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Industrie ardennaise, « une activité stabilisée mais sous tension »

Industrie. Nicolas Grosdidier, président de l’UIMM Champagne-Ardenne, et Sébastien Guenet, délégué général, ont fait un point de conjoncture sur l’industrie métallurgique et l’apprentissage. La fin d’année 2025 s’annonce « sans dégradation majeure mais aussi sans redémarrage visible ».

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Photo point presse UIMM
Concernant les débats parlementaires du moment, l’UIMM Champagne Ardenne a co-signé un manifeste aux côtés des instances de tous les autres territoires, titré « On ne peut pas saluer l’industrie d’une main et creuser sa tombe de l’autre ». (Crédits : PR)

Fort d’une enquête d’activité réalisée au troisième trimestre auprès d’un échantillon de près de 100 entreprises sur le territoire, Nicolas Grosdidier, président de l’UIMM Champagne-Ardenne livre un tour d’horizon précis et détaillé : « L’activité économique régionale est stable mais sous tension avec une baisse de l’ordre de 10 à 20 % des enregistrements des carnets de commandes par rapport à 2024. Cela a pour conséquence une baisse des effectifs, principalement en ajustant le nombre des intérimaires et un attentisme au niveau des projets eu égard à un manque total de visibilité tant sur le marché intérieur qu’à l’export », détaille-t-il. 2026 risque d’être de la même veine. Le président l’UIMM Champagne-Ardenne estime qu’il n’y aura pas de reprise d’activité, peu d’entreprises anticipant une hausse significative de leurs carnets de commandes.

Car si l’activité industrielle est stable, « on observe un repli qui se traduit par des trésoreries qui tendent à se dégrader légèrement à cause d’une poursuite d’augmentation des charges et des délais de paiement clients qui s’allongent ». Dans ce contexte morose, Nicolas Grosdidier se félicite néanmoins de la stabilité des effectifs et d’un climat social « correct » qui témoigne d’une prise de conscience des partenaires sociaux lesquels « jouent très largement le jeu lorsque les entreprises ont besoin de flexibilité ».

Réduire davantage les prélèvements

« Nos industries sont les fondations de notre prospérité nationale. Elles font vivre des millions de salariés, irriguent nos territoires, alimentent les caisses de l’Etat et permettent aux investissements de circuler dans toute l’économie. Sans elles, rien ne tient. Et pourtant, certains imaginent qu’il faudrait encore les taxer davantage. C’est presque un sabordage économique. Cessons de leur tirer une balle dans le pied. Pour soutenir la réindustrialisation, il est nécessaire de réduire davantage ces prélèvements et plutôt diminuer des dépenses publiques peu efficaces ».

Malgré une résilience certaine due au fait que les entreprises locales, par leur typologie et leur côté patrimonial, peuvent se serrer les coudes, s’adapter et passer au mieux cette période de sous-activité, les dirigeants ciblent tout de même plusieurs difficultés. En particulier, un coût de l’énergie (estimé très haut par rapport à des pays voisins), notamment pour les fonderies et les forges mais aussi les tensions RH fragilisant leur rentabilité, les contraintes commerciales et logistiques et l’état de leur trésorerie. Ainsi qu’un recours de plus en plus difficile au dispositif de chômage partiel. Pour Nicolas Grodidier, « la situation est plus difficile que le shut down de 2008, car aujourd’hui, la conjugaison des problèmes ne génèrera pas le même type de reprise. Le paradigme d’achat des matières premières a aussi changé ». Ce dernier redoute aussi une fuite des marchés vers les pays asiatiques de la part de clients en recherche de productivité et d’amélioration de leurs marges. « Et ces pièces une fois fabriquées ne reviendront plus ».

L’apprentissage à la croisée des chemins

Les représentants de l’UIMM Champagne-Ardenne regrettent la période de fortes turbulences traversée par l’apprentissage en France avec la mise à mal du financement de la formation. Ce contexte a déjà eu pour effet de pousser des entreprises à ralentir leur recrutement (baisse de 4% des contrats d’apprentissage en août) en raison de la réduction progressive de certaines aides publiques. Le budget 2026 envisagerait d’ailleurs une baisse des financements de près de 2 milliards d’euros… « Les conséquences de ce ralentissement sont préoccupantes surtout dans une période où l’industrie, confrontée au déclin démographique et au remplacement naturel de nombreux départs en retraite, va devoir recruter 6 000 apprentis par an en Champagne-Ardenne. L’enjeu est donc de rendre l’apprentissage soutenable financièrement tout en maintenant son attractivité et son rôle structurant pour le marché du travail », souligne Sébastien Guenet, délégué général et responsable de la formation. Outre les usineurs, chaudronniers, soudeurs et employés de maintenance, l’industrie est aussi en quête de main d’oeuvre dans des métiers émergents qu’elle doit progressivement appréhender : l’intelligence artificielle, le pilotage d’objets connectés où la recherche data sur différents process.

Parallèlement à ces tensions, la situation financière catastrophique de « France Compétences », organisme chargé de la régulation et du financement de l’apprentissage, se dégrade de manière inédite (11 milliards d’euros de pertes cumulées). « Cette détérioration met en péril sa capacité à verser des fonds aux centres de formation et aux entreprises dans des délais réguliers. Un impact très fâcheux pour le tissu industriel local qui va se traduire par un co-financement du coût de formation par l’entreprise. » Pour l’UIMM, « le déficit des comptes de France Compétence illustre le fait que la crise de l’apprentissage n’est pas uniquement liée aux décisions des entreprises. Il touche le système public qui encadre et soutient cette filière essentielle à la formation des jeunes ».

Néanmoins, Nicolas Grosdidier reste positif. « Heureusement, il y aura toujours besoins d’outils industriels pour faire des objets chaudronnés et moulés dans différents matériaux d’aujourd’hui ou de demain. Mais la compétitivité et la diversification sont les mot clés pour se développer et sécuriser les carnets de commandes ».