Tu et elle pour conjuguer le verbe entreprendre
Entrepreneuriat. Les femmes sont plus précautionneuses dans leur projet d’entrepreneuriat, elles préfèrent entreprendre dans des petites structures. L’industrie, pour elles, est de moins en moins un secteur interdit, l’âge n’est pas pour elles un frein à la création, enfin, entreprendre n’est pas une affaire de genre.
Sur le thème « Envie d’entreprendre », l’ouverture de la première table ronde de cet afterwork à la française a frisé le contrepied avec cette appréciation de Roxanne Leborgne, étudiante en master MSC, entrepreneuriat et Innovation à NEOMA : « Je n’ai pas d’idée précise sur la reprise ou la création d’entreprise. Mais grâce à ce master, je peux postuler à des postes dans le consulting. Si je devais choisir, j’irais dans une entreprise déjà existante ».
Est-ce plus compliqué d’entreprendre lorsque l’on est une femme ? « Dans notre école, la plupart des incubateurs sont des hommes, mais le côté start-up doit être intéressant pour une femme ». Un master MSC qui n’est pas forcément une pépinière d’entrepreneurs ? Précisions de Marie-Michèle Vassiliou, enseignante à NEOMA : : « Tous les cours sont dirigés vers l’accompagnement de projets, de l’idée de base à l’aboutissement. L’idée d’entreprendre peut très bien intervenir en cours de cursus ».
Un quart de filles dans ce programme pour qui le but est d’intégrer des cabinets : « Les filles se disent qu’elles apprennent et que plus tard elles entreprendront. Les garçons choisissent de faire les deux en même temps ». Ce sera le premier message de cette réunion : les femmes sont plus précautionneuses. Pour l’esquisse du deuxième message, valable pour les hommes comme pour les femmes, Marie-Michèle Vassiliou soulève l’importance de l’écosystème de l’entreprise et celui des réseaux dans l’accompagnement de l’entrepreneuriat.
La culture du talent de l’association "Tous tes possibles"
L’intervenant, Radoine Mébarki, Président fondateur de l’Association Tous Tes Possibles, créateur de solutions innovantes pour le retour à l’emploi, l’évolution professionnelle et l’entrepreneuriat inclusif, opérateur Orpi depuis 2004 et ex-enseignant vacataire à l’Université de Nancy, dépasse le clivage femme/homme : « Ne laisser personne sur le bord du chemin. 90% de ceux qui viennent nous voir sont placés et surtout dans les secteurs en tension. Quand ils n’ont pas d’idées, on les oriente vers le repreneuriat en succédant à des chefs d’entreprise qui passent la main. Des reprises pas chères puisque 90% sont des TPE auxquelles il ne manque que de l’innovation ».
« Les filles se disent qu’elles apprennent et que plus tard elles entreprendront. Les garçons choisissent de faire les deux en même temps. »
« Si tu n’as pas d’idée, prend l’idée de l’autre ». Radoine Mébarki ne loupe pas la moindre occasion d’un spot pub. Un vent de fraîcheur qui, dit-on, murmure aux oreilles du Gouvernement. À la question comment détecter la fibre entrepreneuriale, réponse en trois étapes : « Tout repose sur le pourquoi. Entreprendre c’est risquer, la vraie question est pourquoi j’entreprends. Je ne pense pas qu’il existe une fibre entrepreneur. Chez les entrepreneuses, se lancer est plus complexe, c’est vivre une vraie expérience de vie. Pour cent personnes qui nous contactent, dix entreprennent, riches de leur stock d’aptitudes personnelles et plus tard du stock des compétences acquises ». Pourquoi ? Comment ? Quoi ? Voilà la feuille de route du créateur.
52% des créations
L’ouverture de la deuxième table ronde sur le thème : « Je me lance ou je ne me lance pas » va refroidir quelques idées préconçues. À la manoeuvre, Louis-Michel Barnier, Délégué général d’Alexis Grand Est et Gérant de la couveuse Grand Test avec des statistiques issues de son vécu : « Voici une vingtaine d’années, les femmes représentaient 27% des créations de la couveuse, aujourd’hui, elles sont plus de 52% sur plusieurs centaines de créations annuelles ». Constat suivi d’un bémol : les créatrices sont moins ambitieuses que les hommes, elles vont plus facilement vers des métiers féminins. Voici donc le troisième message de la réunion : les femmes manquent d’ambition.
