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Encore de nombreux efforts pour parvenir à la réindustrialisation

Conférence. « Vers la renaissance industrielle », tel était le thème de la conférence organisée par Marne Développement et animée par Olivier Lluansi, ancien responsable industriel chez Saint-Gobain et délégué aux Territoires d’industrie auprès du gouvernement en 2019.

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Photo d'Olivier Lluansi
Olivier Lluansi est aujourd’hui enseignant à l’École des Mines. (Crédit : ND)

L’évolution de la part de l’industrie dans le PIB français, n’a cessé de baisser depuis les années 70. Et si les Politiques se sont saisis du sujet il y a une dizaine d’années – et encore plus depuis le covid – le constat de dépendance aux autres pays continue d’être réel. Quant à la réindustrialisation, « elle ne produit toujours pas les résultats économiques escomptés », assène Olivier Lluansi, conférencier au passé de responsable industriel à l’échelle de l’Europe centrale et orientale chez Saint-Gobain. « Dans les années 2000, la France a fait un choix drastiquement différent de celui de l’Allemagne. Là où les Allemands ont massivement investi dans leur industrie pour entrer dans le jeu de la mondialisation, la France a délocalisé son outil industriel pour produire moins cher, ailleurs. Deux stratégies très différentes. »

Or, 10 ans plus tard, le pays se rend compte qu’il est allé trop loin dans sa stratégie et inverse la vapeur, avec les États généraux de l’industrie en 2009 puis, le rapport Gallois en 2012 et la création d’un ministère du Redressement productif avec Arnaud Montebourg. Désormais, l’industrie est reconnue comme étant incontournable dans la puissance d’un État, ce secteur permettant notamment « de répartir la valeur ajoutée sur tout le territoire ».

« Hélas, en termes macroéconomiques, nous n’avons pas réindustrialisé. Nous sortons, sur la période 2009-2023, avec une baisse de la valeur ajoutée de 4% au niveau industriel, alors qu’à l’échelle européenne sur cette même période, elle a augmenté de 4%. »

Si le constat est difficile, Olivier Lluansi en dresse quelques causes : « Tout d’abord, il faut continuer de se poser la question de la dépendance. 80% des molécules actives de nos médicaments proviennent de Chine et d’Inde. » Le pays doit donc redevenir une puissance pharmaceutique et investir massivement dans la recherche et les laboratoires. Pour le conférencier, et contrairement aux idées reçues, réindustrialiser c’est aussi « diminuer notre empreinte environnementale ».

Il s’en explique : « L’industrie s’opposait en effet lors des « 30 Glorieuses » à l’environnement. Néanmoins, aujourd’hui, on ne peut pas réduire notre empreinte environnementale sans génie industriel. Une éolienne, une pompe à chaleur, une voiture électrique sont des produits manufacturés. » Une affirmation qui ne mentionne pas les contradictions de toute la chaine d’approvisionnement pour produire de tels équipements (lithium, nickel, béton...) ainsi que la difficulté de les recycler.

Une ambition politique difficile à atteindre

Que faudrait-il faire pour réindustrialiser la France à horizon 2035 ? Pour répondre à cette question, le conférencier s’appuie sur la trajectoire de l’ambition politique portée par la Loi Industrie Verte de remonter le poids de l’industrie à 15 % du PIB.

« Ce n’est pas réaliste », estime-t-il. « D’ici 2035, quand on fait des simulations, il faudrait basculer un million d’emploi du secteur des services à celui de l’industrie… ou alors faire appel à une vague migratoire équivalente à celle connue dans les années 70. »

Une solution, « peu évidente politiquement », affirme Olivier Lluansi. La question du foncier disponible doit aussi être mise sur la table. « L’ambition de 15% du PIB est peu compatible avec les règles telles qu’elles sont édictées dans la loi ZAN. Mais sur le principe on peut le faire en assouplissant ces règles. » Troisième sujet, « nous n’avons pas assez d’énergie décarbonée ». On l’a compris, les ambitions de la Loi Industrie Verte telles qu’elles ont été édictées ne sont pas tenables pour le conférencier. En revanche, ce qui semble plus réaliste, c’est une trajectoire, « plus modeste, qui ferait atteindre à 12 ou 13% du PIB, avec une balance commerciale en biens manufacturés équilibrée ». Une trajectoire, « soutenue par le Directeur général de Bpifrance, Nicolas Dufourcq ».

Car aujourd’hui, la France connaît un déficit de biens manufacturés de 60 Mds€. « Il faut rééquilibrer le message des politiques publiques en faveur des PME et ETI car il n’y a pas de raison que l’on ne devienne pas compétitifs en Europe. On est à 10% du PIB industriel, l’Espagne et le Portugal sont à 12-13%, l’Italie à 17%, l’Allemagne à 20%. On doit pouvoir retrouver une place en termes de production industrielle », veut croire Olivier Lluansi. Les clés ? La formation (« 120 000 personnes sont formées chaque année dans le secteur de l’industrie, mais il y a un taux d’évaporation de 50 %. »), le foncier, (« on va avoir besoin de 25 à 29 000 ha de terrain. Un tiers de terrains industriels existants à densifier, un tiers de friches et un tiers de ZAN avec de la compensation. ») la baisse des formalités, les financements (« on a besoin de 200 Md€ supplémentaires ») ainsi qu’une fiscalité incitative et la baisse des impôts de production.