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Christophe Possémé candidat à la présidence de la FFB

Bâtiment. À 48 ans, le président du Bâtiment Associé (Muizon, Marne), Vice-président de la FFB et Président de l’Union de la Maçonnerie et du Gros Œuvre (UMGO), annonce sa candidature à la tête de la Fédération Française du Bâtiment pour les élections de mars 2026.

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Photo de Christophe Possémé
Christophe Possémé : « Nous demandons avant tout de la stabilité fiscale et réglementaire. » (Crédits : DR)

PAMB : Christophe Possémé, vous êtes le Président du Bâtiment Associé, mais vous êtes aussi engagé depuis longtemps dans le syndicalisme du bâtiment, notamment à la FFB...

Christophe Possémé : C’est un parcours de plus de vingt ans dans le syndicalisme au sein de la Fédération Française du Bâtiment. J’ai exercé différents mandats territoriaux, puisque je suis encore aujourd’hui membre du conseil d’administration de mon département, la Marne, ce qui m’a permis, de prendre la présidence de Constructys Champagne-Ardenne, en 2011. Ce mandat paritaire m’a familiarisé avec la capacité de faire dialoguer et voter ensemble les organisations salariales et patronales. Je m’étais engagé très jeune dans l’Union des Métiers du Gros Œuvre. J’y ai intégré un groupe de prospective, un sujet qui m’a toujours intéressé et continue à me passionner puisqu’il s’agit de réfléchir à l’avenir, de savoir ce que nous pourrons faire demain avec nos entreprises, avec les hommes et les femmes qui les composent.

Votre parcours syndical s’est particulièrement accéléré ces dernières années… (voir encadré), votre parcours professionnel a-t-il influencé cet engagement ?

C.P. : Absolument. On se construit par son parcours syndicaliste mais aussi par son parcours d’entrepreneur. Ayant commencé comme apprenti maçon, et en étant passé par tous les échelons : chef d’équipe, chef de chantier, conducteur de travaux, directeur de travaux, directeur général, et enfin président de l’entreprise que je dirige aujourd’hui. Toutes ces étapes m’ont permis de forger mon expertise métier, de mieux maîtriser la gestion et la difficile question du management qui sont les piliers de nos entreprises. Ces fondamentaux doivent rester le fil conducteur de l’accompagnement que doit réaliser la FFB auprès de ses adhérents.

Pourquoi vous présenter à la présidence de la FFB aujourd’hui, dont les élections auront lieu en mars 2026 ?

C.P. : Depuis plus de trente ans, j’analyse, j’observe et j’écoute l’environnement du bâtiment sur l’ensemble des territoires grâce à mon parcours professionnel et syndical. C’est le moment pour moi de me mettre pleinement au service de la FFB pour poursuivre le travail qualitatif déjà engagé de l’ensemble des présidents qui ont oeuvré depuis plusieurs décennies. Je suis un homme de métier, de projets et de combats. Entrer en campagne aujourd’hui va me permettre de prendre le temps d’écouter, de mieux comprendre pour avoir une vision clairvoyante et ambitieuse pour la Fédération Française du Bâtiment.

Vous êtes notamment très attaché à la formation…

C.P. : Je viens du monde de l’apprentissage. J’ai commencé avec une truelle dans la main et je suis un pur produit de la formation initiale et de la formation continue. Je suis un exemple de cette ascension sociale rendue possible dans le bâtiment. C’est pourquoi je comprends cet environnement et j’ai la capacité à être force de proposition pour améliorer la qualité de la formation, l’ingénierie de la formation et accompagner les entreprises dans la gestion quotidienne des compétences liées à la formation. Mes mandats en tant que président de CCCA-BTP et la présidence de l’OPCO Constructys me permettent de mettre en oeuvre l’accompagnement des salariés et des chefs d’entreprises dans la montée en compétences.

Justement, quel est aujourd’hui l’environnement des entreprises du bâtiment, en cette rentrée de septembre 2025 ?

