Agronutris mettra un an pour créer sa première usine à Rethel
Industrie. Précurseur sur le marché de l’élevage d’insectes, la start-up toulousaine lancera en fin 2022 une activité totalement nouvelle dans les Ardennes. Avec 60 emplois à la clé. Le chantier démarrera dans quelques semaines.
Créée en 2011 en Haute-Garonne, Agronutris, première société de biotechnologie française spécialisée dans l’élevage et la transformation d’insectes en protéines, s’apprête à réaliser sa première unité industrielle à Rethel. Les travaux de construction du futur bâtiment de 16 000 m2 débuteront probablement en novembre sur un terrain de 9 hectares appartenant au Pays Rethélois, catalyseur de ce projet. Fort de plus de dix années d’expérience en R & D autour de trois espèces élevées de manière systémique et lui ayant permis de maîtriser une technologie unique, Agronutris va donc faire émerger dans le sud des Ardennes le projet French Feed soutenu à hauteur de 8,3 millions d’euros par l’Etat dans le cadre du plan France Relance.
Valoriser 70 000 tonnes de co-produits locaux par an
Appelée à devenir opérationnelle en 2022, la ferme à insectes rethéloise convertira annuellement 70 000 tonnes de co-produits locaux émanant de l’agro-industrie environnante. Agronutris a d’ores et déjà sécurisé ce site en s’assurant 100 % d’approvisionnement d’intrants à travers la signature de trois contrats de partenariats avec des industriels installés sur le pôle de Pomacle-Bazancourt : Archer Daniels Midland, la distillerie Cristanol et Nealia. Preuve que le choix de cette localisation résulte aussi de réflexions stratégiques. Ces nombreux gisements (pelures de pommes de terre, pulpes de betteraves, solubles de blé) serviront à nourrir les insectes présents sur la zone de l’Etoile.
Ayant choisi une approche intégrée pour développer l’usine ardennaise, Agronutris a opté pour une collaboration avec le groupe Bülher. Le leader mondial de l’équipement agro-industriel intégré assurera la mise en place de solutions industrielles favorisant la transformation de co-produits en ingrédients de haute qualité. Ce choix permet à la société occitane de limiter le nombre d’acteurs avec lesquels elle interagit tout en se focalisant sur ses activités stratégiques (la biologie de l’insecte) et la gestion opérationnelle des flux.
« Le chantier mené à Rethel a pour ambition d’implémenter notre procédé industriel afin de le rendre, par la suite, réplicable sur les neuf autres lieux de production appelés à ouvrir en France d’ici 2029 », précise Cédric Auriol qui, avec Mehdi Berrada, chapeaute une structure de 30 collaborateurs Avant cela, à l’horizon 2024, Agronutris ambitionne de créer 140 emplois dans le Grand Est (dont 60 à Rethel (techniciens de maintenance, opérateurs de production, éleveurs d’insectes, employés administratifs et un animateur d’usine) et 60 en Occitanie.
Fabrication de trois produits innovants et durables
À Rethel, après les phases de reproduction dans un espace dédié et respectueux du cycle de vie de l’insecte, puis de bioconversion (durant laquelle les larves vont se gorger de nourriture) et enfin de transformation via un procédé automatisé de décantation continue (lavage, broyage, délipidation, séchage), Agronutris élaborera trois produits destinés aux marchés de l’aquaculture, du petfood et de l’agriculture biologique. D’abord, la farine d’insectes Ultra’In qui répondra aux besoins des poissons d’aquaculture et des animaux de compagnie.
Ensuite, l’huile d’insectes Liboost, une alternative durable aux huiles végétales utilisées en alimentation animale. Enfin, l’engrais organique Fairtil, riche en azote, phosphore et potassium. Ce fertilisant sera éligible à l’agriculture biologique. Pour la commercialisation et la distribution aux fabricants d’aliments pour poissons d’aquaculture et animaux de compagnie de ces produits innovants et de haute qualité, Agronutris privilégiera, on le sait, l’élevage de la mouche soldat noire (ou BSF).
« Avec des conditions d’élevage optimisées, les larves élevées à Rethel pourront multiplier leur poids par 10 000 en seulement deux semaines »
« Elle possède une incroyable capacité à évoluer sur une grande diversité de substrats. Son cycle de développement est extrêmement court. Il ne faut que quelques semaines à la BSF pour passer du stade larvaire à l’échelon adulte. Avec des conditions d’élevage optimisées, les larves élevées à Rethel pourront multiplier leur poids par 10 000 en seulement deux semaines. Elles seront ensuite transformées en farine de haute qualité nutritionnelle : 60 % de protéines et 10% de lipides », explique Cédric Auriol en présentant un procédé d’une efficacité redoutable.
Cette activité de bio-économie, encore inédite dans les Ardennes, présente aussi l’avantage de s’inscrire dans une démarche d’économie circulaire. L’industrie des insectes étant une solution exemplaire pour recycler, comme substrat d’élevage, les co-produits et déchets d’autres industries mais aussi les invendus de la grande distribution impropres à la consommation humaine.