Virginie Rodrigues, une meneuse d’équipe dans la métallurgie ardennaise
Elle a une formation de biologiste, elle voulait être vétérinaire, la voici cheffe d’entreprise dans la métallurgie, travaillant pour l’énergie et la Défense, à la tête de dix-huit salariés. Virginie Rodrigues est Présidente Directrice Générale de Fixation Technique Vireux-Molhain, une société qu’elle a rachetée à son père en 2015 et largement développé depuis. Elue à la CCI des Ardennes, ex-Présidente régionale du CJD et conseillère régionale dans la Majorité du Grand Est, Virginie Rodrigues explique : « J’avais un environnement familial d’entrepreneurs. J’ai voulu être autonome, indépendante et ma vraie motivation a été le travail collectif. Avec ou sans cette opportunité, je voulais reprendre une entreprise dans l’industrie. Pas d’enfant au départ. Une grosse confiance en soi ».
Equilibre entre la vie privée et la vie professionnelle ? « Il faut assumer. Pas évident, mais pas compliqué. La force d’avoir des collaborateurs bienveillants, avec qui on partage les challenges de l’entreprise est une situation rassurante. On apprend beaucoup des autres. Il faut oser. Sortir des modèles et des dictats de la société ». Entreprendre dans un secteur d’hommes ? L’héritage masculin de l’industrie vient, peut-être, des écoles d’ingénieurs, toutes à majorité masculine. Le « technique » devient, peu à peu, féminin. On se trompe de regard sur l’entrepreneuriat féminin si on le fige dans les métiers de femmes ».
« Quand on veut entreprendre, les barrières ne sont pas insurmontables. Je n’ai jamais vu de discrimination homme/femme envers ceux ou celles qui ont voulu entreprendre. »
Quatrième message : les femmes savent réussir dans l’industrie. Avec Emilie Carvalho, gérante de Emilie and the Cool Kids, à Reims, on découvre le combat contre les loups du commerce établi. : « 18 mois pour monter mon magasin. Aller jusqu’au bout. Croire en ses rêves ». Avec Cécile Seelinger, Dirigeante de Smartransition à Châlons-en-Champagne, sa quatrième aventure entre le consulting, Vivescia, et aujourd’hui une start-up 100% digitale et innovante au service du management de transition : « J’ai aussi commencé dans le conseil. J’ai monté deux start-ups. Je me suis dit qu’il fallait foncer. De Paris à Châlons-en-Champagne. J’ai basculé dans le salariat pour mieux connaître le monde de l’entreprise. À la cinquantaine, j’ai rebasculé dans la création. Il faut se connaître. J’ai découvert que mon moteur était l’entrepreneuriat. Être entouré, se faire accompagner ». Cinquième message : on peut être femme et entreprendre encore à cinquante ans.
Gilles Caumont : aucune discrimination femme/homme dans l’entrepreneuriat
Le Président du Conseil de surveillance d’Adista à Nancy et Président du Medef Meurthe-et-Moselle calme les ardeurs de ceux qui imaginent que chef est nécessaire et que les hommes sont favorisés pour y parvenir : « La fibre de l’entrepreneuriat n’est pas une obligation. Ne pas être entrepreneur ne rend pas malheureux. Quand on veut entreprendre, les barrières ne sont pas insurmontables. Je n’ai jamais vu de discrimination homme/femme envers ceux ou celles qui ont voulu entreprendre ».
Le problème sur ce sujet n’est pas dans le monde de l’entreprise mais dans celui de l’éducation : « C’est la confiance en soi qui fait pour beaucoup. Peut-être trop précautionneuses les femmes ? Les start-ups sont souvent des affaires d’équipes. Un garçon et une fille ? C’est top. La diversité est un vivier d’idées. Le sujet, c’est permettre d’entreprendre à ceux qui en ont envie. Des quotas sur des créateurs, cela n’a aucun sens ». Sixième et dernier message : entreprendre n’est pas une affaire de genre.