C.P. : Depuis 2020, nous vivons des hauts et des bas permanents. Le Covid, puis les imprévisions sur les matériaux, puis la guerre en Ukraine, ont mis nos entreprises à rude épreuve. Aujourd’hui, la géopolitique internationale influence certains de nos marchés, cela freine des investissements et entraîne des distorsions dans les permis de construire. On ne connaît pas encore l’impact futur des taxes Trump sur notre économie. Nous devons aussi composer avec l’instabilité de la politique nationale : nous avons connu trois gouvernements successifs en un an, cela complique énormément le travail des fédérations. Chaque fois qu’on avance sur des dossiers comme la réglementation environnementale, la REP (responsabilité élargie du producteur), le ZAN ou encore le statut du bailleur privé… à chaque fois que le gouvernement tombe, il faut tout recommencer et ça gaspille une énergie folle. C’est pourquoi il nous faut aujourd’hui, obtenir de nos pouvoirs publics et de nos élus, une capacité de cohésion et d’entente pour stabiliser aussi notre pays.

Le logement traverse une crise depuis plusieurs année. Quelle en est la situation en cette rentrée 2025 ?

C.P. : La maison individuelle est en difficulté depuis trois ans et les appartements depuis deux ans. Les chiffres de la promotion immobilière sont catastrophiques. La Caisse des Dépôts et Action Logement ont certes racheté 60 000 logements, ce qui a permis de relancer quelques dossiers, mais aujourd’hui les promoteurs ne vendent pas. La visibilité pour les prochains mois est donc très sombre. On demande un Etat qui soit en capacité à prendre des mesures qui durent, peut-être en subventionnant moins mais en créant des process durables et tenables pour les investisseurs. C’est ce qu’on demande avec le statut de bailleur privé pour le logement.

Qu’est-ce que le statut de bailleur privé ?

C.P. : Ce statut permettrait aux investisseurs d’avoir une capacité à amortir leurs investissements. Cela fait près de 20 ans qu’on créé des produits (De Robien, Duflot, Pinel, etc) qui sont basés sur du crédit d’impôt. Ce dispositif qui reste à affiner permettrait d’amortir un bien à l’image de ce qui se fait en entreprise. Cela créerait un cadre fiscal stable. C’est un projet que la Fédération défend depuis plus de trois ans et qui fait consensus dans le milieu avec l’Alliance pour le logement.

Qu’en est-il des politiques de rénovation énergétique, comme MaPrimeRénov’ ?

C.P. : Ce dispositif est catastrophique. Il y a 6 ans on nous avait annoncé que la rénovation énergétique compenserait la baisse de la construction neuve. Mais en réalité, la croissance de son chiffre d’affaires est à peine de +1 % par an. Pourquoi ? Parce que le modèle change tous les six mois, ce qui décourage les particuliers qui finissent soit par ne faire qu’une partie des projets, soit de ne pas lancer leur projet, soit ne pas faire appel à Ma Prime Rénov avec le risque de prendre des artisans qui ne sont pas qualifiés sur le sujet.
En juin, l’ANAH a même arrêté de prendre des dossiers, en raison de trop nombreuses fraudes. Aujourd’hui, certaines aides à l’isolation ont été supprimées, alors que l’isolation et le travail sur le bâti constituent la première étape essentielle avant de travailler sur les équipements techniques. Ces décisions manquent singulièrement de cohérence.

Que demandez vous face à cette situation ?

C.P. : Nous demandons avant tout de la stabilité fiscale et réglementaire. Bien sûr, il faut décarboner et construire des bâtiments les moins énergivores possibles, mais cela doit rester compatible avec la capacité des Français à pouvoir acheter ou louer. Le mal-logement est un enjeu social majeur, qui sera certainement un thème central de la prochaine élection présidentielle. Se loger fait partie des besoins fondamentaux, au même titre que se nourrir et respirer.

Quel message souhaitez-vous faire passer aujourd’hui ?

C.P. : Je pense qu’il est urgent de « libérer les énergies » de la filière et donner de la visibilité. Malgré les turbulences, le bâtiment s’inscrit dans un temps long. La démographie française reste en croissance au moins jusqu’en 2035, donc les besoins de construction et de rénovation seront croissants. La Fédération a toute légitimité pour accompagner les pouvoirs publics. Nous représentons plus de 52 000 entreprises et 600 000 salariés. Nous avons l’expertise technique, sociale et de formation. Et surtout, nous sommes présents dans chaque village de France : il y a toujours un artisan du bâtiment là où il y a de la vie.

Propos recueillis par Benjamin Busson