AVC : une profession résiliente
Champagne. Les aléas défavorables, du climat aux maladies de la vigne, ayant largement perturbé la vendange 2024, l’Association Viticole Champenoise (AVC) retient, faute de volume, la qualité du raisin pressuré et esquisse une année à millésime.
Dans le rapport d’activité, le journal de l’année, piloté par Sébastien Debuisson, le Directeur de l’Association Viticole Champenoise, il est évidemment et largement question de la vendange 2024, évoquée par les vignerons et les techniciens de l’AVC, entre témoignages enregistrés du terrain et analyses de la tribune, dans une orchestration bien huilée et comme de coutume ne manquant pas d’humour, une arme pédagogique comme une autre. Témoignages de vignerons : « Une année mémorable… On a tout eu : le gel, la pluie, la grêle, la floraison bien trop longue, l’hétérogénéité des grappes, des rendements décevants… » Et sur ce dernier point, quelques exemples évoqués : après les 10 000kg à l’hectare autorisés, 3 à 4000 kg récoltés dans la Côte des Bar, entre 3 et 5 000 kg dans la Vallée de la Marne, 4 000 kg dans la Montagne de Reims et l’exception du chardonnay, entre 10 et 12 000 kg. Sur ce sujet, la Champagne, avec la Bourgogne, le Beaujolais et le Jura est un des vignobles les plus touchés en 2024.
Un rendement plus bas qu’autorisé
Au total, une moyenne au pressoir de 8 500 kg pour l’ensemble de l’OAC, à mettre sur le compte de la météorologie et des aléas de la maturation et des maladies de la vigne : mildiou, coulure et millerandage et en vedette de la nocivité : la flavescence dorée, maladie bactérienne grave de la vigne et qui ne trouve aujourd’hui qu’une solution, celle de l’arrachage des pieds contaminés.
En résumé cette vendange 2024 est qualifiée d’extraordinaire à bien des points de vue, du mauvais pour la quantité et du bon, voire du très bon, pour la qualité. Avec à la clé un millésime ? Oui, disent certains vignerons. La réponse appartient aux chefs de cave. Beaucoup d’observateurs parlent d’une année exceptionnelle. Côté quantité, la baisse des volumes cueillis en Champagne est de 20%. Elle est de 15% sur l’ensemble des vignobles français.
Envisagée économiquement, la situation est viable et la Champagne habituée aux aléas. Le stock de 2023, en baisse annuelle de 3%, est évalué à 1 212 millions de bouteilles, soit quatre années de vente. La vendange 2024 devrait assurer la production d’environ 270 millions de bouteilles. Par comparaison, les expéditions moyennes des dix dernières années sont de 302 millions de bouteilles.
L’AVC salue la résilience de la profession
Dans son rapport moral, le Président de l’AVC n’a évidemment pas occulté la flavescence dorée et, parallèlement, a dit sa satisfaction quant à la résilience de la viticulture dans sa lutte contre cette maladie de la vigne. Christophe Rapeneau a rappelé l’urgence en la matière : 1 000 ceps touchés en 2023 et dix fois plus en cette année 2024. Sans ambigüité, il a exhorté les vignerons à s’informer et se former, à détecter et arracher les pieds malades et à penser l’avenir porté par les nouvelles variétés de plans plus résistants et mieux adaptés au changement climatique. Lucide, Christophe Rapeneau salue la recherche et relativise l’impatience de certains : « Une seule nouvelle variété trouvée, le Voltis, après une vingtaine d’années de travaux, et alors ? » Ce Voltis, planté en Champagne depuis 2023, vient ainsi rejoindre les sept cépages de l’AOC : pinot noir, meunier, chardonnay, arbane, petit meslier, pinot gris et pinot blanc.
Invité vedette de cette Assemblée 2024, Julien Denormandie, Ministre de l’Agriculture dans le Gouvernement Jean Castex, de 2020 à 2022, est bien dans son sujet de prédilection avec cette philosophie du jouer ensemble : « Une définition du progrès ? Le possible du collectif est supérieur à la somme des pensées individuelles. Le collectif est toujours le progrès. » Il dit son penchant pour l’agriculture raisonnée, évoque la troisième révolution agricole et demande du temps au temps, en se faisant applaudir longuement après
cette sentence : « Sortir de la tyrannie du temps et ne jamais devenir un obligé de la politique. »
Entre les outils et la vision de l’avenir, il choisit la vision, avec le sol pour boussole : « Penser sol, la plus belle des boussoles. Chérissons le sol et nous aurons des réponses. » Européen convaincu, il l’assume : « L’Europe nous protège, il faut la faire évoluer ». Evoquant les clauses miroir, en matière d’échanges internationaux et notamment concernant les produits agricoles, il fait confiance, là encore, à l’Europe source de création de valeurs. Devant la salle comble du Millesium d’Epernay, Julien Denormandie conclut : « Le Champagne est une valeur identitaire, gardez le trésor de votre esprit collectif. Vive le bonheur et le Champagne ! »