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À Oiry, Verallia fait briller son savoir-verre XXL

Industrie. Le site Verallia de Oiry, près d’Epernay (Marne) est l’un des sept sites hexagonaux du groupe français où sont produites 550 tonnes de verre par jour. Parmi les spécialités du site, la fabrication de grands contenants (jusqu’à 15 litres) dont la production est réalisée chaque fin d’année.

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Photo des grands contenants fabriqués à Oiry
Les grands contenants fabriqués à Oiry en fin d’année sont le plus souvent destinés aux grandes Maisons de Champagne et aux cuvées d’exception. (Crédit : BB)

Parmi les 210 millions de flacons qui sortent chaque année du site marnais de Verallia, certains produits se distinguent tout particulièrement. Le groupe leader en Europe et 3e producteur mondial les appelle « les grands contenants », ce sont des bouteilles de formats hors norme, bien connues en champagne sous les noms de Mathusalem, Salmanazar, Balthazar et Nabuchodonosor. Ils contiennent respectivement 6, 9, 12 et 15 litres et nécessitent une attention toute particulière dans leur production. Tout juste sorti du four, le verre en fusion est découpé en « gouttes » de plusieurs kilogrammes, selon la taille du flacon désiré. Les gouttes sont coulées dans un premier moule « ébaucheur », puis dans un second, appelé « finisseur », qui définit la forme et le design final des bouteilles.

Photo de « gouttes » de verre en fusion transformées en bouteille
Chaque « goutte » de verre en fusion est transformée en bouteille de champagne standard (75cl) en moins de dix secondes. (Crédit : BB)

Une étape qui, si elle prend moins de dix secondes pour une bouteille de champagne classique de 75cl, peut prendre jusqu’à une minute pour les grands contenants. Ceux-ci sont ensuite contrôlés unitairement par un verrier spécialisé, qui en vérifie soigneusement la conformité, l’aspect, la dimension et l’absence de défaut. Puis, chaque flacon est testé à la pression grâce à un robot qui en vérifie la résistance et la pression, avant d’être une nouvelle fois contrôlé par un expert verrier, recouvert d’un film de protection puis expédié.« Le marché champenois est très exigeant en termes de contraintes », souligne Franck Blondelle, le directeur du site de Oiry, faisant notamment référence à la nécessaire résistance à la pression des bouteilles de tous formats. La pression d’une bouteille de 75 cl est comprise entre 6 et 8 bars, mais elle est conçue pour résister à une pression trois fois supérieure. « Jusqu’à 23 bars », précise le directeur. « Nous appliquons aussi un premier traitement de surface très important pour augmenter la résistance mécanique de l’article. Un second traitement sert quant à lui à éviter les rayures ». Exigeante techniquement, la production des grands contenants, destinée aux grandes maisons et aux occasions exceptionnelles, est effectuée chaque année en fin de saison automnale et nécessite la mobilisation des équipes et des machines pour ces manipulations hors normes.

Photo d'un grand contenant contrôlé un expert verrier.
Chaque grand contenant est contrôlé unitairement par un expert verrier. (Crédit : BB)

Réduction des émission de CO2

Un savoir-faire savamment préservé sur le site de Oiry depuis des décennies. « Nous fabriquons ces grands contenants sur ce site depuis 1992 », souligne Jérémy Fernandes, directeur de marché Champagne de Verallia France. Il s’agit d’ailleurs de la seule usine à réaliser ces flacons en France, les deux seuls autres sites capables de cette prouesse technique dans le monde étant situés en Italie et au Mexique.

Pour rester parmi les leaders mondiaux, depuis plus de quatre ans, le groupe Verallia s’est engagé dans une démarche de décarbonation de ses activités. Une stratégie qui se joue à plusieurs niveaux, à commencer par les économies d’énergie, source de réduction des émissions de CO2. « Notre objectif est de réduire nos émissions de 46% d’ici 2030 », précise Jérémy Fernandes. La température des fours s’élève à 1500 degrés pour chauffer le calcin (débris de verre issus du recyclage ou de déchets de production du site) et un mélange composé principalement de sable, carbonate de sodium et calcaire, afin d’obtenir un verre en fusion. Composant essentiel de la production de verre chez Verallia, le calcin représente 94% de sa composition, avec un double avantage : le premier étant de réutiliser à l’infini et sans déperdition le verre issu du recyclage, le second étant de nécessiter moins d’énergie que pour la fusion de la silice qui doit, elle, atteindre 1700 degrés.

Le deuxième axe de progression en matière environnementale avait été dévoilé à l’été 2024 et concerne l’allègement de la bouteille. Après quatre ans de R&D, d’essais et de tests grandeur nature à tous les stades de la production avec la Maison de Champagne Telmont, Verallia a présenté la bouteille Champenoise Ecova 2. D’un poids de 800g (contre 835g actuellement), elle permet une réduction de 4% des émissions de CO2, sans aucune différence au niveau de la qualité ou de l’expérience consommateur, assure le groupe verrier. Grâce à cette nouvelle bouteille, Verallia aura allégé de 100 grammes la bouteille standard champenoise en moins de 15 ans, puisque jusqu’en 2010, cette dernière pesait encore 900g. En début de commercialisation, la Champenoise Ecova 2 a pour ambition de remplacer, à terme, les bouteilles actuelles. « On estime que pour un million de bouteilles produites, on économisera 10 tonnes d’émission de CO2 grâce à cette bouteille », souligne Jérémy Fernandes.

Photo de Franck Blondelle et Jérémy Fernandes
Franck Blondelle, directeur du site de Oiry et Jérémy Fernandes, directeur de marché Champagne - Verallia France. (Crédit : BB)

Fours hybrides et électriques

Son troisième axe de progression, Verallia est allé le chercher du côté de ses fours. Alimentés à 80% par de l’énergie fossile et à 20% par de l’électricité, les fours traditionnels sont de gros consommateurs d’énergie pour atteindre les températures nécessaires à la fusion du calcin. C’est ainsi qu’en 2023, après un investissement de 57 millions d’euros, le groupe a mis au point un four 100% électrique, dont les premières bouteilles de verre blanc et extra-blanc sont sorties en avril 2024, permettant une réduction de 60% des émissions de CO2 par rapport à un four traditionnel. Pour le verre coloré, Verallia travaille actuellement sur un four hybride pouvant fonctionner avec 80% d’électricité et 20% de gaz sur son site de Saint-Romain-le-Puy, dans la Loire.

À Oiry, parmi les 500 000 flacons produits chaque jour, on trouve essentiellement des bouteilles champenoises, mais le site produit aussi des grands contenants pour d’autres régions comme pour le Bordelais par exemple.