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Dans les coulisses du TER Reims / Épernay

Transport. Matot Braine vous emmène à la découverte de la « Ligne des Bulles », reliant Épernay à Reims, avec la visite du technicentre d’Épernay, spécialisé dans la maintenance, la rénovation et la réparation de la flotte des TER Champagne-Ardenne.

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  • Photo du technicentre
    Tous les jours quatre à cinq palettes de matériels sont livrées au technicentre pour remplacer les pièces des 37 rames pour lesquelles s’affairent quelque 70 techniciens. (Crédit : ND)
  • Autre photo du technicentre
    (Crédit : ND)
  • Photo de Maxime Ruault
    (Crédit : ND)
  • Photo de la visite du Technicentre et des TER
    (Crédit : ND)

C’est un petit condensé de la Champagne que l’on découvre sur le tronçon reliant Reims à Épernay, passant par les communes de Rilly-la-Montagne, Germaine ou encore Avenay-Val d’Or notamment. Des vignes déjà bien garnies, des forêts verdoyantes et des villages typiques champenois défilent au gré du paysage, sous une légère pluie… de saison, dirons-nous.

40 trains par jour circulent sur cette portion, un tiers de travailleurs pendulaires, un tiers de voyageurs occasionnels − dont des touristes toujours plus nombreux − et un tiers d’étudiants. De chiffres précis, nous n’en auront pas, ouverture à la concurrence en 2028 oblige... L’on saura tout juste que les lignes de Champagne-Ardenne sont sur le podium du Grand Est concernant la qualité de service. Comprendre les trains qui arrivent à l’heure et la régularité de ces derniers. « Un tel niveau ne s’acquiert pas sans mal », assure Régis Godderidge, Directeur lignes Champagne-Ardenne.

Un technicentre au plus près du trafic

On le conçoit aisément lorsque l’on pénètre dans les coulisses d’un trajet en TER, du rôle du conducteur à la maintenance et réparation des trains, en passant par l’adaptation aux imprévus. Car le matin même de notre visite, deux collisions avec des chevreuils étaient à signaler. « Des événements inévitables en cette saison. Certains animaux se retrouvent sur les voies en étant désorientés, et comme nous traversons de grands espaces naturels et que tous les abords de voies ne sont pas grillagés, fatalement, il y a des collisions. » Une fois les constatations d’usage effectuées, les vérifications d’état des voies réalisées, c’est au technicentre d’Épernay d’entrer en scène avec la prise en charge de la rame accidentée.

Photo de la cabine du conducteur d'un TER
(Crédit : ND)
Photo de Régis Godderidge
Régis Godderidge. (Crédit : ND)

« Nous pratiquons sur ce site la maintenance de niveau 2 et niveau 3 de toutes les rames de la Région Champagne-Ardenne, soit 37 rames type AGC (autorail à grande capacité) », explique Loïc Garot, responsable du technicentre. « Le niveau 2, c’est la petite vidange de la voiture avec la vérification tous les 37 jours des éléments de sécurité sur les rames. Le niveau 3, c’est la maintenance un peu plus lourde qui peut durer deux à trois jours, comme la vérification des éléments de freins. Il y a donc de la maintenance préventive, avec tel ou tel élément à vérifier dans la rame mais également curative, comme lors d’un choc ou lorsqu’une porte se ferme mal », détaille-t-il.

70 personnes opèrent sur le site d’Épernay sur 500 au total travaillant dans l’ensemble des technicentres du Grand Est. « Nous avons trois voies en atelier et trois voies sur le côté (pour le sablage des roues, le remplissage de diesel ou encore le nettoyage au karcher), donc par jour, nous effectuons la maintenance sur cinq à six rames, sachant que nous avons deux sites déportés, un sur Reims et un autre sur Charleville-Mézières. »

Les salariés du technicentre doivent prendre en charge les trains au gré des interventions dans la journée, ils travaillent donc en 2X8 et 7j/7 et doivent pouvoir planifier sur 4 semaines au moins ce qui peut l’être. « Nous avons des équipes de jour et des équipes de nuit, car nous faisons la maintenance essentiellement quand les trains ne roulent pas. » Le plan de maintenance se doit donc d’être adaptable et souple afin que le trafic soit le moins impacté possible, avec toujours, cette exigence de service et de satisfaction client. « Le but est de rendre les rames pour les voyageurs le plus vite possible. »

