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L’hôtellerie-restauration face à de grands enjeux

CHR. Alors que les restaurateurs et hôteliers de la Marne se réunissaient lors de leur assemblée générale, avec comme invité d’honneur le chef étoilé mais aussi Président confédéral de l’UMIH, Thierry Marx, ces derniers ont abordé le contexte économique d’une filière fragilisée : recrutement, hausse des coûts de l’énergie, concurrence de la plateforme de réservation Airbnb, nouvelle obligation de trier les déchets alimentaires…

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Photo de Thierry Marx
Thierry Marx a insisté sur l’importance de la formation devant les élèves du lycée professionnel Gustave Eiffel de Reims. (Crédit : ND)

C’est peut-être par le mot de la fin, donné à Jacky Feurté, 40 ans au service du tourisme à Vitry-le-François en tant que vice-président puis président de l’Office, et qui comptabilise 50 ans de syndicalisme au sein de l’UMIH 51, que nous allons commencer :

« On parle de contexte économique compliqué pour les professions de restaurateurs et d’hôteliers, mais cela a toujours été compliqué ! Et comme nous l’avons toujours fait, on ne va pas baisser les bras. On va se retrousser les manches et continuer à travailler, on est comme ça », a-t-il fièrement déclaré. Il faut dire que, même si 2023 signe une reprise exceptionnelle en termes de fréquentation touristique, taux de remplissage et nuitées, la profession des restaurateurs et hôteliers n’en connaît pas moins toujours des difficultés dans de nombreux domaines.

De forts besoins de recrutements

Avec, en premier lieu, celui des recrutements. Le secteur de la restauration arrive ainsi en tête des métiers les plus recherchés par les employeurs dans la dernière enquête en Besoin en Main d’œuvre (BMO) de Pôle emploi. Les serveurs de cafés et restaurants ainsi que les aides, apprentis et employés polyvalents de cuisine arrivent respectivement à la première et deuxième place dans les besoins en recrutements. Les cuisiniers arrivent quant à eux à la 10e place. Cette problématique ne peut pas être décorrélée de celle de la formation.

« Il manque 200 000 postes par an, plus 100 000 pour la saison hivernale », rappelle Thierry Marx. « C’est important de travailler avec les lycées professionnels et les CFA pour former les jeunes, mais il y a un changement de paradigme à prendre en compte. Aujourd’hui, nous n’avons plus un rapport sacrificiel au travail. Et la profession a fait d’immenses efforts, comme l’augmentation de 16% des salaires », insiste-t-il. Le président confédéral de l’UMIH plaide ainsi pour une refonte des diplômes des Métiers de la restauration.

« En moyenne, le secteur des CHR, c’est 35 métiers différents. Mais aujourd’hui, on ne peut plus continuer à faire un CAP en un ou deux ans pour ensuite arriver comme commis de cuisine. Il faut réfléchir à capter l’attention des jeunes, que je ne voudrais pas non plus catégoriser. Pour en avoir formé beaucoup, j’ai appris que 12 semaines, soit 80 heures, suffisent à apporter les bases : Quatre grandes cuissons (viandes, poissons, légumes, œufs) et maitriser 10 grands desserts de la gastronomie française. Ensuite, c’est au maître de stage, aux professionnels d’accompagner l’apprenti pour le faire monter en compétence », a-t-il plaidé.

Les principaux concernés sont-ils prêts à entendre ce discours ?

« C’est une très bonne idée de simplifier, de ne pas accumuler les diplômes, mais plutôt de revenir à des choses basiques », relève Nicolas Pehlivanian, Directeur général Hôtels de Reims du Groupe Grape Hospitality. « Nous sommes dans des métiers où l’apprentissage a toujours eu beaucoup d’importance, on sait faire et on l’a remis beaucoup plus en place après le Covid. La problématique va être de trouver des jeunes en apprentissage. »

La présidente du club hôtelier de Reims, Stéphanie Gagnoux ajoute : « Comme nous avons du mal à recruter des personnes formées dans nos métiers, on embauche des personnes qui sont motivées et que nous formons en interne ! Mes deux dernières réceptionnistes ne viennent pas de l’hôtellerie. Elles étaient dans le commerce, mais elles ont le sens de l’accueil, du service et parlent bien l’anglais. »

Le chef deux étoiles au guide Michelin, pour sa part, fait savoir : « Nous devons continuer notre combat pour que le travail paye et ne pas participer à une uberisation de notre société. »

Concurrence déloyale

Et d’embrayer sur la problématique de la plateforme de réservation Airbnb. « Nous sommes le seul syndicat à avoir fait un procès à Airbnb pour concurrence déloyale. » En cause, non pas les chambres louées par l’habitant, mais plutôt le modèle économique qui voit des investisseurs acheter des immeubles entiers pour commercialiser des appartements à la nuitée. « Nous sommes en attente de réponses de Bercy sur ce sujet », annonce Thierry Marx.

