IA : une révolution pour l’agriculture
Agriculture. Le Crédit Agricole du Nord Est et la FDSEA ont tenu leur traditionnelle conférence de rentrée sur la Foire de Châlons, avec LA thématique d’actualité : comment conjuguer agriculture et intelligence artificielle ?

L’agriculture fait aujourd’hui face à de multiples enjeux : produire mieux et davantage, s’adapter aux aléas climatiques et sanitaires, répondre aux réglementations et aux attentes des consommateurs tout en intégrant les transitions énergétiques. Et comme toujours, l’agriculture s’est adaptée aux évolutions technologiques, elle s’empare aujourd’hui de l’intelligence artificielle qui peut être un véritable atout pour relever tous ces défis. « On mesure aujourd’hui d’innombrables informations grâce aux téléphones portables, aux satellites et aux instruments agricoles. À partir de ces données, on peut extraire des informations pertinentes pour mieux comprendre et gérer les systèmes agricoles », fait savoir Jacques Sainte-Marie, Mathématicien, directeur de recherche à l’Inria (Institut national de recherche en sciences du numérique).
L’intelligence artificielle permet donc de traiter cette complexité grâce à des modèles statistiques et génératifs qui analysent les comportements et les corrélations dans les données. Le mathématicien prend ainsi en exemple l’actualité champenoise : « Ces modèles permettent par exemple de mieux planifier les vendanges, en tenant compte des déplacements des vendangeurs et de l’organisation des parcelles, ce qui aurait été beaucoup plus difficile à gérer avec des méthodes traditionnelles… », livre celui qui est lui-même issu d’une famille agricole et viticole.
2 % de l’électricité mondiale
Néanmoins, l’IA n’est pas infaillible et elle a une empreinte environnementale significative. « Les data centers sont très gourmands en énergie, notamment ceux situés aux États-Unis où 80 % du cloud mondial est concentré. Cette situation pose aussi la question de la souveraineté technologique et alimentaire : pour assurer une autonomie réelle, il est nécessaire de stocker et de traiter les données agricoles sur notre territoire », insiste pour sa part Hervé Pillaud, ancien éleveur engagé à la FNSEA et à la Ferme digitale et qui a consacré 40 ans de sa vie à modéliser l’agriculture.
L’enjeu est ainsi de distinguer le gain pour l’environnement et son coût écologique. Jacques Sainte-Marie annonce que l’empreinte totale du numérique est de 4,4 % de l’électricité mondiale (la mobilité représente 30 % et l’alimentation environ 20 %). « Pour l’IA spécifiquement, environ 2 % de l’électricité sert à l’alimentation des grands systèmes IA, et cette part devrait rester relativement stable dans les années à venir. »
Une des applications indispensables pour les agriculteurs concerne la météo mais aussi le climat, avec des modélisations sur les évolutions. « La météo couvre quelques jours, jusqu’à 15 jours environ ; le climat, ce sont des années. Et les systèmes qui ressortent des informations basées sur le climat des dix ou vingt dernières années, on ne les a pas encore totalement intégrés. »
Si certains agriculteurs peuvent être réticents à utiliser ces nouvelles technologies, pour Hervé Pillaud, « beaucoup d’exploitants utilisent déjà ces outils sans le savoir, notamment via la robotique appliquée à l’agriculture et les OAD (outils d’aide à la décision). On est à l’aube d’une vraie révolution avec l’arrivée de l’intelligence artificielle générative. Les nouveaux agents permettront, par exemple, de savoir si c’est le bon jour pour semer du blé ou du maïs. L’IA générative pourra aussi préserver les savoirs d’usage : les groupes WhatsApp d’agriculteurs, qui contiennent beaucoup de données perdues, deviendront exploitables. La génétique aussi implique énormément de données : le génome d’une plante, d’un animal, de l’humain, ce sont des données massives. Il faut relier ces données aux caractéristiques utiles à l’agriculture. On peut accélérer les sélections variétales, par exemple pour le blé, le maïs, le riz ou la pomme de terre », insiste celui qui a aussi travaillé sur la génétique bovine.
Hervé Pillaud appelle aussi les agriculteurs à s’emparer collectivement de l’IA et à se former. « Les agents IA remplaceront peu à peu les OAD, mais il est essentiel que les organisations agricoles utilisent l’IA collectivement, plutôt qu’individuellement. Enfin, la formation est cruciale. On doit former des formateurs compétents et créer de vrais référentiels de formation. »