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François Villeroy : « Nous ramènerons l’inflation à 2% en 2025 »

Finances. Le Gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau donnait une conférence à Reims le 4 juillet dernier, dans le cadre des Rencontres de la politique monétaire, dont l’objectif est d’expliquer aux citoyens les actions de la Banque de France. Cette dernière avait comme thème, l’ambitieuse affirmation : « Comment la France et l’Europe vont vaincre l’inflation ».

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Photo de François Villeroy de Galhau
François Villeroy de Galhau : « À court terme, c’est la politique monétaire qui règle l’inflation. Mais à long terme, il faut se projeter dans une stratégie de musculation de l’économie française. » (Crédit : BANQUE DE FRANCE)

C’est devant une salle comble, dans les locaux feutrés de la Banque de France, à Reims, que son Gouverneur, François Villeroy de Galhau, est venu expliquer la politique monétaire de l’institution bancaire « organe indépendant, ne recevant d’instructions ni des pouvoirs politiques ni des intérêts privés » mais avec la mission de garantir la stabilité des prix, la confiance en la monnaie et surtout, de ramener l’inflation à 2%.

Un leitmotiv et une volonté répétés à de nombreuses reprises. « Beaucoup de Français ont tendance à penser que les Banques centrales ont plus tendance à s’occuper de ceux qui ont de l’argent que de ceux qui sont dans le besoin. C’est faux. Quand on lutte contre l’inflation, c’est pour ceux qui en ont le moins », a voulu rappeler en préambule François Villeroy de Galhau.

Être attentif à l’inflation sous-jacente

Faisant dans la métaphore médicale, pour expliquer ses objectifs le Gouverneur explique :
« Quand l’inflation est en dessous des 2%, l’économie souffre d’anémie. Il faut donc la stimuler, et pour y arriver, nous avons un remède qui est la baisse des taux. En revanche, lorsqu’elle est au-dessus des 2%, l’économie est en surchauffe, il faut donc remonter les taux d’intérêt. » C’est ce à quoi s’est employée la Banque centrale depuis un peu plus d’un an, face à une progression de l’inflation inédite depuis les années 80.

Pour rappel, celle-ci trouve son explication dans la reprise post-covid, avec la rupture des chaînes d’approvisionnement, presque immédiatement suivie par la Guerre en Ukraine qui a, pour sa part, entrainé une flambée des prix de l’énergie et des matières agricoles. « Après un pic en octobre 2022 à 10,6%, en mai 2023, l’inflation a atteint 6%. Elle devrait encore décroitre autour de 5,3% en juin, cette décrue tenant beaucoup à la baisse des prix de l’énergie », précise le Gouverneur.

Pour autant, la Banque de France reste très attentive à tous les signaux, et notamment à l’inflation sous-jacente, qui ne comprend ni l’énergie, ni l’alimentation – les indicateurs de prix étant très volatiles – mais les dépenses de services, de loisirs et de produits manufacturés. « Cette inflation sous-jacente reste encore trop élevée et nous n’apercevons pas encore de signes clairs et convergents d’un retournement de situation. C’est là-dessus que nous sommes le plus attentifs car c’est là-dessus que nous allons gagner la bataille de l’inflation des 2%. »

Pour autant, si le sentiment de forte augmentation des prix prédomine, François Villeroy de Galhau révèle que le pouvoir d’achat des Français a été « en moyenne » et globalement « préservé ».

« Mais la perception n’est pas celle-là. Car le coût des achats du quotidien augmente plus vite que les salaires. Et cette augmentation est encore plus réelle en milieu rural car les dépenses d’énergie y sont supérieures à celles en milieu urbain. » Pour autant, le retour à l’emploi et le versement d’aides publiques (bouclier tarifaire) vient expliquer cette différence entre le ressenti et les statistiques.

Ce décalage profond entre les chiffres et la réalité du quotidien pousse les Français à se poser la question de la responsabilité des pouvoirs politiques mais aussi économiques dans la gestion de cette inflation galopante. « Globalement, il n’y a pas eu d’augmentation du taux de marge. Dans la flambée de l’inflation, personne n’est gagnant », tranche d’emblée le Gouverneur, insistant vouloir se garder « de chercher des boucs-émissaires ».