Car cette « concurrence déloyale » se joue au niveau de la taxe de séjour qui ne va pas être payée chez un logeur Airbnb. En effet, cette taxe est réglée par le vacancier, en plus du prix de l’hébergement, au logeur, à l’hôtelier ou au propriétaire. Celui-ci la reverse ensuite à la commune. Les recettes collectées permettent aux collectivités locales de disposer de ressources complémentaires pour développer l’offre touristique sur leurs territoires.

Le cas de la plateforme pose d’autres problématiques pour les professionnels du secteur des CHR, pour les apprentis et employés saisonniers cette fois. « Il y a des villes comme Cannes, Nice ou les stations d’hiver où il n’y a plus aucun logement disponible pour les salariés. Une étude a démontré que 500 euros, c’est la somme maximum que peut mettre un saisonnier pour se loger. »

Sensible à ce sujet en tant que Présidente de l’ANRU, Catherine Vautrin intervient à ce sujet : « En tant que chefs d’entreprise, les hôteliers cotisent au 1% logement, ce qui nous donne à nous, collectivités, la possibilité de construire des logements sociaux. Et il faut savoir que 80% de Français sont éligibles à un logement social, en tous cas, les saisonniers et les apprentis le sont certainement. Je voudrais vous mettre en lien avec le groupe Action Logement, afin de trouver des solutions. Un exemple, à Reims, le CHU a pu embaucher 12 infirmières car les conditions de logement étaient là », rappelle la Présidente du Grand Reims.

Hausse des charges

La question du coût de l’énergie n’a pas manqué d’être également abordée, cette dernière ayant contribué à provoquer de nombreuses défaillances d’entreprises l’année dernière : « Le pourcentage de défaillances d’entreprise a augmenté de 32 % dans l’hébergement, 50 % dans les débits de boissons et de 62 % dans la restauration », alerte le Président confédéral de l’UMIH.

« Quand on parle de partage de la valeur, encore faut-il avoir de la valeur à partager. Pour 100 000 euros de chiffre d’affaires, toutes charges payées, à la fin du mois à un professionnel de la restauration, il reste 2 000 euros. » Et le chef de la brasserie du 1er étage de la Tour Eiffel de poursuivre par l’exemple d’établissements qui ont vu passer leur facture d’énergie de 15 000 à 150 000 euros.

« L’énergie baisse de nouveau, mais pas autant qu’avant. Il y a aussi un changement des pratiques à mettre en œuvre dans nos métiers. Pas besoin de cuire des haricots verts dans 10 litres d’eau alors que les légumes sont constitués à 80% d’eau. Il y a des réflexions à mener aussi bien sur nos pratiques culinaires que sur la diminution et le recyclage des déchets. »

Un sujet qui en amène un autre. Celui de la future obligation de recycler les déchets ménagers à partir de janvier 2024. Antoine Renardias, Directeur général de l’Hôtel de la Paix explique non seulement la future loi AGEC (anti gaspillage économie circulaire) mais aussi les solutions disponibles pour y faire face sereinement :

« Cette loi renforce la lutte contre le gaspillage alimentaire en rehaussant ses objectifs. À partir du 1er janvier 2024, l’obligation de tri à la source des biodéchets s’applique à tous, quels que soient les volumes et l’activité des producteurs / détenteurs. »

Plusieurs solutions existent, dont celle d’Agricyclage, né de la collaboration de six agriculteurs qui collecte et valorise l’ensemble des déchets organiques. « Notre biogaz chauffe un tiers de la Ville de Rethel et de ses industries soit la consommation de 9 600 habitants par an », explique Louis-Joseph Samyn, Responsable bio-déchets.

Autre innovation, celle du déshydrateur thermique qui permet de récupérer une poudre de bio-déchets servant ensuite de compost. Seul frein, le prix : de l’ordre de 18 000 à 30 000 €. « Le traitement des bio-déchets représente certes une nouvelle dépense mais cela va aussi nous faire faire des économies. Ce sont des coûts qu’il va falloir intégrer mais qui sont nécessaires », souligne Nicolas Pehlivanian.