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À Oger, Qanopée va sécuriser la vigne de demain

Viticulture. Implantée à Oger, sur la commune de Blancs-Coteaux, la future serre de QANOPÉE sera destinée à sécuriser la production de plants de vigne pour le vignoble du quart nord-est de la France.

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Représentation 3D du site d'Oger
La construction du site d’Oger est assurée par un groupement d’entreprises conjointes (Thouraud, Manière-Mazocky Architecture, Cohésens, CMF serriste et Urban Water). L’Assistance à Maîtrise d’Ouvrage a été confiée à Asciste Ingénierie et à ARRDHOR – CRITT Horticole. (Crédit : MANIERE-MAZOCKY)

Projet innovant, ambitieux, collectif… Alors que sa première pierre vient tout juste d’être posée, tous les partenaires et les observateurs sont unanimes pour souligner le caractère exceptionnel de QANOPÉE.

Pour mémoire, QANOPÉE est un projet porté par trois régions viticoles majeures, Beaujolais, Bourgogne, Champagne, qui se sont associées pour la première fois avec pour objectif de construire en commun une serre « insect-proof » (à l’abri des principaux vecteurs de maladies à virus, bactéries et phytoplasmes, NDLR) et bioclimatique de conservation et de prémultiplication du matériel de base (à partir du matériel fourni par l’Institut Français de la Vigne et du Vin) pour les plants de vigne. Un projet qui répond à un enjeu majeur pour l’ensemble des vignobles français.

En premier lieu parce que la production de plants de vigne en plein champ pratiquée actuellement est menacée par l’extension ou l’émergence de maladies qui font mourir les plants de vigne, comme le souligne Jean-Michel Dumont, président du syndicat des pépiniéristes champenois, qui regroupe une quinzaine de pépiniéristes locaux : « La règle de base d’une production de plants c’est la qualité sanitaire. Aujourd’hui, la gestion et la production du matériel végétal se fait en extérieur, avec des risques de contamination. La serre QANOPÉE va non seulement permettre de protéger les plants des contaminations et donc d’assurer la qualité sanitaire de l’existant, mais elle va aussi permettre d’accélérer la création de nouvelles variétés, puisque la production est plus rapide en culture hors-sol qu’en plein champ. »

À l’échelle des trois vignobles partenaires, l’enjeu est majeur. « On avait ce devoir de sécuriser et de transmettre ce matériel végétal aux générations futures, puisqu’on est persuadés qu’il y a encore un avenir dans le vin pour de nombreuses générations », souligne le président de QANOPÉE, Thiébault Huber, qui est également le président de la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne (CAVB).

« Une grande réflexion a été lancée, on s’est mis autour de la table avec les pépiniéristes car c’est important que tout le monde puisse travailler ensemble et que toute la filière se mette en ordre de marche sur ce matériel végétal ».

Un projet à 8,2 M€

Dans ce cadre, les représentants des trois régions partenaires ont créé une association en octobre 2022, présidée par Thiébault Huber. Le projet majeur de QANOPÉE c’est donc la construction d’une serre de 4 500 m2, dont les travaux ont déjà débuté. Important dans sa dimension novatrice, QANOPÉE l’est aussi en matière de financement, puisque le montant global du projet est de 8,2 millions d’euros.

Porté en partie par les trois organisations interprofessionnelles (pour une mise au pot de l’ordre de 800 000 euros) et par les collectivités locales des trois régions (1,2 M€), il va surtout faire l’objet d’une subvention du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), de l’ordre de 4,8 M€, le reste étant financé par un emprunt contracté par l’association (1,4 M€).

Soulignant « la force de cette démarche collective dont l’ambition mérite d’être saluée », Franck Leroy, président de la Région Grand Est a rappelé à quel point il était important que les acteurs viticoles aient saisi la réalité du changement climatique et ses impacts sur leurs vignes et leurs vins.

« QANOPÉE, c’est la traduction d’une détermination, celle de ne pas subir, de ne pas se résigner face à l’adversité, aux maladies, aux au virus, aux effets ravageurs du changement climatique sur notre terroir, mais au contraire, de trouver et de mettre en œuvre concrètement les voies et moyens d’y répondre avec la plus grande efficacité et de manière durable. QANOPÉE, c’est enfin un message d’avenir et de confiance que nous avons toutes et tous à cœur d’adresser à nos professionnels de la vigne et du vin », a-t-il souligné.

Un avis partagé par Pascal Desautels, maire délégué d’Oger et vice-président d’Epernay Agglo Champagne qui n’a pas manqué de souligner l’implication des élus de toutes les collectivités, des services de l’Etat, des propriétaires fonciers et des interprofessions pour l’implantation du projet sur le territoire champenois.

« Deux-trois bonnes années qui se succèdent ne peuvent et ne doivent pas faire oublier les deux-trois précédentes ni la tendance générale… note » Gilles Demersseman, conseiller régional de la Région Bourgogne-Franche-Comté, délégué à l’agriculture biologique. « S’il est nécessaire de tout faire pour freiner le dérèglement climatique et ses effets sur l’Homme, la biodiversité, l’environnement – je pense notamment aux sécheresses générant du stress hydrique pour la végétation ou encore aux amplifications de phénomènes météorologiques la grêle, les inondations qui entraînent des destructions de production –, il est impératif de s’y préparer, de s’y adapter autant que faire se peut ».

Mise en service en juin 2024

« Nous nous sommes battus pour mener à bien QANOPÉE, qui est le fuit d’une ambition collective, un projet innovant dans la démarche, un modèle de réussite dans le partenariat entre les interprofessions des trois vignobles », rappelle quant à lui Maxime Toubart, co-président du Comité Champagne et trésorier de l’association QANOPÉE.

« Sur ce site nous allons mettre les plantes dans de bonnes conditions pour pouvoir être réactif, car demain on ne sait pas si on ne va pas mettre d’autres variétés de Chardonnay, de Pinot meunier, de Gamay dans cette serre et bien d’autres plants vont pouvoir sortir. L’avantage de la serre c’est que si quelque chose ne fonctionne pas on pourra changer rapidement », souligne le président.

« Il y a des défis. On ne connaît encore pas tout : les porte-greffe sous serres c’est compliqué et on a encore peu d’expérience en la matière mais on est tous confiants. Nous avons tous l’objectif d’y arriver et de sortir des plants de qualité pour pouvoir restructurer le vignoble de France en tout cas celui du quart-nord-est ». La mise en service du site est prévue pour fin juin 2024, avec les premiers plants disponibles dès 2027.