Entreprises

L’Amorim Tour de passage en Champagne

Champagne. C’est au Portugal, au XIXe siècle qu’est né le groupe portugais Amorim, spécialisé dans les produits en liège, et notamment les bouchons. Leader sur le marché, mais dans un secteur fortement concurrentiel, le groupe ne se repose pas sur ses lauriers. Surtout, il organise des tournées pour aller à la rencontre de ses clients.

Lecture 10 min
Au total, 6 milliards de bouchons en liège sont produits chaque année par Amorim. 650 millions le sont par Amorim France dont 170 millions sont destinés aux vins effervescents.

C’est dans le cadre idéal de Pressoria, à Aÿ, donnant sur un véritable océan de vignes, que le groupe Amorim, leader sur le marché du bouchon de liège, a tenu une Masterclass sur le sujet fin juillet, devant une assemblée de professionnels : vignerons, Maisons mais également acteurs de l’industrie connexe au champagne. Le groupe Portugais, qui possède un site de finition marquage et de contrôle qualité à Champfleury, dans la Marne, produit chaque année 6 milliards de bouchons en liège. 650 millions le sont par Amorim France dont 170 millions sont destinés aux vins effervescents. « Nous avons plusieurs objectifs à cette tournée. Tout d’abord, cela créé de la proximité. C’est aussi marquer notre empreinte, car ces 10 dernières années, nous n’avons pas forcément communiqué sur l’ensemble de nos produits et innovations à nos partenaires », indique Franck Autard, Directeur Exécutif Amorim France. « Nous voulons aussi insister sur nos différences stratégiques, qui sont assez importantes par rapport à nos concurrents. Notre rôle est de faire en sorte que tout le travail qui s’effectue aujourd’hui, dans les vignes et en cuverie, nos bouchons le respectent au maximum », insiste celui qui se définit comme « un grand amateur de vins ».
Un des positionnements très tranché chez Amorim est donc de mettre ses produits au service du travail de ses clients « un maximum de liège et un minimum de liants ». Aussi, le but de la Masterclass organisée par le groupe était de faire une dégustation comparative entre des vins tirés au même moment, mais l’un bouché avec du liège et l’autre avec une capsule. « Car sur la partie tirage, il y a le choix entre une capsule aluminium, ou ce que l’on propose, un bouchon de tirage en liège. Il a la même construction qu’un bouchon champenois classique sauf que sa composition va être un peu différente pour lui permettre de mieux résister à la pression et spécifiquement conçu pour la garde des vins », précise Jules Stoquart, Œnologue et référent technique et scientifique Amorim Cork. « L’idée de cette Masterclass va être de comparer trois paires de vins, tirés le même jour, soit avec une capsule, soit avec un bouchon de tirage liège. Là, ça va être des tirages entre 12 et 15 mois. » Amorim possède en effet une grande gamme de bouchons aussi bien naturels que techniques. « Le bouchon champenois est un de nos produits phares, le classique deux rondelles, c’est-à-dire que le corps est aggloméré avec deux rondelles de liège en bas du bouchon. »

Des résultats souvent tranchés

Franck Autard, Directeur Exécutif Amorim France.

« Dans les autres tournées que nous avons effectuées, dans d’autres régions viticoles comme la Bourgogne ou le Bordelais par exemple, le comparatif a aussi été fait entre différents bouchons techniques. Quand on compare les mêmes vins, embouteillés le même jour, et que la seule différence c’est le bouchon, on s’aperçoit à chaque fois, de résultats assez tranchés. À la dégustation, sur un panel averti d’une soixantaine de personnes, le même vin n’est pas jugé de la même manière », relève Franck Autard. Une affirmation confirmée en pratique, lors de la Masterclass comparative à Pressoria. Souvent, les champagnes tirés en bouchon liège révélaient « plus d’ouverture, de complexité et d’arômes », là où ceux qui étaient avec capsules, étaient plutôt « sur l’amertume » ou si ces derniers étaient vieillis en fûts de chêne « le boisé ». « Le seul élément qui va venir différencier les choses c’est le bouchon. » Or, si majoritairement, le panel était plus enclin à préférer les vins tirés avec bouchons de liège, 95% des vignerons champenois utilisent la capsule, moins chère et surtout ne nécessitant pas de manipulation humaine, donc techniquement plus simple. « Quand nous avons discuté avec les équipes, nous voulions provoquer un petit électrochoc », avoue non sans humour Franck Autard. « Le bouchon de liège ne va pas remplacer toutes les capsules loin s’en faut, mais si un viticulteur veut créer de la différence et valoriser la promesse dans la bouteille tout le travail porté en amont, le bouchon de liège va venir lui apporter cette particularité. »

Une meilleure expression aromatique

C’est par exemple le cas de François Vallois, dont l’exploitation est située à Bergères-lès-Vertus. Comme la plupart des vignerons, il utilisait une capsule pour l’étape du tirage, mais c’est son importateur suédois, qui a développé une marque, Hatt et Söner, qui l’a encouragé à utiliser le bouchon de liège pour une partie de sa production. « La Suède est le dixième pays consommateur de champagne au monde. C’est un marché qui se développe et surtout qui se professionnalise », indique François Vallois. Depuis l’année dernière, il teste 25% de sa production en tirage liège et attend les résultats avec impatience.

Avec le bouchon de liège, la consommation d’oxygène sera plus rapide au départ, ce qui conduit par la suite, à une stabilisation du vin.

« On s’attend à de véritables différences, le type de bouchon joue en effet beaucoup sur la complexité du vin et sur son expression aromatique. Et plus on avance dans le temps de tirage, plus c’est le cas. Avec le bouchon de liège, la consommation d’oxygène sera plus rapide au départ, ce qui conduit par la suite, à une stabilisation du vin. »
Pour Ernesto Pereira, Chef de produit Vins et Effervescents chez Amorim Cork, « le bouchon de tirage présente un meilleur équilibre entre oxydation et réduction et une plus grande intensité aromatique. Néanmoins, il possède les mêmes fonctionnalités physiques que les capsules couronne en matière de préservation du CO2  ».
Il ressort ainsi des tests R&D que les bouchons LA2R Amorim (c’est-à-dire avec deux rondelles de liège naturel) préservent mieux la concentration d’arômes fruités et floraux du champagne. « Les vins avec des bouchons LA2R présentent des concentrations plus élevées d’esters éthyliques (arômes fruités) et une concentration plus faible d’alcools (senteurs fraîches et plus vertes) par rapport aux micro-agglomérés », précise l’expert. Ces propos sont appuyés par ceux de la Maison Ruinart qui a abandonné les capsules pour le tirage de sa cuvée Dom Ruinart depuis 2010 déjà. En conclusion, Francisco Campos, Responsable R&D Amorim Cork annonce : « En considérant une perméabilité linéaire et très faible des bouchons LA2R, il faudrait probablement 6 ans de vieillissement pour trouver le point d’équivalence des entrées d’oxygène par un bouchon d’expédition et une capsule de tirage de perméabilité intermédiaire (0,5 mg/bouteille/an). Cependant, la libération d’O2 du bouchon se produit pendant la période de fermentation secondaire (2-3 semaines), lorsque les levures le consomment rapidement, quand les capsules laissent entrer des petites quantités d’O2 en continu. »