Une mobilisation de 100 M€ pour la filière automobile régionale
Automobile. À l’heure des grandes concentrations internationales, la Région prépare la transformation de la filière automobile en matière de compétitivité, de nouvelles compétences des acteurs et d’impératifs dictés par la transition énergétique.
La Commission Développement économique du Conseil régional vient de rendre sa copie sur le sujet de l’accompagnement des transitions de la filière automobile, rapport voté en séance plénière du 16 décembre dernier. Sur la période 2022-2027, correspondant à l’actuelle mandature, le Plan régional Auto a vocation à mobiliser 100 M€ au bénéfice des acteurs de la filière. Les actions présentées dans le rapport ont pour objet de concourir à plusieurs enjeux : engager une nouvelle dynamique d’animation et d’anticipation des mutations, renforcer l’accompagnement individuel des démarches de diversification et poser un cadre de collaboration avec les constructeurs et les grands donneurs d’ordre du territoire régional.
Un plan de prospection sera piloté par la Région, avec l’appui du Pôle de compétitivité du véhicule du futur (siège à Etupes, sites à Mulhouse, Nancy, Magny-Cours et Saint-Dizier) et les agences de développement économique. Il vise l’accompagnement des sous-traitants et plus particulièrement celui des activités les plus impactées par les transitions de la filière (forges et fonderies, fabricants de pièces et composants spécifiques aux motorisations diesel). Des démarches territorialisées de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences vont viser les bassins d’emplois les plus concernés (accompagnement des salariés à la formation en reconversion).
La Région va aider l’implantation d’acteurs industriels dans le domaine des batteries et de l’hydrogène. Les 100 M€ dédiés à cette transition sont à destination des investissements de transformation, de relocalisation, de recherche et développement et d’innovation. Les modalités d’accompagnement visent deux finalités : conforter la place des sites régionaux dans la stratégie et les chaînes de valeur de chaque constructeur et équipementier et améliorer la gestion environnementale et l’impact énergétique des activités de production portées sur le territoire régional.
Une période charnière
La filière automobile régionale est d’ores et déjà confrontés aux transformations d’un marché à l’échelon mondial. La nouvelle alliance Stellantis couvre 14 marques automobiles dont 5 issues de PSA et 109 sites de production dans le monde. La Région s’appuie sur l’hypothèse d’une continuité de l’ère PSA dans ce nouveau groupe, sans oublier que la holding de la nouvelle entité est détenue à plus de 14% par la famille Agnelli quand la famille Peugeot se contente de 7%. Stellantis pose bien des questions d’avenir en matière de concurrence, notamment avec certains sites italiens du groupe.
C’est le cas, par exemple note la Région, du site de Trémery en Moselle, site de référence en matière de construction des moteurs de PSA, ex-leader de la fabrications de moteurs thermiques et de boîtes de vitesse, principale unité du nouveau groupe et qui vise la livraison de plus d’un million de moteurs électriques d’ici à 2024, mais dont la situation semble menacée par des usines italiennes (notamment celle de Termoli, sur l’Adriatique) futurs acteurs majeurs de l’électrification de Stellantis. Autre grand groupe présent dans le Grand Est, Renault vit à l’heure de son plan stratégique Renaulution : réduction de ses coûts de production tout en développant l’électrification de ses modèles, la souveraineté de ses usages numériques, son économie circulaire et le développement de l’hydrogène pour véhicules utilitaires légers.
Toutes les décisions futures de Renault, sur ce dernier axe, concerne directement l’avenir du site régional de Batilly en Meurthe-et-Moselle (carrosserie et montage de véhicules utilitaires) qui emploie 2 700 salariés et a livré plus de 3 millions d’unités depuis sa création en 1980. L’avenir de Batilly passe, lui aussi, par l’électrique et l’hydrogène. Enfin, du côté de chez le britannique INEOS, on se prépare, à la suite de la Smart de Mercedes, sur le site d’Ambach en Moselle (1 300 salariés) la fabrication du modèle 4X4 Grenadier, au départ à moteur thermique, en attendant d’autres formes de motorisation. Le site vit encore des Smart assemblées pour le compte de Daimler. Dans cette galaxie mondiale d’alliances entre constructeurs, l’avenir de la filière régionale automobile est suspendu aux décisions des grands groupes originaires d’Italie, du Japon, de la Belgique, des USA, de l’Angleterre … Voire d’ailleurs au fil des concentrations en marche.
Le passage obligé de l’électrification
Quelles soient européennes ou françaises, les lois précisent le calendrier de la fin des moteurs thermiques : les plus de 95g de CO2 par km en 2030, l’obligation des zones à faibles émissions de CO2 en 2024, le quota de véhicules propres dans les parcs automobiles des collectivités. Des constructeurs suivent : Stellantis annonce la fin des moteurs diesel en 2025 et Renault indique que l’ensemble de sa gamme sera électrique ou hybride à partir de 2022.
En matière d’anticipation, le rapport de la Région note : « L’électrification des véhicules a un impact sur le volume et le type d’emploi, car elle indique la disparition des emplois liés aux moteurs thermiques » et alerte : « le nombre de pièces pour un moteur électrique est cinq fois moins important que pour celui d’un moteur thermique ». Donc : moins de main-d’oeuvre. La limitation des véhicules dans les zones urbaines et l’optimisation de leur utilisation impliquent une diminution structurelle du nombre de véhicules sur le marché. L’électrification devrait ainsi avoir un impact négatif sur l’emploi (60 000 emplois menacés en France).
100 M€ mobilisés
Sur les 200 projets d’investissements annoncés en juillet 2020, dans le cadre du Business Act, 70 ont déjà été cofinancés par la Région et l’Etat et autant sont dans une phase de diagnostic. Sur la période 2022-2027, 100 M€ seront mobilisés directement en faveur des établissements régionaux de la filière automobile pour leurs investissements de transformation, de recherche, de transition et d’innovation.
Cette aide financière viendra principalement de la Région, des programmes nationaux et des fonds européens. Les aides de la Région ont une contrepartie : le respect des protocoles d’accord conclus avec les constructeurs, notamment en matière de partage des informations indispensables pour l’anticipation des transitions impactant les emplois directs et indirects découlant de l’activité des constructeurs et de stabilisation des effectifs salariés directs à moyen terme.