« Il est temps de remettre un peu de raison dans le débat sur le budget »
Conjoncture. Marylise Léon, Secrétaire générale de la CFDT était invitée au conseil syndical régional de la confédération Grand Est.
À la tête de la CFDT depuis le 21 juin 2023, date à laquelle elle a succédé à Laurent Berger, Marylise Léon était en début de semaine derrière l’invitée de la confédération Grand Est (76 000 adhérents dans neuf unions territoriales) à son conseil syndical régional. Nous l’avons rencontrée lors de l’assemblée générale.
Petites Affiches Matot Braine : Votre passage dans les Ardennes coïncide avec l’annonce de nouvelles vagues de suppressions d’emplois chez Michelin, Auchan et au sein des deux usines Walor de Bogny-sur-Meuse et Vouziers et d’Aginode à Vivier-au-Court. Quel regard portez-vous sur cette situation ?
Marylise Léon : À la CFDT, nous avons alerté depuis longtemps sur le modèle économique de ces entreprises et sur celui de la grande distribution. Notre rôle est donc de défendre les emplois menacés, les conditions de travail et de faire face, avec les salariés concernés, à toutes ces menaces en se penchant sur la façon de maintenir un maximum d’emplois en trouvant des alternatives pour limiter au maximum la casse sociale. C’est cette créativité que l’on attend de la CFDT pour agir efficacement aux côtés des salariés. C’est d’autant plus urgent que la situation de la filière automobile dans le Grand Est est alarmante tout en étant accentuée par les problèmes connus en Allemagne chez Volkswagen. Les questions sociales ne doivent pas être des variables d’ajustement. Mais malgré nos alertes, on constate aussi que les sous-traitants n’ont pas suffisamment anticipé les choses en matière de formation professionnelle.
Concernant le cas local de Walor, on demande en tout cas au gouvernement d’être ferme envers une entreprise (Mutares en l’occurrence) à laquelle elle a alloué des aides publiques et qui, au final, n’a réalisé aucun investissement et met la clé sous la porte en laissant 115 salariés sur le carreau, c’est inacceptable !
PAMB : Dans le contexte budgétaire actuel, comment la CFDT peut-elle peser sur le pouvoir d’achat ?
M.L. : La situation sociale est assez tendue et c’est le sujet d’inquiétude numéro un des Français. Il nous est difficile d’entendre de la part de ministres qui cherchent tous azimuts à faire des économies que des gens qui bossent sont responsables du poids de la dette. On est radicalement contre toutes ces idées qui sont de vieilles recettes. Consciente que la situation est inquiétante, la CFDT propose une répartition équitable des efforts en ouvrant des réflexions sur de nouvelles pistes. Cessons donc de stigmatiser les fonctionnaires et les chômeurs et taxons plutôt les revenus du capital que ceux du travail. Il est temps de remettre un peu de raison dans ce débat sur le budget pour réfléchir à un nouveau projet de société.
Un des leviers à actionner pour augmenter les salaires est de dégager des marges de manœuvre pour les entreprises et notamment, celles qui bénéficient d’exonérations de cotisations. Elles doivent faire l’objet d’un travail d’évaluation pour avoir un impact sur l’emploi. Mais pour aboutir à cela, il faut une réelle volonté politique, ce qui n’est pas le cas pour le moment...
PAMB : Comment vous sentez-vous à ce poste ?
M.L. : Bien ! Même si ce n’est pas de tout repos car je m’efforce d’aller beaucoup sur le terrain. Faire au moins un ou deux déplacements par semaine est une règle que je me suis donnée. C’est un mandat unique dans une vie et je suis très satisfaite d’avoir répondu à la proposition qui m’a été faite de succéder à Laurent Berger qui était à ce poste depuis onze ans. Je suis aussi très fière de cette organisation qui regroupe aujourd’hui 635 000 adhérents, lesquels défendent très bien les couleurs de la CFDT, qui s’efforce d’être un organe de dialogue et de propositions. Ce qui lui permet de progresser régulièrement comme ici, dans le Grand Est, même si militer aujourd’hui, n’est pas une chose aisée. Il faut être plus que jamais motivé et engagé pour faire face à l’adversité au milieu d’intérêts contradictoires.