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Filière connexe au champagne : se réinventer pour contourner les crises

Expertise. La 12e édition des Rencontres de la Filière connexe au Champagne s’est déroulée à la coopérative de Passy-Grigny.

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Photo de Franck Leroy
Franck Leroy : « Nous sommes la première région agricole et la première région viticole de France. C’est un élément de fierté mais aussi une responsabilité, celle de conserver cette position et de ses remettre en question en permanence ». (Crédits : BB)

Organisées par les équipes de Marne Développement, les Rencontres de la Filière connexe au Champagne réunissent à chaque édition des acteurs de cette filière : industriels, coopérateurs, vignerons, entrepreneurs, élus… pour échanger sur l’actualité sur les réussites et sur les éléments de conjoncture du moment.

Invité d’honneur de cette 12e édition, le président de la Région Grand Est, Franck Leroy, a rappelé l’importance capitale de l’agriculture et plus particulièrement de la viticulture dans l’économie régionale. « 40% des productions agricoles du Grand Est sont issues de la viticulture. Et l’export des produits viticoles du Grand Est représente 33% de la totalité de nos produits exportés », a souligné celui qui a été élu, depuis quelques semaines, président de l’Assemblée des Régions Européennes Viticoles (AREV).

Côté export d’ailleurs, les vins du Grand Est représentent à eux seuls 40% des exportations de vins de l’ensemble du pays, et parmi ceux-ci figure en pole position le champagne.

Un champagne qui depuis deux ans, voit justement ses ventes baisser de manière très sensible (271 millions de bouteilles expédiées en 2024, contre 299 millions l’année précédente). Une situation économique qui se tend pour un marché qui doit faire face notamment à de nombreuses annonces alarmistes de droits de douane du président américain depuis le mois de mars dernier.

En 2024 les dix premiers marchés à l’export du champagne étaient dominés par les Etats-Unis (27,4 millions de bouteilles pour 880 millions de chiffre d’affaires) devant le Royaume-Uni (22 millions de cols) et le Japon (12,5 millions de bouteilles). Trois marchés qui représentent à eux seuls 40,4% des volumes exportés et 44,3% de la valeur exportée, mais dont l’économie n’est pas la plus florissante actuellement, ce qui peut engendrer une certaine inquiétude chez les acteurs du champagne. Ces derniers sont d’ailleurs tentés, pour écouler des stocks qui s’accumulent, de dégrader leur mix produit, avec, après une forte augmentation des prix enregistrée ces dernières années, un retour en force des ventes de cuvées BSA (brut sans année) en entrée de gamme. Une bataille des prix qui s’est déjà faite ressentir en avril avec des baisses à hauteur de -0,2% en Europe et de -2,4% dans les pays tiers. Pas de quoi s’inquiéter néanmoins, assure David Menival, responsable de la filière champagne pour le Crédit Agricole du Nord-Est qui couvre l’ensemble de l’appellation exceptée l’Aube. « Il n’y a pas de problème économique en Champagne pour le moment, il y a une situation plus compliquée en matière commerciale mais avec un contexte financier qui reste positif », estime-t-il, tableaux de taux de sensibilité et de défaut à l’appui.

L’embellie de l’oenotourisme

« Il n’y a pas de raison de se faire peur », poursuit David Menival, rappelant au passage que les moments de crise sont aussi des occasions de développer de nouveaux marchés. Et que sur le marché domestique, l’oenotourisme pouvait aussi être une opportunité de développement, avec des retombées évaluées à 46 millions d’euros en 2024, auxquelles il faut ajouter 34 millions de chiffre d’affaires lié aux ventes directes de champagne à la propriété.

Une opportunité qu’a su saisir la coopérative de Passy Grigny depuis quelques années déjà. Après avoir décidé de mettre en place sa propre marque (Dom Caudron), la coopérative a créé un complexe oenotouristique, les Confidences de Dom Caudron, avec un écomusée et un parcours de visite, inauguré en 2010, avec une équipe commerciale dédiée à l’accueil des clients français et étrangers sur le site. « Un premier pic de visiteurs a été atteint en 2013 et, en 2015, nous avons créé une nouvelle gamme de prestations oenotouristiques avec dégustations thématiques, accords-mets et champagne, jeux oenologiques, visites du vignoble ou techniques. Ces prestations sont commercialisées auprès des agences de voyages et des tour operator. Aujourd’hui, l’équipe oenotouristique est composée de trois personnes en CDI et deux renforts pour la saison et accueille environ 9 000 personnes par an », souligne Audrey Hyest, directrice de la coopérative. Une stratégie qui a permis d’accompagner le développement commercial de la marque, présente sur le marché français et à l’export.

En effet, le Champagne Dom Caudron enregistre 90 000 ventes de bouteilles pour un chiffre d’affaires de 1,5 million d’euros dont 40% à l’export, et environ 20% rien qu’à la boutique.

« Nous sommes la première région agricole et la première région viticole de France. C’est un élément de fierté mais aussi une responsabilité : celle de conserver cette position et de se remettre en question en permanence », explique Franck Leroy, dont l’avis est partagé par Emmanuel Auber, le sous-préfet d’Epernay : « Etre leader, cela impose aussi de se réinventer chaque jour face aux défis du siècle », a-t-il souligné, tout en rappelant les enjeux de souveraineté économique que représentent l’économie du champagne ainsi que celle de sa filière connexe.