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Un bilan et des perspectives de l’économie locale en demi-teinte

Patronat. La construction en quasi-péril, la réindustrialisation atone, le Champagne dans l’inquiétude du bilan 2024 et les services aux entreprises en mal de perspectives optimistes, le Medef Marne rend, à l’issue d’une conférence de presse musclée, une copie anti langue de bois.

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Photo d'Alain Sacy, Christian Brethon, Damien Sionneau et Jérôme Sévéan
De gauche à droite, Alain Sacy, Secrétaire, Christian Brethon, Vice-président délégué, Damien Sionneau, Président du Medef Marne, Jérôme Sévéan, Vice-président. (Crédit : GD)

« Une conjoncture mitigée, avec des activités qui vont bien et d’autres moins bien. » En ouverture de la conférence de presse du Medef Marne, le ton est donné par son Président qui, évoquant la situation du secteur du bâtiment, poursuit : « Nous assistons à un ralentissement que l’on n’avait pas connu depuis les années 50, avec une construction bloquée à 250 000 logements par an en France ». Damien Sionneau pointe la situation dans le département de la Marne : 44% de baisse pour les logements commencés sur les douze derniers mois.

S’il mentionne des espoirs pour l’immobilier avec des taux d’emprunt annoncés à 2% et des légers progrès pour l’entretien et la rénovation, une activité qui gagne 1% sur un an, avec les péripéties de MaPrimeRenov’ pouvant conduire à un repli d’au moins 50% des travaux réalisés sous ce dispositif et pour les six premiers mois de l’année, pour Damien Sionneau c’est bien la construction qui est en péril.

Un crash du bâtiment au bilan 2024 ?

Réalité ou alarmisme, le Président Sionneau conclut : « L’Etat n’entend pas le sujet, sauf quelques mesurettes insuffisantes. On s’attend, après une hausse de 40% des défaillances d’entreprises du secteur, à une nouvelle accélération. Les risques pour l’emploi sont énormes. Si cette conjoncture persiste, nous allons assister à un véritable crash dans le bilan 2024 du bâtiment ».

S’exprimant au nom de l’Union des Maisons de Champagne, Alain Sacy explique une situation du secteur redevenue normale, après l’engouement des acheteurs en 2022 et l’accalmie révélée en 2023, avec une baisse des expéditions qui se poursuit au cours du premier semestre 2024. Le Secrétaire du Medef Marne étaie son argument sur deux points. D’abord prendre du recul : « Il faut considérer les résultats des expéditions sur les cinq dernières années », ensuite « on doit considérer que nous sommes arrivés à une plus juste valorisation du Champagne ».

Les prévisions d’Alain Sacy : « Nous arrivons toujours à une régularisation et les Maisons de Champagne sont prudentes, au point d’avoir pour certaines d’entre elles, repoussé des investissements programmés. Sur les prix, ils peuvent désormais stagner ». Prière de donner la priorité à la valeur du produit plutôt qu’aux fluctuations des volumes, même si de l’aveu du Pdg de Louis de Sacy, l’année 2024 pourrait finalement s’avérer tendue.

Une réindustrialisation mal orchestrée

Inadéquation de l’offre et de la demande, problèmes de formation et de personnel, risque de laisser partir des activités à l’étranger, coût des énergies, un secteur automobile dans l’expectative, l’apparition de demandes d’activité de temps partiel, un certain fléchissement des carnets de commandes… La mise en bouche de Christian Brethon sur la conjoncture industrielle est plutôt amère. Les inquiétudes du Vice-président délégué du Medef Marne ne s’arrêtent pas là.

Les signaux du Gouvernement inquiètent le Medef. La semaine en quatre jours ? « Un dispositif inapplicable dans l’industrie et qui semble aller vers la semaine à 32 heures de travail. Comment réindustrialiser un pays qui ne travaillerait que 32 heures par semaine ? » Pour Christian Brethon vient s’ajouter à ce paysage anxiogène le CETU, Compte Epargne Temps Universel qu’il qualifie de sorte de sixième semaine de congés payés, avec ce sentiment sur l’agenda parlementaire : « Légiférer sur le CETU ne nous apparaît pas être aujourd’hui une priorité ».

L’industrie est mondiale et donc délocalisable. Le Vice-président du Medef Marne évoque, tour à tour, l’arrivée des technologies et des produits chinois dans les usines automobiles françaises, la vraie folie de l’arrêt des moteurs thermiques en 2035. Le problème est que l’on ne change pas un choix technologique en si peu de temps.

Les mauvais exemples des batteries et des panneaux solaires Christian Brethon en rajoute sur la mondialisation de l’industrie : « Nous sommes en train de refaire le coup des panneaux solaires. Plus d’entreprises françaises capables de concurrencer les prix chinois. Même inquiétude du côté de la fabrication des batteries automobiles en France, avec du matériel chinois ». L’industrie française, inévitablement concurrentielle, vit une situation très instable.

Une situation particulièrement délicate au niveau régional, telle que la commente le Vice-président national de l’UIMM, l’Union des Industries et Métiers de la Métallurgie : « La réindustrialisation post-Covid est loin de nos attentes. Sur ce sujet, le Grand Est manque de main-d’œuvre qualifiée et d’attractivité du territoire. C’est une des régions les plus impactées par la baisse démographique. Quel avenir industriel pour un département comme la Marne, essentiellement assis sur une bipolarité Champagne et agroalimentaire ? »

"Précariser le chômage"

Très attachés à l’avenir professionnel des jeunes, les cadres du Medef Marne constatent : « Nous n’avons pas gagné la bataille de l’apprentissage. Entre les baccalauréats professionnels et les licences, il nous manque des opérateurs. Trop de mauvaises orientations. Des machines à casser des jeunes ». La réforme de l’assurance chômage ? On s’attaque enfin à un vrai problème. Avec ce raccourci évocateur : « Il va falloir précariser le chômage ». Ou cet autre : « 10% de chômeurs sur Reims et on va chercher des vendangeurs à l’autre bout de l’Europe ! »

Evoquant le secteur des services, le Vice-président Jérôme Sévéan n’est pas plus optimiste : « Nous constatons une absence de perspectives économiques nuisible au secteur des services aux entreprises et une réduction des investissements (-35%), à cause des taux d’intérêts. Pour les mêmes raisons, peu d’innovation. Sauf si vous parlez de Cybersécurité ou d’Intelligence Artificielle ».