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Acheter responsable en associant collectivités et entreprises

Dispositif. Après une année de préparation et de construction grâce à la mise en place d’un comité de pilotage intégrant les services des collectivités ainsi que les organismes professionnels, le SPASER, Schéma de Promotion des Achats Socialement et Écologiquement responsables de la Ville de Reims et du Grand Reims, a été lancé le 9 janvier.

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Photo du comité de pilotage
Collectivités et organismes professionnels ont intégré un comité de pilotage qui a travaillé sur le SPASER pendant une année. (Crédit : MM)

On pourrait penser qu’il s’agit là d’un énième Schéma. Pourtant, le sujet des achats responsables est important puisqu’il implique non seulement les collectivités mais également tout un écosystème économique. Rendu obligatoire depuis le 1er janvier 2023 par la loi Climat et Résilience au-delà de 50 M€ d’achats annuels (la Ville et le Grand Reims ont dépensé 266 M€ en 2022), ce Schéma formalise une stratégie d’achat plus « inclusive, efficiente économiquement et respectueuse de l’environnement », indique Arnaud Robinet, Maire de Reims.

« Au-delà de la loi, il s’agit de répondre à deux exigences fondamentales : d’une part, l’exemplarité de la gestion des deniers publics. Le SPASER concourt à la bonne gestion des budgets, Ville et Communauté urbaine, en ajoutant à la bonne tenue des comptes, l’exigence de la durabilité et l’impératif écologique. D’autre part, celle d’être des partenaires de l’économie locale, et ce a fortiori, dans un contexte économique difficile où la commande publique doit soutenir avec force les entreprises et les artisans », insiste-t-il.

35 fiches actions

Le SPASER devrait ainsi favoriser l’accès aux marchés aux petites entreprises ou aux structures d’insertion. Au total, 35 fiches actions ont été établies répondant à 12 objectifs comme « favoriser l’accès des opérateurs économiques aux contrats de la commande publique » ; « impulser la consommation responsable » ; « réduire les pollutions liées à l’exécution des contrats de la commande publique » ; « développer le recours aux structures de l’économie sociale et solidaire » ou encore « mieux définir en amont le besoin de l’achat ». Pour ce dernier point, c’est la question du sourcing qui est centrale. « Le sourcing doit être entendu au sens large, c’est celui préalable au lancement d’une procédure mais aussi celui intervenant après pour comprendre les raisons qui font que peu de candidats se sont présentés notamment », indique Émilie Frey, directrice de la mission de la Commande Publique pour la Ville de Reims.

« Cela permet d’adapter les procédures d’appels d’offres en y ajoutant des variantes notamment en termes d’innovation. » Le SPASER doit donc être un dispositif « obligatoire certes, mais sans contrainte », souligne Mario Rossi, vice-président délégué à l’administration générale et à la commande publique. « Souvent une PME n’est pas toujours organisée pour répondre à la commande publique », fait savoir Anne Desveronnières, vice-présidente déléguée à l’environnement, la transition énergétique et la bioéconomie. « C’est pourquoi nous avons proposé la mise en place de check list. C’est-à-dire répertorier toutes les actions mises en place par les TPE, déjà vertueuses, mais pas forcément identifiées comme telles par l’entreprise. C’est une solution facile et efficace pour pouvoir répondre à un appel d’offre public. » Lier les compétences a aussi été un des axes développé lors des ateliers du comité de pilotage.

« Avec la Chambre d’Agriculture, nous avons par exemple lié les compétences pour que plusieurs petites entreprises puissent répondre à la commande. Cela peut être le cas notamment dans le cadre de fournisseurs locaux pour les cantines scolaires. C’est comme ça que l’on peut réunir l’environnement et l’économie pour une solution vertueuse et pérenne pour le territoire. »

Des valeurs similaires

L’élaboration du SPASER a été menée en lien avec la stratégie ESS (économie sociale et solidaire) du Grand Reims et de la Ville de Reims. En effet, une des actions emblématiques du schéma est de valoriser les structures qui emploient des personnes éloignées de l’emploi afin d’atteindre 80 000 heures d’insertion annuelles. « Le choix a été de co-construire cette démarche. Il y avait une dynamique pour trouver des solutions adaptées au tissu local », explique Thomas Dubois, conseiller communautaire dédié à l’ESS. « Nous allons avoir recours, dans le cadre de l’ESS, à des marchés réservés et à des variantes, c’est-à-dire des solutions alternatives proposées par les opérateurs publics, pour pouvoir avoir une progressivité dans les exigences », précise Émilie Frey.

« Dans ce cadre, des clauses pour l’égalité hommes / femmes vont notamment être intégrées pour contracter avec des entreprises qui ont les mêmes valeurs que la collectivité. » Toutes ces mesures sont à faire connaître auprès des entreprises qui, souvent, ont une méconnaissance des outils et process à mettre en place pour favoriser leur candidature sur des appels d’offres publics. C’est notamment le cas des TPE qui n’ont pas de services dédiés. Dans le cadre de l’élaboration du SPASER, collectivités et organismes professionnels ont travaillé de concert.

« Lors des ateliers, nous avons fait ressortir les problématiques de terrain et les difficultés que pouvaient rencontrer les entreprises » explique Valentin Nicotra, Chargé de développement économique spécialisé dans l’accès à la Commande Publique pour les artisans du Grand Est. « Nous informons par exemple les entreprises sur l’importance du choix des matériaux et des lieux des fournisseurs. » Et même si les entreprises sont conscientes qu’une transformation des pratiques est nécessaire, elles n’en restent pas moins anxieuses des obligations légales et réglementaires qui s’ajoutent d’année en année. « Nous sommes dans une période transitoire du développement durable. Dans le milieu du bâtiment, les entreprises voient les contraintes se multiplier sans pour autant voir une amélioration de leurs marges », souligne Joëlle Humbert, juriste à la FFB.

En effet, les TPE et certaines PME n’ont pas forcément de services dédiés, il est donc difficile pour elles d’accéder aux marchés publics. « Notre objectif au sein du comité de pilotage a été d’expliquer aux collectivités les problématiques que rencontrent les entreprises. Nous les sensibilisons et formons également afin de décomplexifier leurs démarches », ajoute-t-elle. « Changer de pratiques pour les plus petites entreprises coûte bien souvent du temps et de l’argent, mais à la fin, quand on démontre que ces adaptations ont eu pour résultat d’avoir décroché un marché, là, elles comprennent que ce n’était pas en vain », confie Valentin Nicotra, précisant que la CMA accompagne les artisans dans tout le cheminement de ces évolutions jusqu’à la relecture du mémoire technique qui permet de candidater sur un appel d’offres de marché public. Aurélien Petit, conseiller en financement d’entreprise à la CCI insiste d’ailleurs sur le fait que tous les secteurs sont concernés par ces problématiques.

Le SPASER a ainsi vocation a impulser une dynamique nouvelle pour tous les contrats de commande publique notamment par le biais d’outils incitatifs comme le versement d’une prime valorisant le prestataire ou le fournisseur ayant investi sur des méthodes et procédés innovants et plus respectueux de l’environnement. Le document prévoit également des actions pour améliorer les conditions financières des marchés comme l’adaptation des indices de révision (plus particulièrement des marchés de travaux soumis au cours des prix des matières premières et matériaux), l’augmentation des avances consenties ou encore la réduction des délais de paiement. Le SPASER, tel qu’il a été rédigé [1], est testé sur deux années. Après en avoir tiré un bilan c’est une version définitive qui sera adoptée.