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L’ambition mondiale de Haffner Energy

Énergie. Le groupe de Vitry-le-François annonce une première usine avec des centaines d’emplois à Saint-Dizier et un nouveau centre d’essais et de formation dans la Marne.

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Représentation 3D de la future gigafactory de Saint-Dizier
Une vue du projet de la future gigafactory de Saint-Dizier où les terrains sont déjà prêts. (Crédit : HAFFNER ENERGY)

La société familiale marnaise, cofondée par Marc et Philippe Haffner, s’est donnée les moyens d’atteindre une nouvelle dimension sur le marché des énergies renouvelables avec une introduction en Bourse en 2022 pour lever 73 millions d’euros, l’acquisition de l’entreprise Jacquier, basée à Frignicourt, cet été, et l’annonce de plusieurs projets dont celui d’une gigafactory à Saint-Dizier. Explications avec Philippe Haffner (photo ci-contre), pdg de l’entreprise de Vitry-le-François.

Pamb : Comment Haffner Energy est-il parvenu à mettre au point sa technologie de rupture dans le domaine de la production d’énergies renouvelables ?

Photo de Philippe Haffner
(Crédit : Sébastien Chauchot)

Philippe Haffner : En fait, nos innovations sont le fruit de 30 années d’expérience dans la valorisation énergétique de la biomasse. Celle-ci constitue un ensemble très diversifié, avec des variations de taux d’humidité, des différences de disponibilité selon les régions, les saisons, et les années. Or, les procédés actuels sont assez restrictifs sur le choix des biomasses utilisées.

En se basant sur notre expérience, nous avons décidé, en 2009, de développer un nouveau procédé qui serait complètement agnostique à la biomasse, donc capable d’utiliser indifféremment tous types de résidus de biomasses, jusqu’aux déchets ménagers, au lisier, au fumier, sans difficultés. Nous y sommes parvenus tout en réalisant notre autre objectif qui était la production d’un gaz pur et renouvelable.

La qualité de notre gaz est telle qu’elle nous permet de produire aussi de l’hydrogène renouvelable et encore d’autres produits comme les carburants pour l’aviation durable ou le méthanol. Et bien entendu, du gaz renouvelable destiné à remplacer le gaz naturel fossile. Nous sommes aujourd’hui le seul industriel en capacité de livrer des équipements pour fournir un produit aussi polyvalent. Cette polyvalence apporte un avantage économique à nos clients.

Pamb : Quel est l’avantage compétitif de cette technologie, notamment en matière de coûts de production face aux solutions alternatives ?
Philippe Haffner : Notre solution, qui s’appuie sur la thermolyse de la biomasse, nécessite beaucoup moins d’énergie que les solutions concurrentes pour produire du gaz et de l’hydrogène. D’autres techniques existent pour fournir de l’hydrogène. Elles nécessitent beaucoup d’électricité. Rappelons que l’énergie primaire reste le principal poste de coût et de ce point de vue, la biomasse est imbattable. En plus, notre procédé produit en même temps du biochar, un carbone végétal en quelque sorte, très intéressant pour l’amélioration des sols. Du point de vue environnemental, c’est aussi un véritable puits de carbone très performant. La valorisation du biochar contribue à rendre le modèle économique de nos installations encore plus performant.

Pamb : Le procédé est-il déjà exploité ?
Philippe Haffner : Oui, nous avons depuis 30 mois un démonstrateur industriel à Strasbourg qui fonctionne parfaitement et nous a permis de maîtriser tous les aspects fonctionnels. Pour aller plus loin, nous allons construire un démonstrateur nouvelle génération de plus grande dimension à Marolles, près de Vitry-le-François. Il sera mis en service courant premier semestre 2024 et sera à la fois un show-room pour nos clients et un centre d’essais et de formation à destination de nos clients et de nos collaborateurs.

Pamb : Pourquoi avez-vous également décidé la construction d’une future « gigafactory » à Saint-Dizier avec plusieurs centaines d’emplois à la clé ?
Philippe Haffner : Notre stratégie est de maîtriser l’industrialisation pour des questions de gestion des coûts et de la qualité, et de protection de la propriété intellectuelle. Nous n’avions pas forcément prévu de racheter notre sous-traitant Jacquier, mais l’opportunité s’est présentée, en juin dernier, à l’occasion d’une transmission d’entreprise. Cela nous a permis de gagner deux ans sur notre tableau de marche. Maintenant, il nous faut prévoir l’avenir avec une unité de production de grande capacité, c’est le projet que nous développons à Saint-Dizier, dans un bassin où la tradition industrielle et métallurgique est toujours très forte.

Ce sera une usine ultra-moderne, dotée d’une forte composante environnementale, qui nous permet de nous projeter à l’horizon 2026, avec une montée en puissance en 2027. Je rappelle que nous avons confirmé au marché notre objectif de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires au 31 mars 2027. Pour y parvenir, il faut être en capacité de produire beaucoup d’unités.

Pamb : Quelles sont les ambitions plus lointaines de Haffner Energy ?
Philippe Haffner : Clairement d’atteindre une dimension mondiale, avec l’international qui va représenter à terme plus de 80 % de nos débouchés commerciaux. L’écosystème de l’hydrogène va connaître une forte accélération dans les années qui viennent, et seuls ceux qui sont déjà prêts et suffisamment dimensionnés pourront surfer sur la vague mondiale qui s’annonce.

Les deux projets en bref

  • « FactorHy », une usine de grande capacité à Saint-Dizier où seront fabriqués et assemblés les modules de production de gaz et d’hydrogène renouvelable, grâce au soutien de l’État à travers le programme France 2030 opéré par Bpifrance et des partenaires institutionnels locaux parmi lesquels la région Grand Est et le GIP Haute-Marne. Un premier financement à hauteur de 5,9 millions d’euros vient d’être obtenu. Le plan complet de financement ainsi que les retombées précises en nombre d’emplois seront connus d’ici quelques mois.
  • Un nouveau centre d’essais et de formation à Marolles, près de Vitry-le-François, avec l’implantation d’un démonstrateur nouvelle génération dès 2024.