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Agriculture : réaffirmer la place des femmes

Visite. Annie Genevard, ministre de l’Agriculture (depuis septembre 2024) mène une consultation nationale sur la place des femmes dans ce secteur. Elle est ainsi venue à la rencontre de quinze d’entre elles, agricultrices et viticultrices, afin de récolter leur expérience et d’établir les points à améliorer.

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photo de Annie Genevard
Annie Genevard, aux côtés du préfet lors de l’échange avec les femmes agricultrices. (Crédits : ND)

« Quand on m’a demandé de m’engager sur la liste des municipales de la ville de Morteau (Doubs), on l’avait tout d’abord proposé à mon mari… qui avait refusé. » Cette anecdote livrée par la ministre de l’agriculture, Annie Genevard, représente assez bien la teneur des échanges qu’elle a eu avec une quinzaine d’agricultrices et viticultrices, venues livrer leurs expériences en tant que femmes dans un secteur traditionnellement masculin. Pour la petite histoire, une fois qu’Annie Genevard a mis les pieds en politique, elle ne l’a plus quittée. Maire pendant 15 ans, puis députée de la cinquième circonscription du Doubs, secrétaire générale des Républicains, puis présidente par intérim, vice-présidente de l’Assemblée nationale et enfin, aujourd’hui, ministre, c’est avec constance et pugnacité qu’elle a mené sa carrière. Une trajectoire qui parlait aux femmes qu’elle était venue voir, dans le cadre du lancement d’une consultation nationale sur la place des femmes dans l’agriculture, avec comme objectif la constitution d’un plan d’action d’ici octobre 2025. Saluant celles qui sont engagées « professionnellement, syndicalement, associativement », la ministre a dévoilé ce chiffre : 80% des agricultrices considèrent qu’il est plus difficile de se faire une place dans ce milieu lorsque l’on est une femme. Difficulté d’installation, des conditions de travail, d’équilibre entre vie professionnelle et familiale…

Nécessité du renouvellement des générations

Ainsi, si de plus en plus de femmes vont dans les lycées agricoles (44% d’un effectif total de 150 000 en 2025), la majorité se dirigent vers des formations de services et non dans la production. « Pourtant, dans les années à venir, nous allons être confrontés à la nécessité du renouvellement des générations », insiste la ministre. La Champagne fait néanmoins figure d’exemple puisque c’est le bassin viticole le plus féminisé de France avec 44% de femmes à la tête d’exploitations, quand le reste de l’hexagone est à 27%. « L’intérêt des filles se joue beaucoup dans la sphère familiale », confie Ophélie Lapie Lamiable, viticultrice à Tours-sur-Marne. Pour encourager les jeunes filles à se diriger vers ces filières, elle propose d’encourager l’embauche de formatrices, voire même de constituer des groupes exclusivement féminins.

Marie-Pierre Lutet-Charpentier, nouvelle présidente du Groupe des Jeunes Vignerons de la Champagne et première femme à occuper ces fonctions, soulevait pour sa part, la difficulté d’avoir des solutions de garde pour les enfants lorsqu’on a des horaires atypiques. Jeune maman d’un enfant de deux mois, elle livrait avoir eu recours au service de remplacement, pas toujours bien connu des exploitantes agricoles. « La flexibilité, c’est ce dont nous avons grandement besoin ». Car aux contraintes domestiques s’ajoutent aussi les contraintes administratives. « La charge de l’administratif pèse encore beaucoup sur les femmes, notamment lorsqu’elles sont associées à leur mari sur une exploitation. » Ce à quoi Annie Gennevard répond : « C’est une obsession pour moi de simplifier vos métiers. »

Outre les problématiques de formation, la santé ainsi que les risques psycho-sociaux ont été abordés lors de l’échange. « L’approche One health (qui promeut une approche intégrée, systémique et unifiée de la santé publique, végétale, animale et environnementale aux échelles locale, nationale et planétaire, ndlr.) doit être menée pour les hommes et femmes dans l’agriculture. Un agriculteur en difficulté physique ne sera plus à même de bien s’occuper de son exploitation ni même de sa transmission », insiste Séverine Couvreur, qui accueillait la ministre sur son domaine viticole de Rilly-la-Montagne.

Enfin, c’est la question de la représentativité féminine dans les instances qui a été abordé. Si 44% de femmes sont à la tête d’une exploitation viticole en Champagne, seulement 15% d’entre-elles sont présentes au sein des instances du Syndicat Général des Vignerons (SGV). Marie Gailliot, administratrice VIVESCIA en charge du groupe du travail gouvernance connaît donc bien le sujet. « Quand une femme s’investit, on la repère, et ensuite, c’est toujours à elle qu’on va demander de s’investir dans d’autres domaines. Il faut donner les moyens pour démocratiser cette représentativité. La formation est en cela très importante. » Attentive aux échanges nourris avec la quinzaine d’exploitantes, la ministre de l’Agriculture a assuré « vouloir que les politiques publiques prennent davantage en compte leurs besoins spécifiques, que ce soit en matière de formation, de transmission, d’installation, de santé ou de conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. »