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L’agriculture de demain en marche

Agriculture. Terres Innovation, l’évènement agricole organisé par Cérésia en partenariat avec la Chambre d’Agriculture de l’Aisne, Cerfrance Champagne Nord Est, le Crédit Agricole du Nord Est, Cristal Union et Groupama Nord Est, s’est tenu à Chambry, dans l’Aisne, mobilisant plus de 200 exposants mettant en avant les innovations agronomiques et agricoles de demain.

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  • Photo des parcelles expérimentales
    Des parcelles expérimentales démontrent l’évolution des semences au fil des ans. (Crédit : ND)
  • Photo de la table ronde lors de l'évènement Terres Innovation
    Table ronde sur les nouvelle filières : les filières contributrices de valeur ajoutée. (Crédit : ND)

Passons sur la météo qui est venue jouer les troubles fête de l’évènement, obligeant exposants et visiteurs professionnels à se munir d’une paire de bottes durant les deux jours, pour nous intéresser au cœur du sujet : les innovations agricoles et agronomiques. Et c’est notamment lors d’une conférence dédiée aux nouvelles filières, contributrices de valeur ajoutée, que l’enjeu des nouvelles pratiques est apparu le plus prégnant.

Pierre Bono, Directeur Général de FRD Codem (Centre de ressources technologiques dédiés aux écomatériaux et matériaux biosourcés) explique qu’aujourd’hui, la recherche permet « d’extraire des fibres végétales pour fabriquer des tableaux de bords, des isolants et des produits cosmétiques notamment ». C’est le cas de FRD Codem qui dispose pour cela de deux plateaux techniques, « un à Troyes pour transformer les fibres végétales pour les rendre utilisables comme de la paille ou du chanvre et un autre à Amiens, afin de produire et de mettre au point des matériaux isolants ».

« Avec le végétal, tout est possible »

Le Centre de ressources technologiques travaille ainsi pour le secteur automobile avec l’entreprise Faurecia, spécialisée dans les solutions innovantes. « Après cinq ans de R&D, notre produit a été lancé à l’échelle industrielle, c’est-à-dire qu’aujourd’hui, dans les tableaux de bord et une vingtaine de pièces de véhicules, il y a du chanvre. On allège les pièces de 40% en réduisant de 70% les émissions de gaz à effet de serre », indique Pierre Bono. L’avenir du secteur passe-t-il désormais par l’utilisation de matériaux biosourcés ? « Avec le végétal, tout est possible, pour autant que les filières soient structurées », insiste-t-il.

« Nous travaillons une cinquantaine de matériaux en biomasse : le chanvre, mais aussi le lin, le colza ou encore le miscanthus. » Si les gisements ne manquent pas dans la région des Hauts-de-France et du Grand Est – qui travaillent de concert puisque FRD Codem a été créée en 2008 par 11 actionnaires producteurs de fibres et acteurs majeurs de la valorisation des agro-ressources dont ARD – encore faut-il que la chaîne de valeur soit mise en place. « Nous avons les ressources, les stratégies, les outils industriels, les centres techniques et les demandeurs. Il faut juste avoir conscience que nous sommes sur du temps long, car il faut en moyenne 5 à 7 ans pour développer une filière », précise le Directeur général.

Ces trois dernières années, en France, 200 millions d’euros d’investissement ont été réalisés dans cette direction, notamment dans des usines de transformation de matériaux et d’isolants biosourcés (11% du marché en France). « D’ici 5 à 10 ans, cela devrait atteindre les 20% de part de marché. » FRD Codem attend en effet une réforme qui devrait autoriser la construction de bâtiments, avec des matériaux biosourcés en chanvre, allant du rez-de-chaussée au 6e étage.

Au Crédit Agricole du Nord Est, première banque auprès des agriculteurs du territoire, François Istasse, Responsable Transition énergétique, explique que l’organisme a monté une unité de transition énergétique il y a cinq ans, afin d’accompagner la filière « de l’agriculteur producteur d’énergie » qu’il n’hésite pas à nommer « énergiculteur ». Néanmoins, se transformer en énergiculteur répond à quelques règles : « La partie agricole doit rester prioritaire », insiste François Istasse. « Cela doit se traduire par une baisse de rendement de la partie agricole de moins de 10% par rapport à une partie agricole équivalente. De même, la surface de panneaux doit être au maximum de 40% de la surface. »

L’enjeu pour l’agriculteur va alors être de se poser la question suivante : est-il plus rentable de mettre son terrain à disposition ou alors de le gérer tout seul avec un investissement en énergie renouvelable ? Cela va dépendre de ses besoins. Le Crédit Agricole a ainsi mis en place un bureau d’étude pour analyser les projets, conseiller et également adapter les techniques de financements. Depuis 5 ans, la banque a accompagné une centaine de projets allant de 300 000 à 1 million d’euros. « La rentabilité économique est au rendez-vous avec un retour sur investissement entre 8 et 10 ans, notamment en ce qui concerne la méthanisation par injection », précise-t-il.

Maxime Charlin, responsable de PCVF, plateforme de compostage de Cérésia de 33 000 m² à Achery (02), explique le projet : « Cette plateforme traite 42 000 tonnes d’effluents d’élevage dont une bonne moitié est approvisionnée sous forme d’échange qui consiste à venir charger en période de production d’élevage des effluents solides, type fumier, pour ensuite le ramener en compost travaillé, en période d’utilisation. » Le but est non seulement d’améliorer la gestion d’effluents au niveau de l’éleveur mais aussi de le soulager des contraintes administratives du stockage d’effluents. L’idée est donc d’augmenter leur efficacité en les transformant en digestat et en augmentant leur pouvoir fertilisant. « Cela ajoute aussi une source de revenus pour les adhérents de la coopérative », souligne Maxime Charlin.

Agriculture régénérative

Chez Tereos, c’est de l’agriculture regénérative dont il est question. Pour les 9 prochaines années, la coopérative a l’ambition de réduire de 65 % les émissions de gaz à effet de serre de ses sites industriels européens, requérant des investissements de 800 millions d’euros. La coopérative est l’une des premières à rejoindre la démarche « TRANSITIONS » qui vise à accompagner, d’ici 2026, 1 000 agriculteurs des territoires du Nord-Est de la France vers une agriculture bas carbone, favorable aux sols et à la biodiversité. « Tereos complète ses engagements en rejoignant l’association « Pour une Agriculture du Vivant ». L’ambition affichée est de déployer les pratiques de l’agriculture régénératrice sur 20% des surfaces de betteraves des coopérateurs d’ici 9 ans », annonce Constance Levesque, Responsable des Achats. « Dès cette année, Tereos financera 1 000 bilans carbone réalisés à l’échelle des exploitations », complète-t-elle.

Quant à la question de l’accompagnement, Yannick Rousseau, de Groupama Nord Est, regrette que les assureurs ne soient pas plus sollicités lors du montage de projets de transition énergétique par les agriculteurs alors que de nombreux services sont proposés.