Champagne et effervescents : des défis et des opportunités
Effervescents. À l’occasion du Sparkling Wine Forum, qui s’est déroulé les 23 et 24 avril à Reims, la présidente de l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV), Yvette Van der Merwe a dressé un panorama des tendances et perspectives du marché mondial des effervescents.

« Le vin effervescent mondial est une étoile montante ». Invitée à donner les grandes tendances et perspectives du marché mondial des effervescents, Yvette Van der Merwe, la présidente de l’OIV n’a pas manqué de rappeler le potentiel de ces vins sur le marché mondial, malgré une production et une commercialisation qui doivent faire face à de nombreux défis. Première tendance dans la production de vin, la baisse des surfaces de production. De 7,8 millions d’hectares en 2000, les surfaces de production sont de 7,1 millions d’hectares en 2024 (soit -0,6% par rapport à 2023). « Cela marque la poursuite de la tendance à la baisse à long terme amorcée au début des années 2000 », souligne Yvette Van der Merwe. Les principaux pays contributeurs à la superficie viticole mondiale restent l’Espagne (13 %), la France et la Chine (11 %) et l’Italie (10 %). Si la baisse des surfaces plantées concerne tous les vignobles pour tous les usages (vin, raisins de table et raisins secs), cela implique une pression croissante sur les approvisionnements pour la production de vin. En particulier lorsque les rendements sont irréguliers.
« Pour les producteurs de vins effervescents, cela suggère la nécessité d’une planification minutieuse de l’approvisionnement, en particulier pour les variétés utilisant la méthode traditionnelle et pour la production de vins de base sur les principaux marchés d’origine », note la présidente. En 2024, la production mondiale de vin a atteint 225,8 millions d’hectolitres, soit une baisse significative de 5 % par rapport à 2023. « Il s’agit de l’un des niveaux les plus bas enregistrés ces dernières décennies et cela témoigne d’un resserrement de l’approvisionnement mondial ».
L’Italie domine assez largement la production mondiale de vins effervescents (30 % de la production totale de vin), devant la France (16 %) et l’Espagne (14 %). Dans ce contexte de tension sur les approvisionnements, la qualité plutôt que la quantité pourrait devenir une tendance déterminante du côté des consommateurs, profitant potentiellement aux sparklings, qui occupent déjà une position forte dans les segments haut de gamme.
En termes de consommation mondiale, celle-ci a chuté de 3,3% en 2024, à 214, 2 millions d’hectolitres. Elle était de 235 millions en 2022. Les États-Unis représentent 16 % de la consommation mondiale, devant la France (-11 %), l’Italie (10 %) et l’Allemagne (8%). « Le déclin de la consommation mondiale de vin suit une trajectoire relativement régulière depuis 2018 ». Plusieurs facteurs combinés contribuent à cette tendance à la baisse dont la chute de la consommation en Chine (qui a entraîné à elle seule une perte moyenne de 2 millions d’hectolitres par an depuis 2018). Les tensions géopolitiques (conflit en Ukraine, crise énergétique et perturbations de la chaîne d’approvisionnement mondiale), ont entraîné une hausse des coûts de production et de distribution du vin. Des hausses de prix significatives qui ont eu un impact sur la demande des consommateurs de vin.
La résilience dans la valeur
Les principaux marchés du vin ont connu des baisses notables en 2024 dans la lignée de l’année 2023. « 15 des 20 premiers marchés mondiaux ont connu une réduction de la consommation par rapport à 2023 », explique Yvette Van der Merwe.
Et alors même que la bière et les spiritueux gagnent du terrain sur les marchés, la consommation de vin est restée relativement stable depuis les années 90. En 2024, les exportations mondiales ont atteint 99, 8 millions d’hectolitres (- 0,1 % en volume).
La valeur des exportations s’est quant à elle établie à 35,9 Mds€, soit une baisse de 0,3 %. « C’est une stabilité relative malgré les défis mondiaux », souligne la présidente de l’OIV. « Cela indique que la résilience réside dans la valeur, et pas seulement dans le volume. C’est un signe positif pour les vins effervescents haut de gamme, dont les prix sont souvent plus élevés ».
