60 ans d’innovation et de croissance pour le groupe Axon’
Industrie. Le groupe Axon’, spécialisé dans les solutions d’interconnectique (conception et fabrication de câbles et systèmes d’interconnexion) fête cette année ses 60 ans. Un anniversaire marqué par une croissance toujours soutenue, l’ouverture de deux filiales – au Canada et en Australie – ainsi que l’extension de son site de production de Montmirail (51).

Les Italiens la surnomment « la multinationale de poche », comme le confie Joseph Puzo, Président et fondateur d’Axon’Câble, devenu Groupe Axon’. « Multinationale », car aujourd’hui, force est de constater qu’Axon’ est devenue une entreprise qui pèse à l’international avec ses 21 filiales à travers 25 pays différents et ses 2 500 employés. Mais « de poche », car l’histoire a commencé au fin fond de la Marne, pour se construire petit à petit, tout en restant à taille humaine et familiale, et avec toujours, son siège social à Montmirail, petite commune de 3 500 habitants. Pour comprendre l’évolution considérable d’une entreprise qui, à la base, n’avait que cinq salariés, il faut remonter à 1965. À l’origine, l’entreprise était une filiale d’un groupe suédois, spécialisé dans le câblage et qui cherchait à s’implanter en France, en ruralité mais pas trop éloigné de Paris. Le choix se porte sur une ancienne usine de Montmirail, qui a la particularité d’avoir une hauteur assez importante pour y mettre de grands fours, nécessaires à la fabrication des câbles en PTFE (téflon).
Dans les années 80, la filiale suédoise grossit et atteint une centaine de personnes. Joseph Puzo, diplôme d’ingénieur en électronique en main, décide de rentrer de Suisse où il travaille, pour prendre la direction du site marnais, « une époque où plus de 200 PME fabriquait également du câble isolé en PVC, portées par le marché des téléphones fixes ». Or, plusieurs crises se succèdent, les prix du câble baissent et la concurrence fait rage. « Je me suis dit qu’il fallait que je trouve une idée pour nous différencier où c’était la fin du site de production de Montmirail », se remémore Joseph Puzo. Il décide alors de produire une variété de câble plus complexe sur le modèle de ce que fait Gore-Tex aux États-Unis. « J’ai cherché des Universités qui pouvaient nous accompagner sur la recherche et conclu un contrat avec les équipes de celle de Montpellier qui ont réussi à développer une méthode différente de celle de Gore-Tex. » Les commerciaux du directeur de site proposent alors leurs câbles moins chers mais tout aussi efficaces. L’entreprise reste néanmoins menacée par le rachat dont elle a fait l’objet par un fonds d’investissement appartenant à Volvo et qui se sépare de toutes les sociétés qui ne fournissent pas de pièces pour le secteur de l’automobile.
Décollage grâce à Ariane 5
Heureux hasard, en 1985, le gouvernement vote une loi qui permet aux salariés de reprendre une société sous le mode de la LMBO (Leveraged Management Buy out). Joseph Puzo finance alors, avec d’autres cadres, ce rachat dont le modèle est de rembourser le prêt effectué auprès des banques avec les profits des années qui suivent. Axon’ est d’ailleurs, à ce jour, la plus ancienne entreprise française créée sous rachat avec effet de levier. La spécialité de l’entreprise est alors la fabrication de fils isolés en PTFE, destinés à des environnements à haute température, notamment dans l’industrie. Pendant cinq années, l’entreprise poursuit son chemin jusqu’à décoller en 1990, en décrochant un appel d’offres lancé par l’Agence spatiale européenne pour le câblage d’Ariane 5. « Nous étions la plus petite société sur les rangs, face à des géants de dizaines de milliers de salariés comme Gore-Tex justement. Pourtant, nous avons obtenu 100% du marché », explique Joseph Puzo. Axon’ répondait à trois enjeux clés : faire du câble résistant à de très hautes températures et les miniaturiser ; développer des dérivateurs très légers (moins de 9 grammes) et proposer une résistance extrême en termes de protection électronique. Malgré un manque d’expérience dans l’aérospatial, Axon’ convainc donc l’Agence spatiale grâce à sa technologie. Ce partenariat a duré plus de vingt ans, jusqu’au dernier lancement d’Ariane 5, ce qui a permis à Axon’ d’acquérir un savoir-faire reconnu dans ce secteur. Aujourd’hui, l’entreprise travaille avec l’ESA, le CNES, la NASA, l’agence spatiale japonaise, et fournit des câblages pour des lanceurs, satellites, télescopes et sondes d’exploration.
