L’industrie rémoise sur orbite
Industrie. Le Tour de France des industries organisé par la French Fab de Bpifrance et l’OPCO 2i a fait escale dans l’usine de Latitude à Reims où les enjeux d’emploi et de passage à la fabrication en série rejoignent les défis de la réindustrialisation du pays.

Organisé par Bpifrance pour faire la promotion du secteur industriel, le Tour de France des industries a fait escale à Reims pour sa 8e étape. Une journée qui s’est déroulée dans les locaux de l’usine de Latitude, la start-up rémoise spécialisée dans la conception de micro-lanceurs de satellites. Un choix stratégique de la part des équipes de Bpifrance dont l’un des objectifs est de présenter l’industrie sous son meilleur jour et de donner envie aux jeunes de se diriger vers les entreprises de ce secteur d’activité. Dans cette perspective, Latitude coche en effet toutes les cases pour séduire et attirer les talents, comme le souligne Matthieu Heslouin, directeur exécutif en charge de l’accompagnement de Bpifrance : « Il faut sortir de l’image d’Epinal dans laquelle l’industrie ce sont des usines poussiéreuses où seule la force physique compte. Aujourd’hui, l’industrie ce sont des lieux de vie où on pilote de la robotisation avec des compétences ».
Pour Bpifrance, l’enjeu de la réindustrialisation est de taille avec un objectif affiché par l’exécutif de faire passer ce secteur d’activité de 8% à 12% du PIB. Un gap que la banque publique d’investissement compte bien passer en y mettant les moyens. « Nous avons 30 milliards d’euros à déployer sur quatre ans, sous forme de prêts ou d’investissements, dans des usines existantes ou dans de jeunes industries naissantes, avec le soutien de nos directions régionales », poursuit Matthieu Heslouin.
À cela s’ajoutent 30 milliards d’euros dédiés à la décarbonation, pour faire des sites industriels les vitrines de cette décarbonation, pour les rendre attractifs auprès des jeunes. C’est tout l’objet du Tour de France de l’industrie, qui, à Reims, a convié des lycéens et des étudiants du CESI à visiter Latitude et à rencontrer ses salariés ainsi que près de 150 acteurs de l’économie locale lors d’ateliers.
Car si l’actualité fait état de fermetures de sites industriels - à Reims notamment avec Arcelor Mittal - l’enjeu du recrutement est majeur pour la filière. « Ce sont près de 60 000 emplois qui sont non pourvus dans l’industrie à l’heure actuelle », estime Arnaud Bernier, président de la commission Territoire OPCO 2i Grand Est. Dans le cadre de la réindustrialisation du pays, ce sont entre 600 000 et 800 000 emplois nets qui pourraient être créés d’ici 2035 en France. Des emplois, Latitude en a créés des dizaines ces dernières années. Sur son site, on dénombre en effet plus de 140 salariés, auxquels il faut ajouter les stagiaires et les alternants, soit près de 160 personnes.
La confiance du cnes
C’est dans ces ateliers rémois de la jeune entreprise que sont fabriqués les lanceurs de satellites qui devraient être envoyés dans l’espace d’ici un peu plus d’un an. Bureau d’études, back office mais aussi production industrielle se déroulent dans l’usine, avec la fabrication des moteurs de ses fusées Zéphyr. Celles-ci sont destinées à envoyer des satellites à 500 km de la Terre dont la taille peut varier de celle d’une boîte à chaussure à celle d’une machine à laver, pour un poids de 200 kg maximum. « Aujourd’hui nous testons toutes les briques industrielles : soudure, découpe, usinage numérique », souligne Isabelle Valentin, directrice des opérations Latitude, pour qui le challenge est désormais de passer de l’industrie artisanale - qui a permis de valider la faisabilité des moteurs - à la fabrication en série afin de produire 50 fusées par an pour pouvoir se positionner commercialement sur le marché. Pour les équipes d’Isabelle Valentin, il s’agit notamment d’assurer le passage d’une centaine de pièces nécessaires à la fabrication du moteur à une douzaine de pièces seulement grâce à la fabrication additive en métal.
Un enjeu à la fois technique, économique mais aussi vital pour une entreprise positionnée sur un marché mondial et hautement stratégique. Un défi contre la montre également, puisque si les premiers vols des fusées Zéphyr ne sont pas attendus avant fin 2025-début 2026, le CNES (Centre national d’études spatiales) a déjà réservé le 2e vol de Zéphyr pour la fin de l’année 2026, voire début 2027. Un calendrier qui implique une nécessité pour Latitude d’attirer les talents qui l’aideront à atteindre ses objectifs. Peut-être certains étaient-ils parmi les jeunes étudiants accueillis dans l’usine lors du Tour de France des industries ?