Sachant que près de la moitié de la production vinicole est exportée, le positionnement international des marques se révèle donc primordial, avec un prix moyen à l’exportation d’un litre de vin de 3,6 € en 2024, soit en légère baisse de 3 %. Un indicateur qui témoigne d’une montée en gamme soutenue, soulignée par la forte hausse des prix enregistrée après 2020. « Les consommateurs sont toujours prêts à payer pour la qualité. Le prix moyen suggère que l’origine, la marque et la qualité continuent d’influencer les achats, c’est un indicateur clé pour le marketing et le positionnement des vins effervescents ».
Des effervescents qui ont conservé leur position de segment à forte valeur ajoutée au sein du commerce mondial du vin. Malgré une légère baisse de 1,3 % en volume et de 3,7 % en valeur commerciale par rapport à 2023, la catégorie est restée stable. Elle représente 10,9 % du volume total exporté et 23,8 % de la valeur des exportations, même si le prix moyen des effervescents a chuté de 3,4 % en 2024, atteignant 7,9 € par litre. Leur production a, quant à elle, quasiment doublé depuis 2002, passant d’environ 10 millions d’hectolitres à 19,3 millions d’hectolitres en 2023.
Passés d’un marché de niche à un marché grand public en deux décennies, les effervescents représentent désormais 9 % de la production mondiale totale. Cinq pays représentent plus de 80 % de la production mondiale avec l’Italie est en tête (33% de la production) devant la France (16 %), l’Allemagne (14 %) et l’Espagne (11 %). La forte croissance enregistrée prouve aussi que les vins effervescents ont dépassé l’image traditionnelle de boisson festive pour devenir une option plus régulière pour de nombreux consommateurs, tout au long de l’année. Les vins effervescents représentent aujourd’hui 8 % de la consommation mondiale de vin. Sept marchés (États-Unis, Allemagne, Italie, Russie, Royaume-Uni, France et Australie), représentent à eux seuls 68 % de la consommation mondiale avec en tête les États-Unis (15 %).
Nouveaux marchés à suivre
La croissance des vins effervescents ne repose pas uniquement sur le Champagne mais aussi sur le Prosecco, le Cava et des boissons issues de pays comme l’Angleterre ou le Brésil qui étendent peu à peu leur présence mondiale. « Si le Champagne perd du terrain dans ses marchés traditionnels comme la France, les États-Unis ou le Royaume-Uni, il en gagne sur de nouveaux marchés comme l’Afrique du Sud, le Brésil, la Thaïlande et l’Inde ».
En 20 ans, le commerce international des vins effervescents a connu une croissance spectaculaire, avec une hausse de +206 % en volume depuis 2002. En 2023, ce sont 10,7 millions d’hectolitres de vins effervescents qui ont été exportés dans le monde soit 9 % du volume total des exportations de vins et 20 % de la valeur des exportations mondiales de vins. « Les consommateurs sont prêts à payer plus cher pour les effervescents, en particulier à l’international. Depuis 2009, le commerce international de ces vins a plus que doublé, avec un taux de croissance moyen de 6 % par an. Les producteurs et les exportateurs devraient tirer parti de cette image premium, se concentrer sur la stratégie de marque, la narration des origines et le positionnement sur le marché. Ils devraient également explorer les marchés émergents qui ne génèrent peut-être pas encore de forts volumes mais qui disposent d’un fort potentiel de croissance et d’appréciation de la valeur ».
Pour Yvette Van Der Merwe le vin effervescent n’est plus un symbole de célébration mais il s’intègre à un style de vie plus large. « Il évolue au fil des générations, des cultures et des moments du quotidien », souligne-t-elle. « Nous avons une réelle opportunité d’innover, de raconter des histoires et de rester à l’écoute des consommateurs. Qu’il s’agisse d’honorer la tradition avec le champagne ou de réinventer les vins pétillants, nous pouvons rendre cette catégorie plus accessible, plus diversifiée et plus émotionnelle. La prochaine vague de croissance ne s’attend pas, elle se crée, en restant agile, inspiré et connecté ».