Face à l’électrique, l’automobile française à la croisée des chemins
Automobile. Après un début d’année 2025 difficile, le marché automobile français reprend des couleurs au mois d’août. Un contexte fragile alors que Stellantis vient de mettre temporairement ses usines de Mulhouse et Sochaux à l’arrêt. Si au niveau national, le syndicat Mobilians veut croire en une embellie et reste optimiste, localement, dans les concessions, le ton est plus morose…

Le contexte du marché automobile est à la peine depuis plusieurs mois avec une réelle inquiétude tant au niveau des constructeurs que des distributeurs. Néanmoins, le secteur semble reprendre des couleurs au mois d’août, en France, avec sa première hausse depuis février, après un début d’année 2025 plutôt compliqué. Avec 87 850 immatriculations, en progression de +2,2% par rapport à août 2024, la filière respire légèrement.
Cette embellie reste toutefois à relativiser : le mois de référence avait été l’un des plus faibles de l’histoire récente (baisse de 24,3% par rapport à août 2023), en pleine sortie du dispositif de leasing social. En effet, face au coût jugé encore trop élevé des véhicules électriques, le gouvernement a mis en place une alternative destinée à en faciliter l’accès avec un dispositif permettant aux ménages les plus modestes de louer une voiture électrique dès 100 € par mois, en location longue durée ou avec option d’achat. Après le succès rencontré en 2024, l’exécutif a rouvert cette formule depuis le 30 septembre qui est limitée à 50 000 véhicules. « Le contrat de location doit durer au moins 3 ans. Ce mécanisme de location réservé aux ménages les plus modestes avait été mis en place, pour une première vague de commandes de voitures, entre le 1er janvier et le 15 février 2024. Il est reconduit pour une nouvelle édition depuis quelques jours », indique Franck Guyot, Président Mobilians du département de la Marne.

Car comparé à 2019, avant la crise sanitaire, selon les données de Mobilians, le marché accuse toujours un retard sévère de -32%. « Avant 2019, nous étions sur un marché d’environ 2 millions d’immatriculation de véhicules par an », indique Francis Bartholomé, président national de Mobilians, syndicat des professionnels de l’automobile.
Et si le marché a rebondi immédiatement après covid, il n’a jamais vraiment retrouvé son rythme. Sur les huit premiers mois de 2025, le volume cumulé atteint 1,046 million d’unités, soit une baisse de 7,1% par rapport à 2024. « Un atterrissage à 1,6 million d’immatriculations à décembre 2025, porté notamment, par le marché du leasing social électrique, est attendu », annonce-t-il.
Car le gouvernement ne compte pas lâcher sa campagne pour soutenir le marché et encourager les Français à évoluer vers ce type de motorisation. Là où, il y a quelques années, on pouvait soulever des freins d’équipements et d’infrastructures, aujourd’hui, les collectivités et les entreprises se sont adaptées avec une installation massive de bornes électriques. « Aujourd’hui, on compte de nombreuses recharges sur les aires d’autoroutes, les parkings des supermarchés et sur les aires de co-voiturage. Le vrai sujet dorénavant concernant les infrastructures, c’est l’installation des bornes au niveau des immeubles et copropriétés », indique Francis Bartholomé. À Reims, par exemple, on compte plus de 220 bornes électriques. Au niveau national, on est à environ 100 000 avec un objectif de 400 000 d’ici 2030.
