CNRS, Grand Reims, Inrae, Quest for Change, SATT Nord, Université de Reims) plus une quinzaine de partenaires, tous associés. L’objectif est de faire en sorte d’acculturer tout l’écosystème universitaire à toutes les problématiques de création de start-up. »

« Ancrer sur le territoire des start-up que l’on aimerait voir devenir des Licornes »

Car aujourd’hui, beaucoup de doctorants n’envisagent plus un avenir au sein de l’Université mais plutôt au sein d’une société. Dans le cas d’Aurora, l’URCA a mis à disposition ses installations et son plateau technique BIOS pour que la start-up développe sa technologie. « Le laboratoire avait des besoins académiques et l’industriel avait un besoin technique. » Le PUI a fait le lien. Idem avec le supercalculateur Roméo, une technologie à plusieurs millions d’euros, utilisé par plusieurs start-up pour présenter des données à leurs clients. « Utiliser cet écosystème, c’est le moyen d’ancrer sur le territoire des start-up que l’on aimerait voir devenir des Licornes », se laisse à espérer Laurent Lucas.

Photo de Jan Laarman et François-Xavier Denimal
Jan Laarman, CEO et co-fondateur d’Aurora et François-Xavier Denimal Responsable de la BU Santé à la SATT NORD. (Crédit : ND)

Jane Hubert, ancienne chercheuse, Docteure en Chimie, a démissionné de son poste à l’Université pour se lancer « à 100% dans NatExplore », start-up spécialisée dans le profilage moléculaire de ressources naturelles. « On développe des méthodes innovantes pour déterminer de manière rapide et la plus détaillée possible la composition de plantes terrestres et extraits naturels, pour tous les acteurs qui souhaitent valoriser ces ressources : pharmacie, phytothérapie, cosmétique ou encore agriculteurs voulant valoriser les co-produits. »

Jane Hubert était membre d’une équipe de recherche qui développait des méthodes autour des ressources naturelles et « après deux belles rencontres, des industriels, Givaudan et Pierre Fabre, qui ont tout de suite été intéressés par cette technologie en faisant comprendre que ce serait peut-être une bonne idée de faire sortir ces outils de l’université, nous avons été accompagnés par la SATT Nord pour faire la transition entre l’Université et l’entreprise pendant 10 mois. »

Pour maturer l’entreprise, NatExplore a ensuite été accueillie par l’accélérateur du Village by CA de Reims. Aujourd’hui, elle utilise le laboratoire de l’Université pour lequel elle paye une prestation de service. « Chaque année, nous dépensons entre 50 et 100 000 euros dans le matériel. Dans 5 ans, nous nous voyons dans nos locaux et avec nos propres machines. »

[1Jeunes entreprises innovantes (start-up) qui développent des solutions disruptives reposant sur de la recherche avancée et des technologies de pointe.