Bruno Arcadipane : « Action Logement est un amortisseur social et sociétal »
Logement. Entretien avec le marnais Bruno Arcadipane, vice-président du Medef national et Président d’Action Logement, acteur de référence du logement social et intermédiaire en France. Un groupe qui pèse aujourd’hui 45 entreprises sociales pour l’Habitat, 5 filiales de logements intermédiaires et un patrimoine de plus d’un million de logements.
Action Logement soutient activement la production et la réhabilitation de logements (9,2 milliards investis en 2023), quel est la feuille de route de vos filiales immobilières pour 2024 ?
Bruno Arcadipane : La feuille de route des 50 filiales immobilières de notre Groupe, c’est tout simplement de produire des logements pour les salariés, au plus près des bassins d’emplois. C’est là notre ADN, notre mantra depuis 70 ans : nouer fermement le lien qui existe entre l’emploi et le logement. Aujourd’hui, les entreprises peinent à recruter et les salariés peinent à se loger. Action Logement, présent dans tous les territoires s’est engagé, aux termes de la Convention quinquennale 2023-2027 signée avec l’État en juin dernier, à développer une offre nouvelle de 40 000 logements par an. Et je tiens à souligner l’exceptionnel effort que nous menons sur la même période pour réhabiliter 40 000 logements par an. Nous disposons aujourd’hui d’un parc de plus d’un million de logements. Notre objectif est qu’il soit entièrement à étiquette A, B ou C dès 2023. Pour mener à bien ces ambitions, notre groupe paritaire s’appuie sur la connaissance des territoires et la proximité avec les entreprises.
L’objectif de 30 000 logements pour l’emploi annoncé en juin a été atteint, comment cela a-t-il été possible en si peu de temps ?
B.A. : Pour une bonne et une mauvaise raison, si j’ose dire. La bonne raison, c’est qu’avec agilité, Action Logement a mis en place un process simple et efficace, tout à fait caractéristique de l’agilité de notre Groupe. En moins de 6 mois, nous avons atteint nos objectifs. Mais si nous avons mené à bien ce plan « 30 000 logements pour l’emploi », c’est aussi parce que le secteur de la promotion immobilière traverse une crise sans précédent, une tempête d’une violence inouïe : ce sont au final plus de 100 000 logements qui nous ont été proposés. Cette donnée donne la mesure de l’intensité de la situation qui concerne l’ensemble des acteurs du secteur.
À l’heure où les mises en chantier sont au ralenti, les vôtres ont augmenté de 14% en 2023....
B.A. : Globalement, le secteur de la construction a en effet connu une baisse de près de 20% des mises en chantier. C’est vrai que nos filiales immobilières ont montré, quant à elles une très belle résilience. En 2023, nous représentons 12% de l’effort de construction national, c’est considérable et je m’en réjouis pour les salariés de nos entreprises, pour la vitalité de nos territoires. Toutefois, ce résultat ne peut ni ne doit masquer la gravité de la situation qui appelle des mesures fortes. Au-delà d’un soutien massif au secteur de la construction, il s’agit aussi d’une volonté de votre part de lutter contre la crise sociale et économique…
B.A. : Nous avons depuis 70 ans une mission d’utilité sociale. Notre présence partout en France hexagonale et ultra-marine se traduit évidemment par des résultats économiques. Mais, en effet, nous sommes aussi un amortisseur social et sociétal. D’abord parce qu’être locataire d’Action Logement, c’est bénéficier d’un niveau de loyer raisonnable, dans le logement social ou intermédiaire et c’est essentiel pour les salariés à revenus modestes. Ensuite parce que nous attachons une attention particulière à accompagner les salariés, y compris lorsqu’ils traversent des difficultés : ainsi, l’an dernier, plus de 42 000 ménages nous ont sollicité et ont obtenu des aides diverses pour surmonter une passe difficile. Je veux aussi insister sur le succès de la garantie Visale, la « caution et le réseau de ceux qui n’en ont pas » qui a permis aujourd’hui en France à plus d’1,2 million de personnes d’accéder au logement privé.
Comment intervenez-vous pour financer le logement abordable et durable, qui était l’un des vos quatre objectifs pour 2023 ?
B.A. : Toute notre ressource, la Participation des Employeurs à l’Effort de Construction, assise sur la masse salariale des entreprises de plus de 50 salariés, est entièrement utilisée, mobilisée, tendue pour le logement abordable et durable. Ainsi, en 2023, Action Logement Services a mobilisé 2 milliards d’euros pour financer une offre nouvelle de logements, y compris dans le cadre du renouvellement urbain ou du programme Action Coeur de Ville. En contrepartie de ces financements, nous avons ainsi obtenu plus de 100 000 droits de réservation pour loger des salariés.
Accompagner les salariés dans leur parcours logement c’est plus que jamais indispensable aujourd’hui ?
B.A. : C’est essentiel, en particulier pour les plus jeunes. L’an dernier, sur les 750 000 aides et services délivrés, plus de 70% ont été attribués à des moins de 30 ans. Cet effort, nous le faisons aussi en matière d’attributions locatives : ainsi l’an dernier plus d’un ménage sur deux est logé dans notre patrimoine avait moins de 30 ans.
Quelles sont vos ambitions pour 2024 ? Pouvez-vous aller plus loin qu’en 2023 ? Dans quels domaines en particulier ?
B.A. : Nos ambitions sont clairement exprimées dans la Convention quinquennale. Il y a le « 3 fois 40 » : 40 000 nouveaux logements, 40 000 réhabilitations, 40 000 mises en chantier chaque année entre 2023 et 2027. Nous allons aussi accompagner, jusqu’en 2027, 4 millions de salariés à travers des aides et des services et loger 650 000 nouveaux ménages. Nous sommes en tension constante pour être au rendez-vous de nos engagements.
Vous revendiquez 8 axes pour la décarbonation… Quelles sont vos priorités ?
B.A. : Il n’y en a pas une, mais bien 8 avec 20 engagements très précis jusqu’en 2030. Au regard de la diversité et de l’amplitude de nos activités, nous avons trois leviers pour agir : la construction, la réhabilitation et l’entretien. Ce Plan traduit surtout notre volonté d’être exemplaire en matière de transition écologique, puisque notre bilan carbone représente 1% du total français : en 2040 : nous aurons réduit nos émissions de gaz à effet de serre de 55%.
Un mot sur le Grand Est ?
B.A. : C’est ma région de coeur, bien sûr, même si mes fonctions m’éloignent trop souvent d’elle. Et je dois dire qu’elle obtient de très beaux résultats en matière de logement durable et abordable : en 2023 , ce sont près de 3 500 agréments qui ont été obtenus pour la construction de logements neufs et plus de 4 000 qui ont été réhabilités. C’est d’autant plus important que cette belle région s’engage avec détermination dans la réindustrialisation.