Les foyers monoprocesseurs, eux, ne franchissent pas encore le pas
Malgré ce rebond estival, les Français ont du mal à franchir le pas de l’électrique, d’autant que, concernant le leasing social, les conditions pour y prétendre sont très restreintes (un revenu fiscal de référence par part devant être inférieur ou égal à 16 300 € et la partie du trajet entre le domicile et le lieu de travail strictement supérieure à 15 kilomètres). Ainsi, sur le terrain, les concessionnaires n’observent qu’un timide attrait vers l’électrique. Franck Guyot qui est aussi à la tête de la concession Peugeot de Châlons-en-Champagne le dit : « L’Europe met la pression sur l’électrification, mais les utilisateurs ne sont pas prêts. Le prix reste un frein. On a mis, pour des questions sécuritaires, tout un ensemble d’assistants à la conduite, tout cela sous la pression de normes européennes. Et cela a un coût. En 5 ans, les prix ont augmenté de 30%. On remarque cependant que les foyers qui possèdent plus d’un véhicule sont prêts à passer à l’électrique pour le quotidien, et à garder la motorisation essence pour les plus longs trajets. Mais les foyers monoprocesseurs, eux, ne franchissent pas encore le pas », livre celui qui est présent sur la Foire de Châlons depuis plus de dix ans. Sur l’événement, il confie ainsi avoir vendu « à peine 10% d’électrique sur un volume satisfaisant de ventes ».
En revanche, l’hybride trouve plus son public, même si les hybrides non rechargeables, longtemps moteurs de croissance, cèdent du terrain (22,6% PDM). Elles restent les plus populaires auprès des acheteurs, avec 34,7% des immatriculations sur la période allant de janvier à août. Les hybrides rechargeables ont, elles, représenté 8,8% du marché.
La flotte des entreprises hisse le marché de l’électrique
Le mois d’août redonne tout de même des couleurs à l’électrique, avec une croissance de +29,3% durant l’été et une part de marché de 19,3%, notamment grâce à l’électrification des flottes des entreprises. « Sur ce canal, l’électrique occupe 23,6% des ventes, devant les hybrides classiques (HEV) », note Francis Bartholomé. « Les entreprises franchissent le pas car, pour elles, la pression fiscale est forte avec l’augmentation de la taxe sur les véhicules de société et une augmentation du tarif maximum du malus CO2 pour 2026 », souligne Franck Guyot qui attend « que l’on arrête de créer des malus à n’en plus finir et qui viennent là aussi, bloquer les ventes ».
Une percée au niveau mondial
En revanche, au niveau mondial, le segment électrique poursuit sa percée : 10,3 millions de véhicules 100% électriques ont été écoulés en 2024, soit 13,6 % des immatriculations mondiales. Mais la répartition reste très inégale : 45 % en Chine, 25 % en Europe (avec des pays leaders comme la Norvège ou la Suède) et seulement 10 % aux États-Unis qui ont infléchi leur politique sur le sujet. En Europe donc, des prix encore trop élevés, des questions qui persistent sur un aménagement des bornes encore trop peu étendu ainsi que, toujours des questions concernant l’autonomie, font que le marché électrique reste encore trop bas pour les ambitions de réduire de 50% les émissions des véhicules neufs de CO2 à 2030. Au niveau des professionnels aussi, des questions persistent car l’entretien d’un véhicule électrique ne se limite pas à un simple changement d’énergie : il redéfinit en profondeur la relation client, les compétences et les équipements nécessaires. « Cela suppose de nouvelles compétences (mise en sécurité des véhicules, diagnostic haute tension) et un outillage spécifique (équipements de protection, ponts et tables élévatrices, bornes de recharge) », insiste Franck Guyot. Le syndicat Mobilians s’est donc vu confier par le gouvernement la mission d’entrer dans une campagne de communication massive sur le sujet. Pour autant, Franck Bartholomé concède qu’il va falloir, dans le même temps, « réfléchir à des aides financières à l’achat ».
Début septembre, l’Association des constructeurs européens d’automobiles (Acea) a quant à elle adressé un courrier à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, l’enjoignant à assouplir les objectifs de l’Union européenne en matière d’émissions de CO2 pour le secteur. « Dans le monde d’aujourd’hui, il n’est tout simplement plus possible d’atteindre les objectifs rigides de réduction des émissions de CO2 pour les voitures et les camionnettes à l’horizon 2030 et 2035 », estime l’Acea dans son courrier.