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Comment établir la solidarité au sein de la chaîne agroalimentaire ?

Alimentation. Le ministre de l’Agriculture était à Troyes pour une table ronde avec les patrons de Lactalis et de Système U ainsi que la présidente de la FNSEA autour de la loi EGAlim 2.

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Les acteurs de la chaîne agroalimentaire doivent être solidaires pour rester compétitifs. Laurent Locurcio

Le baptême du feu pour la loi EGAlim 2 survient dans un contexte plutôt compliqué. Il est vrai que cette nouvelle loi adoptée en octobre dernier est chargée de rectifier le tir après plusieurs textes législatifs visant à rééquilibrer les rapports de force entre les divers acteurs de la production et de la vente alimentaires. L’objectif général est de garantir une rémunération plus juste aux agriculteurs et éleveurs, face à la puissance des centrales d’achat de la grande distribution. Rapporteur de cette loi, le député LREM de l’Aube, Grégory Besson-Moreau a réuni à Troyes les acteurs de la chaîne agroalimentaire française pour en débattre, sous l’arbitrage du ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie.

« Des producteurs qui sortent volontairement de la chaîne, cela signifie aussi que la chaîne est grippée »

Le titre donné à cette table ronde par l’élu aubois donne la mesure de l’enjeu : l’agriculture et la consommation françaises ont-elles encore un avenir ? Pas si simple à l’heure où la balance agricole française faiblit et où de grandes enseignes se livrent à une guerre pour des prix toujours plus bas. Une destruction de valeur dont les producteurs agricoles font les frais. « Le problème en France, c’est que personne ne prend en compte qu’un des trois maillons constituant la chaîne agroalimentaire s’effondre », estime Julien Denormandie. Pour le ministre de l’Agriculture, si l’agriculture française s’effondre, l’industrie agroalimentaire et la grande distribution risquent de péricliter dans la foulée.

En clair, leurs destins sont liés et tout le monde a intérêt à ce que la chaîne continue de fonctionner. Julien Denormandie, qui avait inauguré plus tôt dans l’après-midi le magasin de producteurs Passion paysanne à Troyes, juge que cette démarche révèle un système qui ne fonctionne pas. « Des producteurs qui sortent volontairement de la chaîne, cela signifie aussi que la chaîne est grippée », note Julien Denormandie. La loi EGAlim 2 est censée mettre de l’huile dans les rouages. Patron de Lactalis, le géant français des produits laitiers avec un chiffre d’affaires de 22 milliards d’euros, Emmanuel Besnier souligne la nécessité de trouver un juste équilibre entre la rémunération des éleveurs et les impératifs d’un industriel « dont 70 % du prix de revient est constitué par la matière première et qui doit rester compétitif pour exporter aussi ».

Consommateur sensibilisé

En fin observateur de l’évolution de la consommation, Dominique Schelcher, président de Système U, constate une évolution du consommateur. « Désormais, il veut être un consomm’acteur, autrement dit un consommateur qui agit en citoyen en prenant en compte d’autres valeurs que le seul prix », explique-t-il. Ceux qui, dans la grande distribution ne jurent que par les prix bas ne s’adressent plus à l’ensemble des consommateurs. L’origine France, le développement durable, le respect animal sont des cartes à jouer pour les producteurs, et la grande distribution se dit prête à valoriser ces initiatives.

« Le budget moyen de l’alimentation d’un foyer français est de 385 euros par mois et 5 euros de plus suffiraient pour garantir la juste rémunération des producteurs qui sont confrontés actuellement à toute une série d’augmentations qu’ils subissent de plein fouet », fait remarquer Christiane Lambert, président de la FNSEA. La solution ? « Il faut impérativement rétablir la solidarité au sein de la filière », conclut le ministre de l’Agriculture qui compte aussi sur celle des consommateurs.