Forbo Sarlino, une success story à la rémoise
Industrie. L’entreprise rémoise Forbo Sarlino, spécialisée dans le revêtement de sol, fête ses 100 ans. Une histoire marquée par de nombreuses évolutions effectuées en toute discrétion…
L’entreprise Forbo Sarlino, située à la limite de la plus vieille zone industrielle de Reims, celle du Port Sec, s’apprête à fêter ses 100 ans d’existence. Et il suffit de pénétrer dans le site à l’abri des regards pour y découvrir le témoignage d’un passé industriel typique des années 20, avec de grands bâtiments faits de verrières et de briques rouges. Aussi, une grande tour en béton de 18 mètres de haut s’élève, là où les revêtements en lino venaient sécher jusque dans les années 70. Car au départ, celle qui est aujourd’hui devenu une entité du groupe suisse Forbo Holding, coté en bourse à Francfort, est née à Reims, en 1924 sous le nom de Société Anonyme Rémoise de Linoléum (SARLINO) sous l’impulsion d’Henri Faillant. Contrairement à ce que l’on imagine, le linoléum n’est pas constitué de plastique mais de matériaux biosourcés, comme de la farine de bois, du liège, des résines, de l’huile de lin et des pigments naturels.
En 1931, Sarlino fusionne avec l’UCL (Union Continental du linoléum), fondé à Zurich, une union qui consolide la place de l’entreprise sur le marché. Mais c’est en 1970 que l’ère Forbo débute avec l’arrêt de la production à Reims du linoléum −délocalisée aux Pays-Bas et en Ecosse dans une logique de rationalisation industrielle − pour se concentrer sur la production de sols en PVC et revêtements textiles. « Aujourd’hui, chez Forbo Sarlino, à Reims, on y produit du vinyle acoustique (90%) et du textile aiguilleté (10%) c’est-à-dire des fibres polyamides avec des process tout à fait dédiés », détaille Hervé Vermande, Directeur des Opérations depuis 6 ans et demi (voir photo ci-dessous). C’est en 1977 que le PVC est arrivé sur le site rémois avec l’implantation d’une nouvelle ligne de production. « Cette usine est importante car elle manufacture, elle innove et elle commercialise des produits certifiés par le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment). Et principalement pour le plus gros marché au monde du revêtement au sol qui est le marché français. » En effet, en France, le marché du revêtement de sol représente 50 millions de m² chaque année sur un marché mondial de 330 millions de m².
Nouvelle stratégie de croissance
En 2007, Forbo Sarlino devient Forbo Flooring Systems, basée sur une nouvelle stratégie de croissance, avec comme objectif de « consolider la position du groupe en tant que leader mondial du revêtement souple ». Dans son ensemble, le Groupe Forbo emploie 5 200 personnes au sein de 25 unités de production pour un chiffre d’affaires en 2023 de 1,175 milliards de francs suisses. En effet, si le marché français du revêtement souple est le plus gros au monde, il y a « beaucoup de compétiteurs » dans une filière fortement basée sur le B to B. « Le CSTB exige d’installer et d’employer des produits certifiés dans cette logique B to B, présente sur tous les segments que cela soit les bailleurs sociaux, l’éducation, la santé, le commerce, le retail, le leisure… » Les grands donneurs d’ordre ont ainsi aujourd’hui une forte exigence tant au niveau de la qualité du produit, de sa robustesse, de sa durée de vie, de son esthétique aussi, que de sa recyclabilité. Exigence dont s’est emparé le groupe Forbo dans la proposition de ses nouveaux produits.
« Il faut répondre aux appels d’offres, sur le marché français avec des produits certifiés. La dimension environnementale, l’éco-conception du produit, la recyclabilité, les enjeux de RSE et de mutation industrielle sont au cœur de notre stratégie », insiste Hervé Vermande. « Nous sommes sur un site certifié sur cette thématique environnement qualité sécurité, SA 8000, dans une logique de RSE. Nous sommes à côté de la cathédrale, d’un collège, d’habitations et nous devons être exemplaires en matière de certifications. »
La R&D occupe ainsi une part très importante dans le développement de Forbo. « La recherche et développement fait partie de notre ADN, c’est un enjeu très important et depuis plusieurs années maintenant, nous avons développé la technologie Modul’up. C’est la capacité à proposer des revêtements de sol certifié par le CSTB pour être posés sans colle. Cela veut dire facile à installer, facile à enlever, facile à recycler. »
Dans un contexte très concurrentiel, Forbo vient d’ailleurs d’investir dans un nouveau centre de recherche à Reims. « L’industriel, pour se différencier, doit innover. Dans le design, dans la composition des matériaux, dans les caractéristiques technologiques, dans les collections… Mais aussi dans sa capacité à intégrer de plus en plus de matières recyclées et naturelles. » Matières biosourcées et recyclables font désormais partie de la composition des revêtements souples, dans une proportion néanmoins tenue secrète…
Accélération de la transition écologique
Dans une logique d’économie circulaire, Forbo Sarlino, travaille également avec des entreprises locales et régionales spécialisées dans les développements de nouvelles technologies à partir de matières biosourcées, dans une logique de produits haut de gamme et premiums. Car de toutes façons, le contexte économique depuis le covid, avec la crise des matières premières puis l’augmentation des coûts de l’énergie et enfin, la crise que traverse le secteur de l’immobilier et de la construction, a poussé l’entreprise à travailler avec davantage de fournisseurs locaux.
« Il y a un réel impact concernant la succession de ces trois crises. Maintenant, on l’a limité en innovant sur les produits, en nous positionnant sur un certain marché, en accélérant la transition technologique et environnementale de notre site, avec la récupération de chaleur fatale, des eaux de pluie. On réfléchit aussi sur le solaire. Nous avons retravaillé également nos opérations commerciales. Enfin, notre usine délivre non seulement le marché français mais aussi international. »
Forbo a ainsi innové dans de nouveaux produits modulaires, certifiés, qui seront présentés prochainement. L’impression à partir de photographies ou de dessins s’affiche ainsi sur les sols des couloirs de l’entreprise. La rue du Tambour ou la rosace de la cathédrale agrémentent le cheminement des salariés et des clients.
Virage du digital
Pour cela, la société a pris le virage du digital, de manière accélérée. « Nous avons massifier nos investissements pour accompagner la mutation industrielle, technologique et environnementale et nous avons effectué un management participatif mais aussi exigeant. » Ces investissements, intervenant pour certains dans le cadre de France 2030, d’autres au titre du Fonds FEDER (financement européen) ou faisant partie du programme Climaxion de la Région Grand Est ont permis « de nouvelles façons de processer de façon compétitive et productive de nouveaux produits, grâce à des équipements industriels de haute facture pour être compétitif et automatisé », livre Hervé Vermande. « Nous sommes donc capables dorénavant, d’imprimer des sols vinyles acoustiques avec des machines digitales alors que traditionnellement, ce process s’effectue à partir de cylindres d’héliogravure, que nous utilisons par ailleurs toujours. Mais aujourd’hui, nous ouvrons le champ des possibles en innovant dans des designs inédits, en proposant de la personnalisation, grâce à ces machines d’impression numérique. »
Ces investissements ont donné un produit innovant, baptisé l’Allura decibel qui se caractérise par « un confort sonore hors-norme » avec un travail sur le design, le grainage, le chanfrein sur les quatre côtés et la possibilité de le sortir en différents formats (dalles, lames). Avec un véritable succès commercial.