Alain Grizaud : « L’investissement génère de la croissance »
Travaux publics. De passage à la Foire de Châlons, le président de la Fédération nationale des Travaux publics appelle à la poursuite des investissements dans une période d’incertitude politique.

Comment se présente cette rentrée 2025 pour le secteur des travaux publics ?
Alain Grizaud, président de la FNTP : On constate quelques signes d’inflexion sur les prises de commandes notamment en juillet, mais les carnets de commandes restent corrects et les chiffres d’affaires prévisionnels restent stables, si l’on considère une inflation autour de 1,5 %.
En revanche, on entre dans une période de brouillard avec une incertitude politique grandissante. Elle s’ajoute à une année 2026 qui est une année électorale avec les élections municipales. Traditionnellement, il y a un creux au moment de ces élections. Cette fois, le phénomène pourrait être exacerbé par l’instabilité politique. Résultat, nous ne pouvons pas nous projeter. Nous attendons la loi de finances et le budget, ce dernier est nécessaire pour nous, c’est ce qui permettra de donner confiance à nos clients pour 2026.
Donc, jusqu’à la fin de l’année, vous vous attendez à un statu quo ?
Alain Grizaud : Qu’est-ce qui déclenche la commande publique ? La première chose c’est une visibilité dans le temps. La deuxième, c’est un soutien budgétaire, notamment au niveau des collectivités locales. Il faut rappeler que les collectivités locales et territoriales pèsent 43 % de notre chiffre d’affaires et 70 % de l’ensemble de la commande publique. Or quand elles sont dans l’incertitude, comme les ménages, elles se contractent et n’engagent pas de dépenses.
Quels sont les secteurs qui tirent leur épingle du jeu ?
Alain Grizaud : On a malgré tout trois secteurs qui restent très porteurs et ont un peu plus de lisibilité : l’énergie, avec la décarbonation, l’eau, avec la protection de la ressource et enfin le rail, qui reste sur les plans passés, avec une lisibilité à plus longue échéance mais avec beaucoup de travaux potentiels En revanche, le secteur routes est en baisse.
Et sur le plan environnemental ? On en parle beaucoup, qu’en est-il vraiment dans les faits ?
Alain Grizaud : L’environnement reste très porteur avec l’adaptation au changement climatique : dans l’espace urbain, on désimperméabilise, on créé des îlots de fraîcheur, on aménage des cours d’écoles… Le côté préventif est aussi porteur avec la préparation à la décarbornation des énergies et des usages, et, en matière d’eau, la sobriété, la lutte contre les fuites, les pollutions diffuses… Mais les sommes engagées ne sont pas à la hauteur des ambitions souhaitées ou souhaitables.
Quels messages portez-vous alors auprès des élus, ministres ou parlementaires que vous rencontrez ici sur la Foire de Châlons ou ailleurs ?
Alain Grizaud : Je défends un discours pro-économique. Je ne conteste pas la nécessité de réduire la dette de la France mais cette réduction passe par des économies structurelles de l’Etat, tout en privilégiant l’investissement. L’investissement génère de la croissance, qui elle-même permet de développer la consommation dans un cercle vertueux. Toutes les dépenses ne se valent pas : une dépense d’investissement est beaucoup plus productive et beaucoup plus au service des finances de l’Etat qu’une dépense de fonctionnement.
Aujourd’hui, l’intelligence artificielle est devenue un élément incontournable pour tous les secteurs d’activités. La FNTP s’est déjà saisie de ces sujets, qui sont porteurs d’avenir.
Alain Grizaud : Oui, nous avons créé une école digitale, qui s’appelle TP Demain, totalement ouverte, en open source. Tout le monde peut y trouver des modules selon le métier ou la compétence qu’il veut développer. Parmi ces modules, il y aura aussi de l’IA.
Aujourd’hui, il faut faire de la pédagogie sur l’IA. Elle suscite des craintes, notamment au niveau des emplois. Mais pour ce qui nous concerne, je crois qu’elle sera surtout une assistance, notamment en matière de sécurité sur les chantiers ou encore pour de l’assistance sur les dommages aux ouvrages, par exemple.
En matière de prédictivité aussi, elle peut permettre, grâce au jumeau numérique, de connaître les cycles de vie des infrastructures, de calculer les défaillances et les risques de fuite dans les conduites, et de mieux planifier l’entretien et la rénovation des infrastructures. L’IA devrait nous permettre de prioriser, de mieux séquencer et aussi de faire de la programmation pluriannuelle.