Une production de crédit immobilier à 12 Mds€ par mois

Pour expliquer le contexte, il insiste sur le fait que le pays est « passé de taux exceptionnellement bas, voire légèrement négatifs (-0,5%) à +3,5%. Une augmentation de 4% en 11 mois, donc très intense, on n’avait jamais vu cela », reconnait-il, glissant au passage que la FED a fait « encore mieux », puisqu’elle a appliqué une hausse de 5,5%. Mais pour marteler son message, celui qui remplit son second mandat au sein de l’institution, le répète : « Toujours et partout, cette arme de la politique monétaire est efficace. »

Efficace en théorie certes, mais en pratique, elle vient bousculer les plans d’investissement des Français, notamment ceux concernant l’accession à la propriété. Ainsi, l’augmentation des taux directeurs va de pair avec celle des taux immobiliers, proches aujourd’hui des 4%, un taux avoisinant ceux d’avant 2015.

Pour filer la métaphore médicale, le Gouverneur fait savoir que « ce remède est administré pour un bien collectif. Il y a eu une période, entre 2021 et 2022 où les crédits immobiliers étaient à un niveau extrêmement bas, entre 1 et 1,5% en moyenne. Du jamais vu ! Car à l’époque, nous craignions une déflation. Aujourd’hui, nous revenons à une situation proche de celle d’avant 2015 ». Sur un éventuel retour à des taux flirtant avec les 1%, l’hypothèse semble « improbable sur les prochaines années ».

L’objectif désormais, est un ajustement des prix de vente, qui s’ils n’ont pas encore sensiblement baissé, ne devraient plus tarder avec un effet de « vase communicant »… Peu inquiet sur la santé des ménages, il indique aussi que la France est le pays où le crédit immobilier est le moins cher, où cela a le moins augmenté, grâce à la mécanique « qui a été très critiquée mais qui est très saine, celle du taux d’usure ». « Nous avons aujourd’hui une production de crédit immobilier à près de 12 milliards d’euros par mois. L’ Allemagne, est à 9 Mds€ quand l’Italie et l’Espagne sont à 4 Mds€. »

Concernant la prévision de la croissance, elle est estimée à 1% en 2024 et 1,5% en 2025, « ce qui reste un peu mou ». L’effet des chocs est tel que l’incertitude reste importante. « À court terme, c’est la politique monétaire qui règle l’inflation. Mais à long terme, il faut se projeter dans une stratégie de musculation de l’économie française. On doit pour cela effectuer quatre grandes transformations : la transformation énergétique et climatique, la transformation numérique, la transformation du travail et la transformation publique. »

Sur ce dernier point, François Villeroy de Galhau, ancien énarque, n’a pas manqué de donner son avis tranché : « Nous devons réduire les dépenses. Sur les mesures de soutien, elles ont été très utiles mais il est temps d’en sortir. Nous avons trop de dette en France et nous allons avoir le taux le plus élevé d’Europe. En 1980, la dette s’élevait à 20% du PIB, aujourd’hui, elle est de 112% du PIB, ça ne peut pas continuer ainsi ! En 2020, elle est de 29 Mds d’euros, en 2027, elle sera de plus de 80 Mds. Il faut des dépenses mieux maitrisées, des dépenses qui ont un impact favorable sur la croissance économique de long terme et les capacités de production. Il faut des dépenses publiques d’avenir sur des sujets comme l’éducation et l’innovation. »

Verdir l’économie

L’avenir justement, il était porté par un public de jeunes étudiants lors de ces Rencontres, qui avaient une préoccupation nette concernant le climat. « Nous ferons tout pour soutenir la transition climatique. Si je crois en la croissance et non en la décroissance, je crois en une croissance différente d’hier », confiait de manière plus personnelle le Gouverneur.

« Elle doit être plus juste, plus verte. D’ailleurs la Banque de France a été classée par des ONG première banque centrale du G20 en termes d’engagement climatique. Nous avons créé un réseau de superviseurs pour verdir la finance et nous avons imposé aux systèmes financiers européens de suivre leurs risques climatiques, de les tester et de les réduire. Nous intégrons aussi dans nos scénarios, l’effet économique du climat. Et si le soutien à la transition énergétique risque d’entrainer un peu plus d’inflation, en revanche, plus on attendra pour mener cette transition, plus le coût sera élevé. Il faut y aller maintenant. »