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L’AOP Chaource entre QVT et marketing territorial

Agro-alimentaire. Les acteurs de l’AOP Chaource s’interrogent pour définir un plan d’actions pour promouvoir la filière du fromage aubois tout en préservant les ressources humaines.

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Photo de Roger Bataille, Alain Boulard et Didier Lincet
Roger Bataille (PTER Othe-Armance) Alain Boulard (Chambre d’agriculture de l’Aube) et Didier Lincet (Syndicat du Chaource). (Crédit : MBPADIRAC)

47 exploitants sur les 53 que compte le territoire de l’AOP Chaource ont répondu à une enquête sur les besoins des éleveurs laitiers concernés par l’AOP dans le cadre d’un partenariat entre le Syndicat du Chaource, la Chambre d’agriculture de l’Aube, le PTER Othe-Armance et la Région Grand-Est. « C’est un travail concerté pour savoir ce que nous pouvons mettre en œuvre pour que la filière soit encore plus performante », explique Roger Bataille, président du PTER Othe Armance et Maire d’Ervy-le-Châtel.

Sujet prépondérant dans tous les secteurs, la qualité de vie du travail (QVT) des exploitants n’échappe pas à la règle et les besoins en main d’œuvre représentent des priorités pour les éleveurs. Un point souligné lors de la restitution aux acteurs de la filière le 21 juin. L’AOP représente 300 emplois sur le territoire repartis pour moitié entre l’élevage et la transformation. Huit éleveurs sur dix sont seuls ou en couple sur leur exploitation, ce qui impose une présence continue.

Si un relais est nécessaire lors de maternité ou d’accident, les jeunes générations prônent aussi la qualité de vie et le besoin de pouvoir se faire remplacer pour prendre des vacances avec la particularité du confier son cheptel à une tierce personne. « Nous avons un souci de recrutement au service de remplacement pour venir dans les exploitations dans le cadre des groupements d’employeurs », note Alain Boulard. « C’est très technique de remplacer un éleveur ».

Trouver des repreneurs

Favoriser l’installation ou la reprise d’exploitation, soutenir les dispositifs de remplacement des éleveurs pour leur permettre de partir en vacances et favoriser la qualité de vie sont des thématiques prépondérantes. 37 % des exploitants ont plus de 51 ans et si de jeunes générations très impliquées s’installent et reprennent les élevages depuis 10 ans, cela reste insuffisant. « Pour 30 % des éleveurs, l’avenir n’est pas totalement assuré. Il va falloir trouver des repreneurs, faire en sorte que l’exploitation soit attirante car il y a des enjeux financiers », poursuit Didier Lincet, président du syndicat du Chaource et producteur qui fait à appel à 50 éleveurs pour la collecte du lait de sa fromagerie et génère 80 % des volumes de l’appellation.

Évoquant le dispositif d’installation des éleveurs mis en place par la Région et les aides à l’installation, Alain Boulard, président de la Chambre d’agriculture, insiste sur la nécessité « d’enrayer le déclin et repositiver cet outil pour soutenir l’installation des éleveurs ».

Attractivité et identité territoriale

« Les éleveurs sont les jardiniers et les façonneurs du territoire. S’il y a moins d’éleveurs, le patrimoine paysager va changer. Le paysage est intimement lié à la production de lait avec un cahier des charges qui impose 5 mois de pâturage », poursuit Roger Bataille. Construit en concertation avec les éleveurs, l’AOP répond à des exigences de qualité qui entretiennent le lien du fromage au terroir.

L’appellation impose aussi une autonomie alimentaire pour la nourriture des vaches, vertueuse pour le bilan carbone avec des productions de proximité. 75 % de l’alimentation des vaches doit être produite sur l’exploitation et 10 % sourcée sur la zone de l’AOP. Pour Didier Lincet, « La durée de pâturage ressort comme une contrainte difficile à tenir dans l’étude, mais la simplification à outrance n’est pas une solution. Il faut être attentif à la qualité du produit. L’appellation permet au produit d’être valorisé ». Un point qui rejoint le sujet de la communication autour de l’AOP. « Tant vers les éleveurs qu’entre les organisations et surtout auprès des consommateurs. Ils sont attentifs à l’origine et à la traçabilité des produits. Et dans la filière Chaource, nous répondons à beaucoup d’attentes sociétales mais devons développer la communication ».

Affichage dans le métro, « Chaource Week » avec les restaurateurs de l’Aube, réseaux sociaux, recettes de cuisine, émissions de TV sont déjà mis en œuvre. La filière génère un chiffre d’affaires de 25 millions d’euros avec 20 % de la production de chaource à l’export. Pourtant une partie des Français ne connait pas encore ce fromage.

Une ambition de conquête de marché qui induit une nécessaire stratégie d’anticipation et d’augmentation de la demande pour assurer les capacités de production et en amont de la filière, l’élevage. Les premières actions opérationnelles relayées par la Chambre d’agriculture pour les formations, le PTER Othe-Armance autour des ateliers lait et par la Région sur l’installation et l’accompagnement des exploitations vont en ce sens. L’AOP chaource dispose d’une belle marge de progression pour faire rayonner le fromage cylindrique et son territoire dans l’hexagone. De quoi séduire les éleveurs.