L’agriculture, terre d’asile pour la production et l’utilisation d’hydrogène vert
Énergie. L’agriculture et l’hydrogène, sa production et son utilisation, sont compatibles. Si les démonstrations, comme celle permise par la conférence de la SITMA à la Foire de Châlons-en-Champagne, ne manquent pas, les obstacles comme le stockage en production ou les coûts en utilisation existent bien.
En organisant, dans le cadre de la 77e Foire de Châlons-en-Champagne, sa conférence sur « L’hydrogène, une opportunité pour nos agriculteurs », la SITMA, Société des Ingénieurs et Techniciens du Machinisme Agricole, a dû faire le grand écart entre confrontation de spécialistes et information généraliste sur l’interface hydrogène et machinisme agricole, terres agricoles et production d’énergie verte.
Pas moins de sept temps forts et plus de trois heures d’échanges ont permis d’aborder différents sujets : les enjeux de la filière agrivoltaïsme, l’approche écologique du stockage d’énergie, la stratégie nationale hydrogène, production et usages, la démarche de TotalEnergies, les applications de l’hydrogène-carburant aux moteurs thermiques, la production par la biomasse ou encore la décarbonation du machinisme agricole et viticole.
Sans évidemment entrer dans les détails, les propos d’ouverture de la conférence, par Philippe Ravillon, Président régional de la SITMA et d’Equip’Agro, ont ciblé une agriculture productrice d’hydrogène à partir d’électricité renouvelable issue du solaire, de l’éolien ou de la biomasse : « C’est là que nos agriculteurs ont un formidable rôle à jouer en devenant fournisseurs d’énergie éolienne ou solaire pour produire cet hydrogène. » Et la conférence, par la suite, l’a bien montré, l’agriculture est un excellent terrain d’essais pour le machinisme agricole, ce qu’en termes d’usage les techniciens nomment la mobilité « off-road ».
L’INRAE à la pointe de l’agrivoltaïsme
En ouverture des débats, Stéphanie Mahieu, chargée de mission au tout nouveau pôle agri-photovoltaïsme de l’INRAE, l’Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement, dresse les contours de l’agrivoltaïsme : obtenir de la connaissance pour améliorer la production agricole en produisant de l’énergie électrique, dans un contexte scientifique favorable puisque un hectare de culture de blé ou de colza fournit dix fois moins d’électricité qu’un hectare de panneaux phovoltaïques, adaptés à l’élevage, aux grandes cultures ou à la viticulture, par exemple.
Avec cette mise en garde législative : le revenu agricole doit rester essentiel et le revenu énergétique complémentaire. La production agricole reste primordiale. Les besoins de l’agriculture s’imposent. L’économie en eau est prouvée et l’ombre obtenue est un élément de réduction du stress thermique et hydrique des sols. La luzerne, élément fort localement, se prête particulièrement bien à ce couplage de production culture et électricité.
La deuxième intervention de la conférence SITMA, « Pour une approche écologique du stockage d’énergie », portée par Valmir Adeline, présente les brevets de la société BatGreenEnergy en matière de stockage d’énergie et notamment de l’hydrogène. Le concurrent des batteries lithium dispose d’une spécificité évidente : la supercapacité d’un stockage qui ne présente aucun problème vis-à-vis des phases de charge et de décharge, des risque d’emballement thermique ou d’explosion. Sujet de haute technologie et d’envergure économique que le public averti a pu apprécier.
Vers un changement de paradigme
Changer la façon de penser le couple machine carburant, c’est la proposition de Bruno Lescher, Directeur régional de France Hydrogène et manager chez Dintec. C’est à la machine et notamment en matière de mobilité dans l’agriculture de s’adapter à la décarbonation nécessaire. Le représentant régional de France Hydrogène, 13 MW de capacités de production d’hydrogène renouvelable et de bas-carbones déployés, 58 stations de recharge en France, 5 800 emplois directs et plus de 1 500 véhicules hydrogène en circulation, pense développement local. L’hydrogène peut créer de la valeur et du développement local, là où il est produit et utiliser.
S’il n’élude ni les problèmes de stockage ni ceux de besoins en eau considérables, Bruno Lescher estime que le coût actuel de l’hydrogène représente un frein à son adoption dans différents secteurs d’activité. Pour lui : « Il faut optimiser la consommation énergétique des machines dans leur utilisation, la traction, les fonctions et les trajets ». En ce sens, l’entreprise Dintec travaille tout spécialement sur les sous-ensembles des machines, les briques, en les dimensionnant à hauteur de leur meilleure rentabilité. La robotisation est ici électrifiée et donc décarbonée.
Avec Philippe Haffner, Président de Haffner Energy à Vitry-le-François, on aborde la conception, la construction et la commercialisation d’Hynoca, une technologie de production d’hydrogène vert avec la fabrication complémentaire de biochar, un substrat solide composée essentiellement de carbone utilisé comme fertilisant pour les terres agricoles. En amont, la biomasse et cette précision de Philippe Haffner « Toutes les biomasses sont utilisables. » Le procédé Hynoca, avec une double finalité, dans l’industrie et les mobilité, est entré dans une phase industrielle dans la banlieue de Strasbourg.
Le grand saut technologique de TotalEnergies
Passer de la production d’hydrogène gris, à partir d’énergies fossiles, à celle d’hydrogène bleu, avec capture de CO2, via celle d’hydrogène vert, à partir actuellement d’énergies renouvelables comme celles fournies par l’éolien ou le solaire, TotalEnergies expose son carnet de route d’ici à 2050. À terme, la transformation aboutira à la réalisation d’un groupe multi-énergies neutre et distributeur de ces produits sur sa zone d’influence.
Dans les projets évoqués par Gilles Pouret, Directeur Régional Grand Est, la mise en service d’une centaine de stations-services à hydrogène décarboné dont l’une sur l’A4, entre Reims et Châlons-en-Champagne.
Dans un registre quelque peu provocateur : « Si l’électrification est une réalité, le moteur diesel n’est pas mort », Philippe Girard, Directeur du constructeur anglais de matériels pour le bâtiment, les travaux publics et l’agriculture, fait une double mise au point : « Entre 1997 et 2018, nous avons réduit nos émissions de CO2 de nos moteurs de plus de 90%, on pourrait même parler de diesel clean… Plus les usages sont importants, plus il est compliqué de passer à l’hydrogène ». Et comme, les routes longues n’ont pas l’air de le rebuter : le coût d’une tractopelle hydrogène est trois fois plus élevé que celui d’un engin diesel.
Enfin, Vincent Rachet, Directeur général d’Exxact Robotics, filiale du groupe sparnacien Exel, expose le choix pour l’hydrogène de l’entreprise et les premiers pas dans la viticulture, avec notamment un enjambeur électrique en démonstration. Vincent Rachet résume cette option en trois points : « On limite la compaction des sols avec un engin débarrassé du poids superflu de la batterie, on diminue les nuisances sonores aux abords des habitations, on supprime les temps fastidieux de recharge ». Reste à trouver une meilleure proximité des stations de recharge. Exxact Robotics est sur ce sujet en recherche de partenariats.