« Nous avons câblé plus de 10 000 satellites. » À partir des années 1990, Axon’ entame une stratégie d’internationalisation. Elle rachète des sociétés existantes (comme en Allemagne) ou crée de nouvelles filiales : au Royaume-Uni, aux États-Unis, au Japon, puis en 2000, en Hongrie, Lettonie et Chine, avec cette fois des unités de production. L’objectif est de se rapprocher des clients et de produire à proximité de leurs implantations, mais aussi de limiter les coûts des salaires. « Après la chute de l’URSS, beaucoup d’ingénieurs se sont retrouvés sans emploi à cause de la fermeture d’usines. Cherchant du travail, ils ont commencé comme opérateurs dans nos sites de production pour évoluer ensuite à des postes à responsabilité », explique Joseph Puzo. Cette stratégie se poursuit dans les années suivantes : ouverture d’un bureau en Espagne (2003), implantation au Mexique (2006), création de filiales au Canada et en Australie en 2024. « En Inde, l’expansion s’est faite en plusieurs étapes : d’abord un bureau, puis de la production, et enfin la construction d’une usine à Bangalore en 2019. Aujourd’hui, Axon’ est présent dans une vingtaine de pays à travers ses filiales, et encore davantage via un réseau d’agents », indique Sandrine Hermant, Responsable marketing.
Diversification et adaptabilité
Pour expliquer cette progression, Joseph Puzo révèle que la réussite d’Axon’ tient dans sa diversification : « L’entreprise n’est pas dépendante d’un seul marché. Lors de la chute du marché des télécoms au début des années 2000, les salariés ont pu être reclassés dans d’autres secteurs comme l’aéronautique, le spatial, l’automobile ou l’énergie, assurant ainsi une résilience structurelle. » Ainsi, aujourd’hui, face à la baisse d’activité de certains marchés comme celui de l’automobile, Axon’ mise sur la polyvalence. Par exemple, en Hongrie, des opérateurs historiquement spécialisés dans l’auto sont actuellement formés à la fabrication de cordons destinés à d’autres marchés, notamment pour l’Europe de l’Est. Le développement de l’entreprise repose donc sur une maîtrise complète de la chaîne de valeur. « Elle sait fabriquer les conducteurs, les isoler, les assembler en câbles complexes, y ajouter des connecteurs, puis produire les contacts internes de ces connecteurs. Elle conçoit également les joints d’étanchéité et réalise les traitements de surface. Par exemple, le cuivre peut être transformé en cuivre argenté pour répondre à des exigences de conductivité ou de résistance. Tout cela est intégré en interne », détaille Sandrine Hermant. Les connecteurs circulaires ou rectangulaires que produit Axon’ sont issus d’un développement progressif, marché par marché.
Chaque technologie développée pour un client peut ensuite être proposée à d’autres marchés. C’est le principe d’innovation ouverte, ou de technologie diffuse. « Un exemple marquant est celui des harnais airbag : dans le volant d’une voiture, un câble plat − souvent signé Axon − permet la liaison électrique avec l’airbag. Cette technologie a ensuite été adaptée pour des systèmes électro-optiques embarqués sur des drones, qui nécessitent aussi des connexions flexibles dans un espace réduit », fait savoir la Responsable marketing, présente chez Axon’ depuis plus de trente ans. Toutes ces innovations sont notamment développées par le service de R&D du groupe composé de plus d’une centaine de personnes, réparties entre les bureaux d’études matériaux, transmission haut débit, hyperfréquences, etc. La majorité des ingénieurs est basée dans la Marne, mais certaines filiales à l’étranger disposent également de bureaux d’études pour rester proches des besoins spécifiques de leurs marchés. La diversification sectorielle est un atout. L’entreprise est présente dans l’industrie, l’aéronautique, l’énergie, le spatial, et désormais dans un secteur en forte croissance : la défense. Si le groupe investit beaucoup à l’étranger, il n’en délaisse pas pour autant son site marnais. En 2020, 4 millions d’euros ont été investis pour construire l’usine Axoplus de 4 000 m2 et en juin de cette année, un nouveau hall de production de 600 m2 qui agrandit l’atelier rubanage a été dévoilé.
« Cette technique, alternative à l’extrusion, permet d’isoler les fils en les entourant d’un ruban, plutôt que d’appliquer une matière fondue. Ce procédé est particulièrement apprécié dans les secteurs aéronautique et spatial, pour des raisons de gain de poids et de flexibilité. Une nouvelle machine de rubanage doit arriver à l’été, tandis qu’une autre, prévue pour janvier 2026, viendra compléter l’équipement du site. » 6 à 7 millions d’euros d’investissement ont été nécessaires pour l’ensemble de cette extension et l’acquisition de nouvelles machines. En 2025, le groupe Axon’ continue sa croissance avec un chiffre d’affaires consolidé de 205 millions d’euros.