Des équipements de grande envergure

À l’intérieur du site, mis en service en 2005, des équipements modernes permettent d’exécuter un levage de rames dans le but de remplacer ce que l’on nomme dans le jargon ferroviaire « les gros organes ». Le parallèle avec le médical nous suivra tout au long de la visite, tant la précision et la minutie y sont pratiquées par les équipes intervenant sur les rames. Le vocabulaire employé, lui aussi, nous fait nous demander si nous sommes dans un centre de trains TER ou dans une salle de chirurgie. « Les essieux, les moteurs diesel, les unités de freins… Les équipes sont toutes formées à ce genre d’opération car chaque typologie de trains a des organes placés différemment », précise Maxime Ruault, Dirigeant de Proximité maintenance. Sur la voie 68 (les voies du technicentre sont, elles-aussi, numérotées dans le prolongement de celles de la gare d’Épernay), une rame de 75 mètres décollée du rail trône, prête à être inspectée sous toutes les coutures.

  • Photo de la maintenance des TER
    (Crédit : ND)
  • Photo de la visite du Technicentre
    Maxime Ruault. (Crédit : ND)
  • Photo de la gare de Reims
    (Crédit : ND)

« Les chevalets installés tout au long du quai permettent de lever la rame sur un seul tenant. » Une prouesse digne des plus grands plateaux techniques, impossible à pratiquer du temps des ateliers SNCF − qui effectuaient pour leur part plutôt de la réparation de pièces − aujourd’hui en pleine déconstruction. Durant l’opération de levage, un gros organe est déposé le long de la rame, le « power-pack », 5,5 tonnes de technologie, normalement monté sous les engins. Un beau bébé. Car la rame auscultée a la particularité de fonctionner au diesel et à l’électrique, nécessitant des manipulations spécifiques.

Mais ici les médecins, s’ils doivent savoir manier les outils, sont également musiciens et doivent aussi connaître parfaitement la partition qu’ils ont à jouer : « La partie soutien industriel est retravaillée avec les équipes dans ce que l’on appelle des gammes. Il y a différents modules à respecter et inspecter (niveau d’huile, freins, vidange, etc.) dans un temps imparti. » Un ballet exécuté parfaitement et qui va bientôt intégrer les nouvelles rames au design modernisé mises en service depuis quelques semaines. Dans cinq ans, toutes la flotte des TER Champagne-Ardenne aura été renouvelée.

Une mobilité décarbonée

« Nous effectuons de nombreux partenariats entre les évènements locaux et nos lignes », indique Régis Godderidge, Directeur des lignes Champagne-Ardenne, annonçant qu’un voyageur qui prend la ligne Reims/Épernay émet en moyenne 850 grammes de CO₂, quand le même voyageur, en voiture, émet 6,125 kg de CO₂. Et si les partenariats mis en place permettent une économie d’émissions carbone, ils sont aussi pour les voyageurs le moyen de découvrir autrement la région, et en toute sécurité quand ils assistent à des évènements festifs tels que les Habits de Lumières en décembre, qui voient plus de 1 000 voyageurs fréquenter la ligne sur deux jours. La course Sedan / Charleville a aussi ses adeptes du TER Champagne-Ardenne, avec en moyenne 800 coureurs qui empruntent la ligne. « On gagne 22 tonnes de CO₂ sur cet événement. »

TER : Un contrat SNCF / Région

Le contrat TER court pour la période 2024-2033. Ce contrat constitue une étape cruciale en mettant l’accent sur la qualité de service, l’augmentation de l’offre et l’ouverture à la concurrence. La Région articule sa stratégie ferroviaire autour de 4 axes :

  • Le renforcement de l’offre de transport, notamment sur les lignes de proximité.
  • L’amélioration de la qualité de service.
  • L’accompagnement vers une ouverture à la concurrence.
  • Un équilibre financier exigeant pour assurer un service de haute qualité.

Sur toute la période du contrat, la Région s’engage à investir 1,2 milliard d’euros dans le développement du ferroviaire, dont pas moins de 1 milliard dédié à l’acquisition et à la modernisation du matériel roulant.