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Géomètres-experts : au coeur des territoires et des transformations

Expertise. Du 2 au 8 juin, se déroule « la Semaine des géomètres-experts » destinée à faire connaître le métier. Cette année, elle est accrochée à un thème : « Préserver l’environnement, c’est aussi une question de précision ». L’occasion de mettre en perspective le rôle des géomètres-experts dans la transition écologique.

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François Breton, Nathalie Delaloi, Marie Renfer et Samuel Gutierrez, tous géomètres experts en Champagne-Ardenne, dans des cabinets de différentes tailles.(Crédits : ND)

Dans le cadre de cette Semaine, nous avons rencontré quatre géomètres-experts, venus nous parler de leur métier, où contrôle et précision sont les maîtres-mots. La mission première du géomètre-expert est de garantir les limites de propriété et de les représenter sur des plans. « Le métier conjugue les techniques de la mesure et le droit », indique Samuel Gutierrez, géomètre-expert à Aÿ et élu au Conseil de l’Ordre régional. Car tout comme les experts-comptables, la profession est régie par une loi, celle du 7 mai 1946, qui donne une délégation de service public à l’Ordre. « Il y a un peu plus de 1 800 géomètres-experts en France, environ 10 000 salariés dans la branche, et 1 100 cabinets. On est majoritairement des petites entreprises », précise Nathalie Delaloi, géomètre-expert dans les Ardennes et présidente Grand Est du Syndicat UNGE, auquel 100% de la profession dans la région est affiliée. Il faut néanmoins différencier le géomètre du géomètre-expert : le géomètre est un technicien qui, pour devenir expert, doit acquérir une formation complémentaire, surtout juridique, autour de la définition de la propriété. « On commence par des études techniques, comme un BTS, par exemple. Et pour accéder à l’expertise, il faut atteindre le niveau ingénieur, soit directement, soit par des procédures de validation des acquis de l’expérience. Ensuite, il y a un stage professionnel de deux ans avec production de rapports, notamment sur la pratique du foncier, évalués par le Conseil régional de l’Ordre. C’est à ce moment-là qu’on peut prétendre à l’inscription. »

Intervention en milieu urbain aussi bien qu’en milieu rural

Une expertise nécessaire en raison de la typologie variée de clientèle : des particuliers, des entreprises et des collectivités, chacun pour environ un tiers. « Les particuliers font souvent appel à nous pour le bornage, la pose de clôtures, la résolution de litiges avec les voisins, ou pour diviser une propriété en vue d’une donation, d’une vente ou d’un projet de construction », indique Marie Renfer, géomètre-expert à Reims, et ambassadrice communication Grand Est à l’UNGE. Pour les privés, la profession intervient aussi sur la mise en copropriété, que ce soit dans l’existant ou dans le neuf, souvent pour des promoteurs ou des marchands de biens. « En milieu urbain, nous intervenons aussi pour des questions d’appartenance des murs – savoir si un mur est mitoyen ou privatif, ce qui a souvent des implications en matière d’assurance. »

Ainsi, les géomètres-experts proposent une limite, sauf en cas de bornage judiciaire. Le bornage amiable – qui représente 99 % des cas – repose sur des éléments de preuve, dont le cadastre, mais celui-ci, contrairement aux idées reçues, n’a pas de valeur légale pour délimiter les propriétés. « Il constitue seulement une présomption. Le cadastre est avant tout un outil fiscal. Il a été conçu à l’époque napoléonienne pour désigner les propriétés et collecter l’impôt, pas pour trancher les conflits de voisinage », fait savoir Nathalie Delaloi.

Une configuration un peu différente en milieu rural, où, « dans la Marne, par exemple, on a beaucoup d’activité liée aux donations. Dans les zones viticoles ou agricoles, les propriétaires nous sollicitent régulièrement pour des découpages parcellaires en vue de transmissions familiales », précise Samuel Gutierrez. Pour les entreprises, les géomètres-experts interviennent sur des plans topographiques – pour décrire l’état du terrain, les dénivelés, les réseaux – en amont des projets immobiliers. « Puis, on procède au bornage, à l’implantation des bâtiments, et à la vérification de leur conformité aux règles d’urbanisme. On reste des experts de la mesure. Qu’il s’agisse d’établir un plan, de définir une limite ou d’implanter un ouvrage, tout part de la mesure. On adapte ensuite nos outils et nos méthodes selon la mission », explique François Breton, géomètre-expert à Châlons-en-Champagne et Président de la Chambre interdépartementale. Quant aux collectivités, elles les sollicitent « pour du bornage, des relevés topographiques, la gestion foncière, les aménagements urbains… Par exemple, pour faire le plan d’un parc ou d’une rue avant des travaux, ou encore pour localiser les réseaux. »

Les friches, nouveau terrain d’expertise

Elles peuvent aussi demander l’intervention des géomètres-experts « pour effectuer des plans de cimetières, les aider à visualiser les concessions et à identifier les emplacements restants. Cela permet de mieux gérer l’espace et les documents », déclare Nathalie Delaloi. « On reste toujours un peu la petite main, celle qui fournit les données, les informations. Cette année, il y a par exemple eu une action pour géoréférencer les points où des bourdons ont été prélevés dans le Loiret. On ne pense pas forcément tout de suite aux géomètres-experts pour fournir ce type d’information, et pourtant… C’est un exemple concret de notre contribution dans des projets très variés », insiste François Breton. L’intervention sur des friches est aussi plus fréquente suite à la loi ZAN et à la mise en place du Fonds Friches, notamment dans les Ardennes. « La plus emblématique en ce moment, c’est la friche Deville, qui va devenir le futur site Hermès à Charleville-Mézières. Nous sommes intervenus pour délimiter le périmètre, réaliser le plan de division et permettre la faisabilité du projet. »

Avancée technologique

Outre la palette des métiers, la profession connaît aussi une avancée technologique l’amenant à utiliser de nouveaux outils. On connaît tous le fameux « tachéomètre », un appareil servant à mesurer les angles horizontaux et verticaux entre deux cibles, ainsi que la distance entre ces cibles, mais désormais, la profession utilise aussi du matériel de dernière génération comme le scanner laser 3D ou les drones. « Il y a environ 25 ans déjà, nous sommes passés au GPS, pas celui des voitures, un GPS professionnel, avec une précision centimétrique. Cela nous a permis de gagner beaucoup de temps. » Aujourd’hui, les scanners 3D scannent tout ce qu’ils voient à 360°. « On obtient un nuage de points. On ne choisit plus les points à mesurer, c’est l’appareil qui capte tout, et ensuite on extrait ce dont on a besoin », explique Marie Renfer.

L’idée est cependant d’utiliser le bon outil pour le bon usage. Souhaitant faire la promotion de leur profession durant cette semaine, les professionnels clament en choeur : « Ce qui est certain, c’est que notre métier est encore trop peu connu, alors qu’il est passionnant : à la fois technique, juridique, et partagé entre intérieur et extérieur. On l’a vu avec tous ces exemples : notre activité est extrêmement variée. »